La place accordée aux questions climatiques et environnementales pendant la cam

Agriculture - Climat - Nucléaire

Présidentielle et écologie : 5 idées reçues

La place accordée aux questions climatiques et environnementales pendant la campagne présidentielle est très limitée… Et quand ces sujets sont abordés, ils sont régulièrement caricaturés par certains candidats et candidates, qui n’hésitent pas à travestir la réalité. Petit florilège d’idées reçues et de contre-vérités qui circulent encore à la veille d’un scrutin décisif.

Idée reçue 1 : « L’écologie punitive », ou comment caricaturer celles et ceux qui veulent agir

Une citation

Citation de Valérie Pécresse sur Twitter : Quand on taxe, ce sont toujours les plus pauvres qui sont les plus pénalisés ! Face à l’envolée des tarifs de stationnement à Paris, je veux défendre une écologie positive qui incite et qui accompagne plutôt qu’une écologie punitive et antisociale qui interdit et qui taxe.

Ce que ça cache
En bonne place dans les discours anti-écolos depuis quelques années, le chiffon rouge de « l’écologie punitive » est régulièrement agité par des candidats et candidates à l’élection présidentielle, de Marine Le Pen (RN) à Fabien Roussel (PCF) en passant par Valérie Pécresse (LR).

Cette expression et d’autres clichés également brandis par le président-candidat Macron (comme le « retour à la lampe à huile » ou « au modèle amish ») sont surtout un moyen de justifier l’inaction, des programmes très faibles en matière d’écologie. Mais également des politiques conservatrices qui maintiennent un modèle pollueur et destructeur pour l’environnement sans prendre les décisions qui s’imposent ni prévoir de mécanisme d’accompagnement des plus précaires dans la transition.

La réalité
Ne rien changer ou se contenter d’inciter les pollueurs à évoluer ne fonctionne pas. C’est ce qu’ont tenté de faire les gouvernements successifs, sans succès. Et cela revient en réalité à punir les catégories les plus précaires, premières victimes des conséquences du changement climatique et de la pollution.

Valérie Pécresse a beau jeu de revendiquer une « écologie incitative » face à une « écologie punitive », alors qu’elle ne propose quasiment rien pour accompagner les ménages les plus précaires dans la transition et pour mettre en priorité à contribution les plus gros pollueurs. La transition écologique doit forcément s’accompagner de changements profonds de mode de vie et d’habitude, mais l’effort doit être justement réparti.

Il faut des mesures courageuses et audacieuses comme la mise en place d’une fiscalité pesant davantage sur les plus fortunés et les plus gros pollueurs, tel qu’un ISF climatique (auquel trois candidat·es à la présidentielle sont favorables : Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon), l’interdiction des dividendes versés aux actionnaires d’entreprises aux activités climaticides et des mesures structurelles fortes pour lutter contre la précarité.

Un chiffre
« Le patrimoine financier des 63 milliardaires français émet autant de gaz à effet de serre que celui de 50 % de la population française », selon un rapport publié fin février 2022 par Oxfam France et Greenpeace France. Cela pose une vraie question sur l’ampleur des inégalités climatiques qui pèsent sur les citoyen·nes français·es et sur le partage de l’effort.

Idée reçue 2 : « La France fait mieux que les autres », fausse excuse pour ne rien faire en matière d’écologie

Une citation

Citation de Macron sur Twitter : Pour relever le défi du climat, il fallait accompagner les Français pour rénover leur logement, changer leur voiture : nous l’avons fait. Et les émissions de gaz à effet de serre ont baissé deux fois plus vite qu’avant.
Citation d’Eric Zemmour sur Twitter : Nous n’avons pas à sacrifier les Français et l’industrie française sur l’autel de la lutte contre le réchauffement climatique. Que les Américains et les Chinois commencent. La France représente 1% des émissions de CO2.

« Personne n’en a autant fait depuis trois ans. Personne ! […] Donc moi je n’ai pas de leçon à recevoir… », Emmanuel Macron – Brut

Ce que ça cache
Tandis que l’un remet la faute sur les autres, l’autre estime que la France est un exemple à suivre pour son action environnementale… Ces deux idées reçues sont les faces d’une même pièce : des programmes écologiques très maigres que ce soit pour Eric Zemmour et Emmanuel Macron, comme pour Marine Le Pen ou Valérie Pécresse.

