Le droit, un levier d'action pour Greenpeace
Greenpeace travaille au niveau national et international avec une équipe de juristes et d’avocats spécialisés qui conseillent l’organisation sur :
- Le contentieux stratégique pour lutter contre la destruction de l’environnement et l’impunité des responsables.
- La gestion des risques et les stratégies de défense : défendre et protéger nos militant·es, activistes et la liberté d’expression.
- Le plaidoyer pour renforcer la protection de l’environnement et lutter contre l’impunité.
Nos actions juridiques
Lors de la COP24, les activistes de Greenpeace appellent le gouvernement à agir pour le climat.
© Jean Nicholas Guillo / Greenpeace
Agir sur l'urgence climatique avec l'Affaire du Siècle
Le 14 mars 2019, quatre associations dont Greenpeace France ont assigné l’État français en justice devant le Tribunal administratif de Paris pour inaction face aux changements climatiques. Recours en justice inédit en France, l’Affaire du Siècle s’inscrit dans une dynamique mondiale : partout dans le monde, des citoyennes et des citoyens saisissent la justice pour que leurs droits fondamentaux soient garantis face aux changements climatiques.
Leur objectif est de faire reconnaître par le juge l’obligation de l’État d’agir pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C, afin de protéger les Français.es face aux risques induits par les changements climatiques et d’obliger l’État à agir.
Dans une autre affaire, celle de Grande-Synthe, où les mêmes associations sont intervenues à la procédure, une première victoire a été obtenue. Le 19 novembre 2020, le Conseil d’État a ordonné une mesure d’instruction, le gouvernement a désormais trois mois pour « justifier que la trajectoire de réduction à horizon 2030 pourra être respectée ».
Le tribunal administratif de Paris a rendu une décision historique le 3 février 2021 dans l’Affaire du Siècle : il reconnaît la responsabilité de l'État français dans la crise climatique, juge illégal le non-respect de ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre et le juge responsable de préjudice écologique.
Forcer l’État à prendre des mesures contre la pollution
À la suite d’une requête de plusieurs dizaines d’associations, dont Greenpeace France, le 10 juillet 2020, le Conseil d’État a ordonné au gouvernement de prendre des mesures pour réduire la pollution de l’air, sous astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard. Il s’agit du montant le plus élevé qui ait jamais été imposé pour contraindre l'État à exécuter une décision prise par le juge administratif.
Contraindre les entreprises à évaluer l’impact environnemental important de leurs activités à l’étranger
Le 4 juillet 2018, Greenpeace et cinq autres associations ont déposé un recours pour exiger l’annulation de l’autorisation administrative d’exploiter l’usine de Total “La Mède” destinée à la fabrication d’agrocarburants.
Outre le non-sens écologique des agrocarburants (utiliser des terres agricoles non pas pour se nourrir mais pour des carburants), cette activité de Total a un impact substantiel sur l’environnement et le climat puisque l’utilisation d’huile de palme engendre de la déforestation, notamment en Indonésie et en Malaisie. Les associations demandent entre autres que les entreprises, dans leur étude d’impact, évaluent leur impact environnemental extra-territorial lorsque celui-ci est important.
En avril 2021, le tribunal administratif de Marseille a prononcé, dans un jugement avant dire droit, une annulation partielle de l’autorisation de la raffinerie et reconnu l’obligation pour le pétrolier d’évaluer les impacts climatiques induits par son approvisionnement en huile de palme. Cette décision constitue une « petite révolution » dans le droit des études d’impact puisque c’est la première fois qu’un tribunal consacre l’obligation pour un industriel de prendre en compte les impacts climatiques générés par les activités de production des matières premières.
Dans un jugement du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Marseille a accepté la nouvelle version de l’étude d’impact Total malgré les failles de celle-ci, notamment sur le calcul des émissions et des certifications du groupe. Greenpeace et les autres requérantes font appel de cette décision pour que l’obligation d’informer sur les impacts à l’étranger soit clarifiée par la Cour et que l’étude d’impact de Total soit annulée purement et simplement, en emboîtant le pas de l’affaire Gardanne .
Lutter contre l’inaction et l’opacité de l’administration française sur le bois illégal
La France n’applique pas correctement le règlement européen sur le bois illégal, lequel impose aux entreprises importatrices de bois de respecter une obligation de diligence raisonnée, c’est-à-dire d’être dotées d’un système de gestion des risques efficace pour éviter d’importer du bois illégal.
