TotalEnergies, une entreprise ancrée dans la « vie réelle » ?

Énergies - Pétrole, gaz et charbon

Les (faux) arguments de Total vs. la réalité

Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, est auditionné par le Sénat le 29 avril dans le cadre de la commission d’enquête lancée en décembre 2023 pour questionner les activités de la multinationale française et le rôle de l’État dans leur régulation. L’occasion pour la pétrogazière de resservir ses (faux) arguments habituels. On fait le point et on vous explique ce qui se cache vraiment derrière ce greenwashing et cette désinformation qu’elle nous impose depuis 100 ans.

TotalEnergies, une entreprise ancrée dans la « vie réelle » ?

« On ne fait que répondre à la demande des consommateurs »

C’est un des arguments classiques de l’inaction climatique et, de fait, l’argument phare des entreprises des énergies fossiles, comme TotalEnergies, qui préfèrent se défausser de leurs responsabilités sur les consommatrices et consommateurs plutôt que de s’engager dans une réelle transition énergétique. Non, TotalEnergies et ses concurrentes ne font pas que répondre à la demande en pétrole et en gaz.

La réalité, c’est qu’elles font tout pour continuer à la booster et pour freiner cette transition. Elles ne sont pas guidées par une volonté altruiste de répondre aux besoins de la population, comme elles tentent de nous le faire croire. Elles font délibérément le choix de prioriser leurs profits en produisant toujours plus d’énergies fossiles, aux dépens de l’environnement, du climat et de notre santé, alors même que la communauté scientifique est claire sur le fait que les gisements actuels sont suffisants. 

D’autant que d’autres solutions existent et peuvent être mises en place dès à présent. Avec ses financements et sa capacité d’innovation, TotalEnergies a toutes les cartes en mains pour prioriser le développement des énergies renouvelables plutôt que de continuer à miser sur la rentabilité du pétrole et du gaz. 

Le gouvernement doit également jouer son rôle dans la transition énergétique, en proposant une réelle trajectoire de sortie des énergies fossiles qui permettrait de respecter les engagements climatiques pris par la France. Pour ce faire, il est nécessaire que celle-ci repose sur la sobriété. Pour répondre à la demande, nous avons aussi, et surtout, besoin de la réduire, en agissant sur le gaspillage et les absurdités énergétiques comme les panneaux lumineux, les jets privés ou les SUV.

« On aide les Françaises et les Français qui souffrent de l’inflation »

TotalEnergies veut s’afficher comme un soutien de la population française en montrant qu’elle est prête à l’aider face à l’inflation, quitte à y perdre de l’argent. C’est faux. C’est une entreprise lucrative, motivée avant tout par la recherche de profits. Quand elle brandit sa ristourne sur les prix à la pompe, elle se cache bien de rappeler les bénéfices faramineux qu’elle engrange en parallèle grâce à l’augmentation du prix de l’énergie

Dans la vie réelle si précieuse au PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, les Françaises et les Français n’arrivent plus à payer leurs factures de gaz et d’électricité. Près de 12 millions de personnes sont touchées par la précarité énergétique en France pendant que TotalEnergies déclare des bénéfices de plus de 20 milliards d’euros en 2023

Pour faire face à cette précarité énergétique, les énergies fossiles ne sont pas la solution. Leur exploitation est à l’origine de nombreux conflits à travers le monde et leur prix est très dépendant du contexte géopolitique. La guerre entre la Russie et l’Ukraine nous l’a récemment rappelé et nous en subirons les conséquences pendant plusieurs années.

 

TotalEnergies, un acteur majeur de la transition énergétique ? 

« On investit beaucoup dans les énergies renouvelables »

Si les énergies renouvelables sont omniprésentes dans les publicités de TotalEnergies, elles sont loin d’être son activité principale. En 2023, elles représentaient moins de 2 % de sa production énergétique globale. L’entreprise est devenue maîtresse dans l’art du greenwashing pour tenter de détourner l’attention du public de son business mortifère.