La réalité
Oui, la France ne représente que 1% des émissions de CO2 dans le monde, mais cette donnée n’intègre ni les gaz à effet de serre liés aux importations, ni l’ensemble des gaz à effet de serre émis sur territoire français comme le méthane.

Pourtant, ces éléments permettent d’avoir une vision plus proche et représentative de la réalité de notre modèle économique, qui dépend en grande partie des importations notamment dans les domaines énergétique et agricole.

A cet égard, on peut rappeler que l’empreinte carbone moyenne d’un·e Français·e, c’est-à-dire l’impact climatique de ce que l’on consomme, est bien supérieure à la moyenne mondiale. Pour savoir si la France est un modèle d’exemplarité, il faut également établir une analyse globale.

Le réchauffement climatique est un phénomène cumulatif : chaque gaz à effet de serre émis s’accumule. Or la France s’est développée en investissant très tôt dans les énergies fossiles comme le charbon, le pétrole, le gaz.La France a la 8e empreinte carbone historique la plus importante au monde. « Il est donc juste que la France assume une part importante des efforts de réduction des émissions », souligne ainsi le Haut Conseil pour le Climat, une instance créée par Emmanuel Macron lui-même, qui s’assoit pourtant sur ses recommandations.

Loin d’être championne du climat, la France ne respecte pas l’Accord de Paris, ni les objectifs qu’elle s’est elle-même fixés en matière d’énergies renouvelables.

Les actions de l’Etat face à la crise climatique sont tellement insignifiantes qu’en 2021, la justice française a condamné à deux reprises l’Etat français pour inaction climatique et préjudice écologique. Ceci faisant suite au recours de la commune de Grande-Synthe, puis à celui de l’Affaire du Siècle soutenu par 2,3 millions de citoyen·nes. L’Etat français doit prendre « toutes les mesures utiles » pour réparer ses fautes en matière de climat dans le respect de l’Accord de Paris.

Un chiffre
L’empreinte carbone moyenne en France est de 4,9 tonnes de CO2 par habitant en excluant les émissions « importées » de gaz à effet de serre (celles générées par les biens et services produits à l’étranger pour notre consommation) et les autres gaz à effet de serre émis sur le territoire. Mais ce chiffre grimpe à 8,2 tonnes de CO2 par habitant avec une vision représentative de la réalité, ce qui est bien supérieur à la moyenne mondiale de 6,2 tonnes.

Idée reçue 3 : « Sans l’agro-industrie, on n’arrivera pas à nourrir le monde »… des profits

Une citation

Citation de Valérie Pécresse sur Twitter : Nous devons être souverains en matière agricole. L’agriculture française doit nourrir les Français et doit rayonner dans le monde. Je dis non à cette folie de la décroissance agricole et je dis oui à une agriculture qui produit plus et mieux. C’est mon ambition.

Ce que ça cache
« Non à la décroissance agricole » », « stop à l’agribashing » ou encore « on ne va pas nourrir la planète avec du bio »… Toutes ces expressions, reprises à leur compte par des candidats et candidates à l’élection présidentielle (Anne Hidalgo, Jean Lassalle, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Valérie Pécresse, Eric Zemmour…) proviennent directement des principaux lobbies de l’agro-industrie comme la FNSEA.

En faisant mine de dénoncer « l’agribashing », le syndicat agricole majoritaire et celles et ceux qui reprennent sa communication cherchent surtout à faire taire les critiques à l’égard de l’agro-industrie et de l’élevage intensif et à invisibiliser la volonté d’une transition agro-écologique qui nuirait à leurs profits.

Étrangement, les programmes de ces candidats et candidates sont très faibles sur la nécessaire transformation des modes de production agricole et manquent cruellement d’engagements concrets vers une refonte de notre système alimentaire afin qu’il soit résilient face aux crises d’aujourd’hui et de demain. Plutôt que de dénoncer le modèle prôné par l’agro-industrie, qui a aggravé notre dépendance aux énergies fossiles depuis plus de 60 ans et ne garantit aucunement la souveraineté alimentaire, ces candidat·es ont choisi de blâmer les organisations paysannes, les citoyen·nes, les associations et les ONG qui appellent à une vraie transition agroécologique et dénoncent les dérives de ce système polluant.

