Le trafic de bois illégal est une immense industrie parallèle qui pèse des milliards et menace les forêts du monde entier. Certaines recherches montrent qu'entre 20 et 40 % du bois tropical introduit sur les marchés internationaux provient de l’exploitation illégale de forêts. Ainsi, la valeur du commerce du bois récolté illégalement serait comparable à celle du marché de la drogue. Alors que des notions comme celle de « justice climatique » (le droit de tous, en particulier des plus vulnérables, à une planète vivable) invitent à une vraie prise en compte juridique de l’environnement et des services rendus par les écosystèmes, qu’en est-il de l’action de la justice française en matière de bois illégal ? Aujourd’hui, les juridictions de notre pays font preuve d’une forte inertie.

Forêts

Bois illégal : la justice française doit agir

Le trafic de bois illégal est une immense industrie parallèle qui pèse des milliards et menace les forêts du monde entier. Certaines recherches montrent qu'entre 20 et 40 % du bois tropical introduit sur les marchés internationaux provient de l’exploitation illégale de forêts. Ainsi, la valeur du commerce du bois récolté illégalement serait comparable à celle du marché de la drogue. Alors que des notions comme celle de « justice climatique » (le droit de tous, en particulier des plus vulnérables, à une planète vivable) invitent à une vraie prise en compte juridique de l’environnement et des services rendus par les écosystèmes, qu’en est-il de l’action de la justice française en matière de bois illégal ? Aujourd’hui, les juridictions de notre pays font preuve d’une forte inertie.

DLH : un dossier dans les rouages de la justice française depuis 8 ans

Un tronc d’arbre africain coupé par l’entreprise DLH, dans le port de Leixoes, au Portugal (2000). Le 18 novembre 2009, Greenpeace et d’autres ONG ont déposé une plainte visant la filiale française de DLH, l’un des plus importants marchands de bois au monde. Elles accusent DLH-France d’avoir acheté de 2000 à 2003 du bois au Libéria au mépris de la législation en vigueur et alors que le pays était en pleine guerre civile. Pire : ce trafic aurait financé le régime sanguinaire de Charles Taylor.

Les associations Greenpeace France, Sherpa, Global Witness et le cabinet d’avocats libérien Green Advocates viennent de faire appel dans l’affaire DLH à l’encontre d’une ordonnance de non-lieu (refus d’investiguer) du juge d’instruction du tribunal de grande instance de Montpellier. La chambre de l’instruction devrait se prononcer dans les prochains mois.

En 2009, ces parties civiles avaient porté plainte pour délits de recel de trafic d’influence et de destruction de biens d’autrui concernant le commerce de bois de l’entreprise DLH au Libéria du temps de la guerre civile, sous le régime de Charles Taylor lui-même condamné pour crimes de guerre et contre l’humanité.

Plus de 8 ans que ce dossier est dans les rouages des juridictions répressives françaises sans qu’aucune investigation judiciaire n’ait été réellement menée.

Cette affaire illustre le parfait immobilisme des juridictions dans le domaine du bois illégal.  Pourtant les institutions européennes et INTERPOL n’hésitent pas à clamer la nécessité de lutter à grande échelle contre ce fléau, notamment au nom du climat.

Passer de la parole aux actes : la justice doit trancher

En août 2017, plus de 70 militants de 12 pays européens ont bloqué les machines abattant des arbres dans la forêt primaire de Bialowieza, en Pologne. Les militants protestaient contre l’abattage illégal de bois dans cette forêt classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.

D’autres dossiers relatifs à la répression du bois illégal sont en cours devant les tribunaux français et susceptibles de permettre un passage des paroles aux actes.

Le 3 mars 2013, un règlement européen historique pour l’environnement et les forêts de la planète entrait en vigueur. Ce Règlement sur le Bois de l’Union Européenne est le fruit d’une campagne de plus de dix ans de la part d’ONG comme Greenpeace : il doit aujourd’hui être appliqué dans tous les pays de l’Union. En 2015, afin de ne pas perdre plus de temps et de garantir la poursuite par la France de la mise en oeuvre de ce RBUE, Greenpeace décidait d’écrire officiellement à la Commission européenne pour l’avertir des manquements de la France en matière d’application du règlement.

En octobre 2014, huit activistes de Greenpeace procédaient à une mise sous scellés symbolique de bois brésilien et congolais sur le port de La Rochelle (La Pallice) en Charente Maritime. Il s’agit de bois illégaux ou suspectés d’illégalité. Par cette action, les militants dénonçaient l’inaction des autorités françaises et l’attitude des importateurs, qui n’avaient rien changé à leurs habitudes à l’égard de pays et des fournisseurs à très haut risque d’illégalité.

Dans cette ville de La Rochelle – plateforme internationale du bois – Greenpeace France a déposé une plainte avec constitution de partie civile début 2016 notamment pour délit de manquement à l’obligation de « diligence raisonnée » de certains importateurs de bois français depuis les concessions COTREFOR de la République démocratique du Congo (RDC). Cette infraction est punie de deux ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende, montant pouvant être quintuplé pour les entreprises (article 76 de la loi n°2014-1170).

Les militants de Greenpeace en action contre le navire Safmarine Sahara, un vaisseau cargo entrant dans le port de La Rochelle, chargé de bois illégal venant de République Démocratique du Congo (2014).

Il  leur est reproché de ne pas avoir pris toutes les précautions nécessaires dans le cadre de ces importations dont la traçabilité est insuffisante s’agissant d’un pays d’origine « à risques » notamment au regard de son indice de corruption élevé.

En décembre 2017, l’avocate de Greenpeace France a demandé au juge d’instruction en charge du dossier l’audition des dirigeants d’entreprises françaises dont notamment PELTIER, F. JAMMES, ANGOT BOIS, ABEX et TROPICAL WOOD TRADING afin qu’ils s’expliquent sur les faits reprochés.

Certaines d’entre elles ont été contrôlées par l’autorité administrative, le ministère de l’Agriculture et l’Alimentation (MAA). Cependant, ces inspections, censées être réalisées « sans avertissement préalable » à l’entreprise mais qui en pratique est parfois prévenue à l’avance, concluant au respect des exigences réglementaires ne paraissent pas fondées. Déjà en 2016, Greenpeace France alertait sur l’incohérence des premiers contrôles relevant des manquements sans que cela ne soit suivi d’effets.

En 2014, les militants de Greenpeace dénonçaient déjà le laxisme de la France en matière de bois illégal et son rôle dans la destruction de la forêt tropicale de République Démocratique du Congo (2014).

Ainsi, les contrôleurs environnementaux constatent des faits tels que : l’absence de documents justificatifs, l’absence de traçabilité fiscale, l’insuffisance de la gestion des risques de l’entreprise face au niveau de corruption élevé du pays fournisseur (RDC et République centrafricaine) et l’absence de suivi des approvisionnements… tout en constatant que le système de gestion des risques de l’entreprise est correct. Autre élément particulièrement grave : l’absence de référence des importations des concessions COTREFOR de RDC alors que la partie civile démontre via des manifestes portuaires lesdites importations.

En conséquence, il faut que les juridictions répressives françaises se saisissent de ces sujets, que des investigations efficaces soient menées et que des décisions fortes soient prises. Seuls ces actes permettront d’envoyer un signal d’alarme dans le secteur tant en France que dans les pays exportateurs.