TotalEnergies est avant tout une entreprise du pétrole et du gaz et elle compte bien le rester le plus longtemps possible. Si elle investit, certes, dans les énergies renouvelables, la grande majorité de ses investissements vont en priorité vers les énergies fossiles (70 % en 2023). La multinationale a même annoncé qu’elle allait augmenter sa production de pétrole et de gaz sur les cinq prochaines années. 

En poursuivant sans relâche le développement des énergies fossiles, elle continue de détraquer le climat, de détruire la planète et de mettre en danger la population mondiale et les communautés locales. Ses investissements actuels dans les énergies renouvelables ne changeront rien à ce désastre car elles ne viennent pas remplacer la production de pétrole et de gaz.

Car lorsque TotalEnergies se targue d’être « la moins pire » de toutes les entreprises pétrogazières grâce au volume de ses investissements, elle se garde bien de rappeler qu’elle est surtout la deuxième entreprise la plus expansionniste du monde.

« On va pas sortir des énergies fossiles du jour au lendemain »

Comme pour venir justifier leurs activités climaticides, les entreprises des énergies fossiles comme TotalEnergies n’ont de cesse de brandir cet argument attentiste. Car oui, il est certain que nous n’allons pas sortir du pétrole et du gaz du jour au lendemain. Personne ne dit ça.

Le problème est que les acteurs de cette industrie continuent de miser sur le développement des énergies fossiles plutôt que d’avancer vers leur sortie. Cette transition énergétique, pour qu’elle existe et pour qu’elle réponde aux besoins de la population, doit s’organiser concrètement dès maintenant.

TotalEnergies et ses concurrentes ne peuvent plus se cacher derrière cette excuse teintée de mauvaise foi qui nous contraint à aller à rebours de l’urgence climatique et sociale actuelle. Pour commencer, elles doivent arrêter d’engager de nouveaux projets pétroliers ou gaziers. De son côté, les gouvernements doivent permettre une réelle trajectoire de réduction de la production et de la consommation des énergies fossiles.

« Le gaz est une énergie de transition »

Le gaz « naturel », contrairement à ce que son nom indique, n’est pas l’ami de la nature. C’est même précisément le contraire : c’est une énergie fossile, au même titre que le charbon et le pétrole. Il n’est en réalité ni plus ni moins que du gaz fossile.

L’idée selon laquelle le gaz serait une énergie propre ou bas-carbone est totalement fausse. Même s’il émet moins de gaz à effet de serre que le charbon ou le pétrole, il en émet encore beaucoup trop. Ses conséquences ne se limitent pas au climat : dommages environnementaux considérables, destruction de la biodiversité, violations des droits humains, déplacements de populations, conflits géopolitiques… La liste est longue. 

Si dans les années 1990 et 2000, le gaz fossile pouvait encore être perçu comme une énergie de transition dans des pays avec une empreinte carbone importante comme l’Allemagne, il ne peut plus être considéré comme tel aujourd’hui quand des alternatives renouvelables, efficaces et rentables existent.

 

TotalEnergies, une multinationale au service du monde ?

« On a sauvé la France et l’Europe face à la guerre »

En réalité, les lobbies du gaz ont surtout profité de la guerre en Ukraine pour faire toujours plus de profits. Les entreprises comme TotalEnergies ont exploité la peur d’une crise énergétique pour pousser le gaz sous sa forme liquide (appelé « gaz naturel liquéfié » ou « GNL ») comme unique solution pour l’éviter.

Elles ont influé sur les décisions des États européens, les incitant à investir massivement (et inutilement) dans de nouvelles infrastructures gazières pour permettre l’importation de ce GNL. La France n’a pas fait exception et a elle aussi succombé aux sirènes de TotalEnergies en approuvant le projet de terminal méthanier flottant au Havre opéré par la multinationale. 