La réalité
Alors que la guerre en Ukraine a mis en évidence les failles de nos modèles agricoles et alimentaires, les lobbies ont intensifié leur communication. Leur but ? Chercher à affaiblir les rares avancées environnementales de la politique agricole européenne, dont la stratégie « De la ferme à l’assiette », en se positionnant comme la solution face à la demande alimentaire mondiale et aux dérèglements climatiques.

Pourquoi est-il dangereux de continuer à suivre les logiques productivistes de l’agriculture industrielle ?

  • Ce modèle accroît une dépendance déjà très importante des agriculteurs aux engrais et aux pesticides à partir d’énergie fossile comme le gaz et le pétrole en partie importés de Russie dont les prix ont drastiquement augmenté.
  • Ces logiques accentuent une forte dépendance des éleveurs aux importations de maïs, tourteaux de tournesol pour l’alimentation des animaux. A cause de la crise géopolitique actuelle, les prix de l’alimentation animale venant d’Ukraine se sont envolés. Tout le contraire de l‘indépendance alimentaire et agricole mise en avant par les lobbies et certain·es candidat·es à la présidentielle.
    Par ailleurs, l’alimentation des animaux d’élevages intensifs engendre une déforestation croissante, comme en Amazonie. Une catastrophe pour le climat et la biodiversité !

Un chiffre
Nous produisons déjà suffisamment de nourriture pour nourrir l’ensemble de l’humanité : le gaspillage alimentaire représente environ 30% de la production. Par ailleurs, nous pouvons répondre à un risque de pénurie alimentaire à moyen terme en produisant autrement. 71% des surfaces agricoles sont dédiées à l’élevage en Europe, la moitié pourrait servir à nourrir les humains si nous consommions moins de viande.

Idée reçue 4 : La « relance du nucléaire », l’arbre qui cache le désert climatique

Une citation

Citation de Marine Lepen sur Twitter : Le nucléaire est le meilleur moyen d’avoir une énergie à bas coût, une énergie décarbonée, et de ne pas dépendre du gaz russe ou du charbon : je souhaite un grand plan de relance du nucléaire.

Ce que ça cache
Plusieurs candidats et candidates à l’élection présidentielle se livrent à une véritable surenchère sur le nucléaire. 6 réacteurs EPR pour Marine Le Pen, Valérie Pécresse et Fabien Roussel ; 6 à 14 EPR et des « petits » réacteurs SMR en prime pour Emmanuel Macron ; 10 à 14 EPR pour Eric Zemmour ; et des propositions floues mais tout aussi pompeuses de la part de Nicolas Dupont-Aignan et Jean Lassalle.

Cette surenchère radioactive cache surtout l’absence de vraie politique de transition énergétique face à la réalité du changement climatique. Ces candidat·es brandissent toutes et tous le nucléaire comme principale réponse au changement climatique, soit comme le font Marine Le Pen et Eric Zemmour en dénigrant toutes les autres solutions pourtant absolument indispensables (économies d’énergie et développement des énergies renouvelables), soit en y accordant une place anecdotique comme le font Emmanuel Macron et Valérie Pécresse.

Chacun·e tente, à sa manière, de rejouer le mythe gaullien de « l’excellence française », de « l’indépendance énergétique », ou encore d’une énergie inépuisable et « bon marché ».

La réalité
Les discours grandiloquents de ces candidats et candidates pro-nucléaires passent sous silence la réalité du nucléaire français aujourd’hui : la filière des réacteurs EPR est un véritable fiasco industriel, les petits réacteurs SMR ne verront pas le jour avant 2035, les coûts grimpent en flèche alors que ceux des énergies renouvelables ne cessent de diminuer…

Qu’en est-il des risques (notamment en cas de conflit), du casse-tête de la gestion des déchets radioactifs, de la dépendance vis-à-vis de nos fournisseurs étrangers d’uranium (Kazakhstan, notamment) et des liens avec l’industrie nucléaire russe, ou encore les délais de construction bien trop longs pour répondre à l’urgence climatique ?

Que l’on soit pour ou contre le nucléaire, celui-ci ne pourra jouer dans le meilleur des cas qu’un rôle mineur dans la lutte contre le changement climatique.Faire croire que le défi climatique pourra être surmonté grâce à la relance du nucléaire, sans efforts drastiques de réduction de la consommation d’énergie et sans recours aux éoliennes, au photovoltaïque et à un mix diversifié d’énergies renouvelables relève purement et simplement du mensonge

Parmi les candidat·es à l’élection présidentielle, plusieurs ont heureusement saisi l’importance de ces questions de sobriété et de développement des énergies renouvelables. Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou sont favorables à une transition vers un système énergétique 100% renouvelable et à une sortie progressive du nucléaire.