Les autorités publiques ne contrôlent pas suffisamment et ne sanctionnent pas les entreprises qui ne sont pas en conformité. Les importations en provenance du Brésil notamment continuent donc dans l’impunité la plus totale. Les investigations de Greenpeace ont incité l’association à déposer des plaintes contre la société ISB France et les Établissements Robert et cie. Des enquêtes préliminaires sont en cours.
Outre leur inaction face aux importations, les autorités publiques refusent de communiquer à Greenpeace les informations sur les entreprises qui ont été contrôlées ou sanctionnées. Face à cette opacité, Greenpeace a saisi une juridiction administrative pour forcer l’Administration à communiquer ces informations environnementales.
Lutter contre le nucléaire et dénoncer les failles de sécurité des centrales existantes
Face aux manquements des industriels EDF et ORANO aux règles de sûreté nucléaire, Greenpeace France a déposé de nombreux recours. L’association est partie civile dans l’affaire des anomalies de Creusot Forge et celle des moteurs diesel de secours, où des instructions sont en cours au tribunal judiciaire de Paris pour exiger la mise en cause des directions de ces industriels. La centrale de Flamanville fait l’objet d’enquêtes et de procédures administratives visant à sanctionner les industriels et à arrêter le chantier de l’EPR qui cumule les dérives techniques.
L’association a par ailleurs obtenu gain de cause contre Orano pour publicité mensongère, alors que l’industriel présentait l’énergie nucléaire comme vertueuse pour le climat.
Face aux déboires financiers de l’industrie nucléaire, l’association est également à l’initiative d’une enquête préliminaire au parquet national financier.
Aujourd’hui, l’un des enjeux est la prolongation de la durée de vie des centrales au-delà de leur durée de vie technique et dont les travaux sont réalisés sans étude d’impact. Face à l’inertie de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Greenpeace a saisi le 9 mars 2020 le comité d’application de la convention « Espoo », qui est relative à l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans les contextes transfrontières. Le comité Espoo a ouvert une procédure contre la France, qu’il suspecte de ne pas respecter ses obligations au titre de la convention en raison de l’absence d’étude d’impact compte tenu de l’ampleur des travaux et des coûts envisagés pour la première prolongation de la durée de vie de réacteurs (centrale de Tricastin). Le comité devrait auditionner la France entre le 18 et le 21 juin 2024.
Défendre nos actions et protéger nos militant·es
La communauté de Greenpeace soutenir les activistes devant le tribunal de Privas lors de leur procès pour intrusion dans la centrale de Cruas-Meysse, en novembre 2017.
© Elsa Palito / Greenpeace
Elles peuvent parfois conduire à des poursuites judiciaires contre les organisations et militants de Greenpeace - des bénévoles engagés dans la protection de l'environnement. Des tribunaux de nombreux pays ont reconnu la légitimité de l'action de Greenpeace et le droit de participer à des manifestations pacifiques dans les sociétés démocratiques.
Greenpeace est aussi souvent la cible de poursuites-bâillons, principalement engagées par des entreprises et leurs dirigeants, lorsque nos campagnes dérangent. Nous avons dû et continuerons à défendre la liberté d’expression, au nom de l’intérêt général et face aux pollueurs. Greenpeace France est membre fondateur du collectif On ne se taira pas !.
Défendre la liberté d’expression face aux poursuites-bâillons
InVivo c. Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France : le 9 décembre 2020, la Cour d’appel de Paris a confirmé la relaxe de Jean-François Julliard, en tant que directeur de Greenpeace France, et débouté les parties civiles Thierry Blandinières et Philippe Mangin, dirigeants d’InVivo, de leurs demandes d’indemnisation au titre d’une prétendue faute civile fondée sur la diffamation. Elles réclamaient notamment la somme exorbitante de 100 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice moral.
La Cour a confirmé que le débat sur la dangerosité des pesticides était d’intérêt général en ce qu’il intéresse directement la santé publique et l’environnement. La légitimité et le sérieux de nos actions face aux lobbys des pesticides sont une fois de plus reconnus.
