Pourquoi interdire les armes nucléaires ?

Alors même que les armes biologiques et chimiques font l’objet d’une interdiction globale (respectivement depuis 1972 et 1993), les armes nucléaires échappaient jusqu’à présent à cette logique. Une anomalie juridique qui est en passe d’être pleinement éliminée avec l’entrée en vigueur, attendue pour 2020, du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN).

Comme le prouvent les archives de différentes puissances nucléaires, la communauté internationale a eu de la chance de ne plus jamais subir, depuis août 1945, les conséquences humanitaires catastrophiques des armes nucléaires. De la crise de Cuba (1962) à la crise sino-soviétique (1969), en passant par la crise indo-pakistanaise (1999), les accidents nucléaires de Thulé (1968) ou des sous-marins franco-britanniques (2009), toutes ces situations ont failli déboucher sur la détonation d’armes nucléaires. Pendant combien de temps allons-nous faire reposer notre sécurité sur ce facteur chance ?

Il était ainsi temps que naisse l’interdiction des armes nucléaires, qui doit entraîner un processus de désarmement nucléaire, pour que le droit international soit respecté, pour mettre un terme à la prolifération nucléaire et pour renforcer la sécurité internationale.

Le droit international humanitaire (DIH) impose aux États de ne pas cibler les populations civiles. Or, en cas de détonation d‘arme nucléaire, il est impossible que ces populations ne soient pas directement victimes, d’autant plus que ces armes ont des villes comme principales cibles. D’autre part, les États membres du Traité de non-prolifération (TNP) ont réaffirmé en 2010 « la nécessité pour tous les États de respecter en tout temps […] le droit international humanitaire» Interdire les armes nucléaires ne signifie ainsi rien d‘autre que de respecter le droit international.

Le combat contre la prolifération nucléaire ne peut être gagné que si dans le même temps des progrès vers l’élimination des arsenaux sont réalisés. En effet, comment est-il possible d’affirmer que la sécurité d’un État (territoire, population…) repose sur une politique de dissuasion nucléaire quand, dans le même temps, il est demandé aux autres États de ne pas se doter de ce moyen « sécuritaire » ? La non-prolifération et le désarmement sont donc bien les deux faces d’une même médaille. D’ailleurs, le TNP est un instrument juridique qui demande de réaliser des mesures relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires et au désarmement nucléaire ; le TIAN venant appuyer et renforcer la mise en œuvre de ce traité.

 Commémoration au Japon des 60 ans des bombardements d'Hiroshima et Nagasaki, août 2005. © Greenpeace / Jeremy Sutton-Hibbert

Commémoration au Japon des 60 ans des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, août 2005.
© Greenpeace / Jeremy Sutton-Hibbert

Affirmer que la stabilité internationale entre les grandes puissances existe grâce à la dissuasion nucléaire est une idée étonnante. En effet, il est surprenant de qualifier une arme de destruction massive de facteur sécuritaire et stabilisateur du monde ! Cette stabilité par la dissuasion est un point de vue qui n’est partagé que par les détenteurs de la bombe et leurs alliés. Pour tous les autres États, les arsenaux nucléaires sont des facteurs d’instabilité et menacent leur propre sécurité, en raison des conséquences humanitaires et environnementales qu’engendrerait toute détonation. De plus, le caractère perpétuel de menace d’emploi – comme le veut la dissuasion – entraîne un climat de défiance mondiale. En d’autres termes, la dissuasion, comme la définit le philosophe Jean Pierre Dupuy, « implique que chaque nation offre aux possibles représailles de l’autre sa propre population en holocauste. La sécurité y est fille de la terreur ». Il est ainsi incontestable qu’une interdiction des armes nucléaires renforcerait la sécurité de tous les États et en particulier des États disposant d’armes nucléaires, ceux-ci étant les plus susceptibles d’être visés par cette arme de destruction massive.

Enfin, alors que des millions de personnes souffrent de la faim à travers le monde – un grave facteur d’instabilité – les États nucléaires utilisent de vastes ressources publiques. Ces dépenses pourraient être affectées à la santé, l’éducation, la lutte contre les changements climatiques, l’aide aux sinistrés, l’aide au développement et autres services essentiels pour assurer la sécurité de populations en attente d’aide.

Les armes nucléaires ne sont rien d‘autre que la nouvelle Ligne Maginot de ce siècle. Elles donnent une sensation de sécurité, mais en réalité elles ne font qu’entretenir la prolifération et ses dangers comme le terrorisme nucléaire. La seule garantie de ne jamais avoir à subir de détonations nucléaires entraînant des conséquences humanitaires catastrophiques est d’éliminer sans plus attendre cette arme de destruction massive.

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Contenu rédigé en collaboration avec Ican France.