Un chiffre
Pour réduire les émissions de CO2 dans le monde de 10 % seulement d’ici 2050, il faudrait construire 1 réacteur nucléaire par semaine pendant 20 ans ! Sachant que les délais de construction moyen d’un réacteur sont de 15 à 20 ans entre la prise de décision et la mise en service…

L’EPR de Flamanville, qui n’est toujours pas en service alors qu’il devait démarrer en 2012, a déjà coûté six fois plus cher que prévu, passant de 3,3 milliards d’euros prévus initialement à près de 20 milliards aujourd’hui. Énergie « bon marché », disent-ils ?

Idée reçue 5 : « La technologie est la solution »… pour ne surtout rien changer

Une citation

Citation d’Emmanuel Macron sur Twitter : #France2030, objectif 5. Produire le premier avion bas-carbone.

Ce que ça cache
« Numérique, robotique, génétique » : voilà la transition version Emmanuel Macron, présentée dans son plan de relance France 2030. Comme d’autres candidats et candidates, notamment Marine Le Pen (qui s’enthousiasme pour la fusion nucléaire) ou Valérie Pécresse (chantre de l’avion à hydrogène ou aux biocarburants et des voitures électriques), Emmanuel Macron joue la carte du progrès technologique pour ne surtout pas remettre en cause le modèle économique actuel et les intérêts des industries polluantes.

Ces promesses technologiques servent avant tout les intérêts financiers des plus gros pollueurs. Enrobées de beaux discours « verts », elles tentent de donner l’illusion de techniques révolutionnaires en faveur du climat, tout en faisant passer dans le même temps les écolos pour des anti-sciences adeptes du « modèle amish ».

Encore une fois, le discours de la « technologie nous sauvera toutes et tous » cherche avant tout à justifier l’inaction climatique et le manque de courage de ces candidats et candidates à engager une réelle transition écologique et à prendre en main l’enjeu majeur de la sobriété, à savoir la nécessaire maîtrise et réduction de nos consommations d’énergie et de ressources naturelles.

La réalité
Le rapport du GIEC nous rappelle encore que l’urgence climatique nous impose d’engager une transition écologique forte et ambitieuse dès maintenant. Trop souvent, la promesse de solutions technologiques « miracles » détourne l’attention face aux mesures urgentes qui s’imposent si l’on veut respecter l’Accord de Paris et réduire rapidement et fortement les émissions de gaz à effet de serre.

Le déploiement de ces nouvelles technologies demande souvent du temps : nous n’en avons plus !

De plus, ces « solutions » sont généralement largement insuffisantes et ne répondent qu’en partie au problème écologique… Pire, parfois, elles sont carrément dangereuses et porteuses de risques sociaux, sanitaires et/ou environnementaux majeurs, comme par exemple avec les « nouveaux OGMs ».

« L’avion vert » est un parfait exemple de fausse solution miracle : le président-candidat Emmanuel Macron et son gouvernement misent tout sur cette option pour régler le problème climatique du secteur aérien, alors que – entre autres problèmes – son développement et déploiement industriel n’est pas acquis et prendra du temps.

L’avion à hydrogène d’Airbus ? Sa commercialisation n’est pas prévue avant 2035 au plus tôt… Et en attendant ? Le secteur aérien continuera de voir ses émissions de gaz à effet de serre augmenter, faute de régulation et de mesures destinées à réduire le trafic aérien. Ces mesures sont pourtant incontournables pour mettre le secteur sur une trajectoire compatible avec l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.

Un chiffre
Une à trois lignes seulement sont concernées par la suppression des vols intérieurs pour lesquels une alternative en train existe.

La Convention citoyenne pour le climat avait proposé d’organiser progressivement la fin du trafic aérien sur les lignes où il existe une alternative en train en moins de 4h. Mais cette proposition a été vidée de sa substance par Emmanuel Macron, notamment en réduisant le temps de trajet en train à 2h30. « Oui, mais l’avion vert, un jour… »

 

Pour aller plus loin, vous pouvez lire notre décryptage de programmes pour savoir qui souffle le chaud ou froid en matière d’écologie dans cette campagne présidentielle.

 

 

Crédit Photo : © Pierre Gleizes / Greenpeace