Défendre nos activistes et militant·es poursuivis pour leur participation à des actions non violentes
EDF c. Greenpeace France et autres pour une action non-violente dans la centrale de Cattenom : alors qu’en première instance, en février 2018, le tribunal correctionnel de Thionville avait sévèrement condamné les 9 prévenus, des militant·es de Greenpeace et un salarié, nous avons plaidé l’état de nécessité pour risque industriel devant la Cour d’appel de Metz. Dans un arrêt en date du 15 janvier 2020, la Cour d’appel a condamné les militant·es à des jours-amendes et Greenpeace France en tant que personne morale à de lourds dommages et intérêts. Pour la première fois, un salarié de l’association, Yannick Rousselet, porte-parole sur les questions nucléaires, est également condamné comme complice. En écartant les peines de prisons prononcées en première instance, les juges montrent qu’ils ont été en partie sensibles à nos arguments.
De façon inédite, en 2017 une information judiciaire a été ouverte pour association de malfaiteurs et un militant de Greenpeace France a été mis en examen pour association de malfaiteurs. Une enquête longue de plusieurs années pour un dossier juridiquement vide et qui ne fait état d’aucun délit connexe à l’association de malfaiteurs. En 2022, cette mise en examen a été annulée mais l’information judiciaire reste toujours ouverte, faisant toujours planer une menace sur le militant.
Récemment, Greenpeace France s’attelle à défendre ses militant·es qui se sont mobilisés devant le ministère de la Transition écologique pour dénoncer son inaction et qui ont fait face à une répression démesurée de la part de l’appareil judiciaire.
Toutefois, il y a des affaires où les juges judiciaires n’hésitent pas à rappeler la nécessaire protection des libertés fondamentales en relaxant les militant·es qui pratiquent la désobéissance civile. Notamment, un militant de Tours qui avait accroché des pancartes sur la permanence d’un député pour dénoncer son action climaticide, ou encore de deux militants girondins qui avaient dessiné à la craie sur une station-service Total, ont été relaxés par les juridictions correctionnelles.
Proposer des solutions pour améliorer la justice environnementale
Soutien aux activistes devant la Cour d'appel de Metz, suite à l'intrusion dans la centrale de Cattenom en octobre 2017.
© Jean Nicholas Guillo / Greenpeace
Des solutions existent, que nous défendons à travers des actions de plaidoyer, des publications et des contributions :
1. Augmenter les moyens de la justice environnementale
(nombre de magistrats, d’enquêteurs policiers/ gendarmes, formations etc.).
2. Spécialiser les juridictions :
si le récent projet crée des Parquets spécialisés et contribue à cet objectif, il est en réalité très insuffisant en raison de la question de l’absence de moyens. La nature de nos sujets – à la fois complexes scientifiquement et aux périmètres géographiques étendus – constitue une difficulté pour l’association qui doit construire tout le dossier juridique de la façon la plus claire et pédagogique possible, avec un maximum de preuves à destination des juges. Par ailleurs, l’environnement reste encore une thématique que les acteurs de la justice peuvent considérer comme « moins prioritaire » que d’autres, avec des procédures particulièrement longues.
3. Obtenir plus de transparence et de communications de l'administration
sur les informations environnementales, qui peut aujourd’hui refuser sur certains sujets de donner accès aux informations (exemple du nucléaire : secret-défense ou commercial systématique).
4. Développer l’activisme judiciaire,
à l’image de la relaxe des décrocheurs des portraits de Macron pour « état de nécessité » ou liberté d’expression et la mobilisation des citoyen·nes pour la justice climatique et environnementale.
5. Faire évoluer le droit face à la mondialisation,
comme cela a pu être fait avec la loi sur le devoir de vigilance, et renforcer les législations pesant sur les acteurs publics et privés – notamment pour obliger ces derniers à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre – afin de les contraindre à agir.
Pour aller plus loin :
- Plus d’informations sur le travail juridique de Greenpeace International.
- Portrait de Laura Monnier, chargée de campagne juridique à Greenpeace France.
Suivez nos dernières actus juridiques :
En savoir plus sur Greenpeace :
- Qui sommes-nous ?
- Notre vision pour les mondes de demain
- Nos valeurs et principes d'action
- Nos missions
- Notre méthode pour faire bouger les lignes
- Notre cadre stratégique
- Notre histoire
- Notre fonctionnement
- Nos bateaux
- Notre laboratoire de recherche scientifique
- Notre indépendance financière
- Greenpeace dans le monde