Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, une avancée historique !

L’histoire montre que la mise en place de l’interdiction de certaines catégories d’armes facilite les progrès vers leur élimination. C’est le cas pour les armes biologiques et chimiques, les mines antipersonnel et les armes à sous munitions. De plus, il n’y a aucune utilité à interdire les armes nucléaires si celles-ci sont déjà éliminées, le droit est ainsi créé pour faire évoluer une problématique et non pas pour entériner le fait que celle-ci n’existe plus.

Commémoration au Japon des 60 ans des bombardements d'Hiroshima et Nagasaki, août 2005. © Greenpeace / Jeremy Sutton-Hibbert

Commémoration au Japon des 60 ans des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, août 2005. © Greenpeace / Jeremy Sutton-Hibbert

Le 7 juillet 2017, une écrasante majorité d’États (122) ont adopté à l’ONU le Traité d’interdiction sur les armes nucléaires (TIAN). Ce traité est l’aboutissement du processus (entamé en 2010) de « l’initiative humanitaire » promue à la fois par des États et par la campagne ICAN. Il a en effet été reconnu l’existence d’un « vide juridique » dans le principal traité qui codifie les armes nucléaires : le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Celui-ci ne prévoyait pas une interdiction générale et globale (développement, possession, utilisation, menace d’emploi) des armes nucléaires. Des interdictions que l’on retrouve par exemple dans les régimes d’interdiction des armes chimiques ou biologiques ; le TNP est ainsi en quelque sorte incomplet. Par exemple, ce régime n’envisage pas l’interdiction totale des essais nucléaires mais autorise (article V) les essais nucléaires à des fins de génie civil. La création (1996) du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) est ainsi venue combler ce « vide » d’interdiction.

Pour la première fois depuis 20 ans, un instrument multilatéral juridiquement contraignant a ainsi été négocié pour faire avancer le désarmement nucléaire. Ce traité vient donc compléter ce vide juridique existant dans le TNP pour renforcer la sécurité internationale et la non-prolifération nucléaire.

Manifestation anti-nucléaire devant l'usine d'armes nucléaires de Rocky Flats, Colorado, USA, janvier 1978.

Manifestation anti-nucléaire devant l’usine d’armes nucléaires de Rocky Flats, Colorado, USA, janvier 1978. © Greenpeace / Rex Weyler

Le traité est composé d’un long préambule dont les premières lignes portent sur les conséquences humanitaires catastrophiques qui résulteraient de l’emploi de l’arme nucléaire. Il s’appuie sur la Charte des Nations unies, les droits humains et le droit international humanitaire, sans oublier de mentionner le TNP comme « pierre angulaire du régime de non-prolifération et de désarmement nucléaires » et l’importance du TICE. Si sont soulignées les souffrances des victimes des explosions de Hiroshima et de Nagasaki, ainsi que des essais nucléaires, sont aussi mentionnés les effets disproportionnés des rayonnements ionisants sur les femmes et les filles. C’est la première fois que cette notion du genre est ainsi mentionnée dans un traité sur une arme de destruction massive. Enfin, la dernière partie de ce préambule est consacrée à l’importance de l’éducation en matière de paix et de désarmement et aux rôles des ONG « dans l’avancement des principes de l’humanité ».

Dans les 20 articles qui composent le TIAN, le premier « Interdictions » précise que « chaque État partie s’engage à ne jamais, en aucune circonstance : mettre au point, mettre à l’essai, produire, fabriquer, acquérir de quelque autre manière, posséder ou stocker, transférer, accepter, autoriser l’installation ou le déploiement, employer ni menacer d’employer des armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires ». Très logiquement, les armes nucléaires sont mises en avant comme système d’arme à interdire. Mais il faut remarquer que ce traité interdit aussi la politique qui les met en œuvre, soit la dissuasion nucléaire qui consiste à exercer une menace d’emploi permanente d’armes nucléaires sur des populations civiles. Cette politique ne peut donc qu’exercer un sentiment global d’insécurité et être contraire au droit international humanitaire.

Les notions de financement et de préparation militaire ne sont pas inscrites formellement mais, comme ce fut aussi le cas pour les traités sur les armes à sous munitions et les mines antipersonnel, sont considérées comme implicites. Un État qui possède des armes nucléaires peut adhérer au traité à tout moment, pour autant qu’il accepte de les détruire conformément à un plan juridiquement contraignant assorti d’un calendrier. De même, un État qui accueille les armes nucléaires d’un autre État sur son territoire peut adhérer, à condition qu’il accepte de retirer ces armes avant une date fixée.

Photographie des premiers membres de Greenpeace sur leur bateau

Une partie de l’équipage de la toute première expédition en mer de Greenpeace, partie de Vancouver le 15 septembre 1971. Le but du voyage était de mettre fin aux essais nucléaires américains sur l’île d’Amchitka.  © Greenpeace / Robert Keziere.

L’entrée en vigueur du TIAN se fera quand 50 États, au minimum, auront ratifié ce texte – ce qui est attendu pour 2020. À la date du 6 septembre 2018, déjà 15 États l’ont ratifié. Soixante-douze ans après sa première utilisation, l’arme nucléaire a donc vocation à devenir une arme illégale au regard du droit international.

Le TIAN est le point de départ d’un processus global de désarmement nucléaire, c’est-à-dire de l’élimination des armes nucléaires. Il établit une nouvelle norme juridique internationale puissante, stigmatisant les armes nucléaires et obligeant les nations à prendre des mesures urgentes sur le désarmement, renforçant ainsi le tabou mondial contre ces armes et rejetant définitivement l’idée que celles-ci sont acceptables.

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