La guerre en Ukraine a prouvé une nouvelle fois que la souveraineté énergétique ne pourra pas être atteinte par la voie des énergies fossiles. Plutôt que de questionner notre dépendance toxique au gaz fossile et de remettre en question notre modèle énergétique actuel, TotalEnergies et le gouvernement français ont avancé main dans la main pour nous enfoncer dans une nouvelle dépendance, au gaz de schiste américain cette fois-ci.  

En France, l’extraction de gaz de schiste a par ailleurs été interdite en 2011 car elle a des conséquences dramatiques sur la santé des populations riveraines. La France en importe aujourd’hui en masse en provenance des États-Unis, dans l’hypocrisie la plus totale, tout en servant les intérêts privés de TotalEnergies.

« On contribue à l’économie et à l’amélioration des conditions de vie des pays en développement »

Contrairement à ce que l’industrie des énergies fossiles avance, un pays qui dépend de ses ressources en pétrole et en gaz pour son développement ne se développe pas. C’est la « malédiction du pétrole ». En Afrique, par exemple, les économies qui s’en sortent le mieux sont celles qui ne reposent pas exclusivement sur l’exploitation des ressources naturelles comme le pétrole ou le gaz. 

Si autant de projets pétroliers et gaziers se développent dans les pays du Sud, ce n’est pas parce que ces états en font la demande, comme le prétendent les entreprises fossiles, mais parce que c’est ce que ces dernières leur proposent. Ces pays sont engagés dans l’Accord de Paris et sont très conscients des impacts du changement climatique qu’ils subissent de plein fouet.

Sans compter que les projets fossiles ne permettent pas d’améliorer les conditions de vie des populations locales, bien au contraire. Certaines voient leur santé se dégrader du fait de leur impact néfaste. Au Yémen, les activités pétrolières de TotalEnergies sont à l’origine d’une grave contamination des sols et des nappes phréatiques, seule source locale d’eau. D’autres sont dépossédées de leurs terres, comme en Ouganda et en Tanzanie où plus de 118 000 personnes ont été déplacées à cause des projets EACOP et Tilenga

Les projets pétroliers et gaziers développés dans les pays du Sud s’inscrivent dans une logique néocoloniale et sont bien souvent développés dans des contextes et des régimes toxiques pour les populations locales et leurs droits. Encore une fois, l’exploitation du pétrole et du gaz vient avant tout servir les intérêts privés des grandes entreprises de l’industrie fossile comme TotalEnergies.

« Si on ne le fait pas, d’autres le feront »

Là encore, un argument phare des entreprises des énergies fossiles pour justifier leur attentisme et le maintien de leurs activités pétrolière et gazières, plutôt que de mettre leur expertise et leur savoir-faire au service de la population et ainsi faire changer les choses.

D’autant plus qu’il ne s’agit pas d’une réalité. En 2018, nous nous sommes mobilisé·es pour faire annuler le projet de TotalEnergies dans le Récif de l’Amazone. Aucune autre entreprise n’a lancé d’explorations pétrolières dans cette réserve naturelle suite à cette décision.

 

100 ans de trop !

TotalEnergies nous impose depuis 100 ans sa logique expansionniste, cupide et néocoloniale, totalement scandaleuse, qui va aujourd’hui à contresens de l’urgence sociale et climatique. Ce n’est pas une fatalité ! Plus nous serons nombreuses et nombreux à nous mobiliser, plus nous aurons de poids pour défendre une société libérée du pétrole et du gaz et donc un monde plus juste et durable. Rejoignez la mobilisation internationale en signant notre pétition

Face aux entreprises polluantes comme TotalEnergies, qui choisissent sciemment de protéger leurs intérêts privés avant le vivant, la planète et notre santé, l’État doit jouer un rôle crucial. Il est urgent que le gouvernement associe enfin ses grandes promesses de sortie des énergies fossiles à de vraies décisions politiques, concrètes et contraignantes.