Un débat public de trois mois pour recueillir les avis des citoyens et citoyennes sur la politique énergétique : c’est ce que vient de lancer le gouvernement. Alléchant ? On peut en douter alors que des enjeux essentiels sont déjà escamotés. Les dés seraient-ils pipés et dans quel intérêt ?

Nucléaire

Débat public sur l’énergie :
les dés pipés d’avance ?

Un débat public de trois mois pour recueillir les avis des citoyens et citoyennes sur la politique énergétique : c’est ce que vient de lancer le gouvernement. Alléchant ? On peut en douter alors que des enjeux essentiels sont déjà escamotés. Les dés seraient-ils pipés et dans quel intérêt ?

Un débat sur l’énergie, pour quoi faire ?

Le 19 mars, le gouvernement a lancé une consultation nationale sur la « Programmation pluriannuelle de l’énergie » (PPE pour les intimes). La PPE, c’est la feuille de route pour atteindre les objectifs de transition énergétique, qui ont été fixés par la loi du 17 août 2015. Elle concerne le développement des énergies renouvelables, la maîtrise de la consommation, les moyens de transports propres, l’efficacité énergétique et, normalement… la réduction de la part du nucléaire, qui devait être ramenée à 50% d’ici 2025. La première programmation avait fixé des objectifs pour la période 2016-2018. Il est donc temps de préparer le nouveau plan.

La seconde mouture de la PPE doit être publiée début 2019 au plus tard et fixera des objectifs précis à respecter d’ici 2023 et le cap à tenir jusqu’en 2028. D’où son importance et la volonté affichée par le ministère de la Transition écologique et solidaire d’ouvrir un débat public sur la PPE et les questions énergétiques qui nous concernent toutes et tous. Sur le papier, tout cela est bien alléchant. Mais il y a un hic…

Manifestation contre le nucléaire, Flamanville, 2016. © Pierre Gleizes / Greenpeace

Manifestation contre le nucléaire, Flamanville, 2016. © Pierre Gleizes / Greenpeace

C’est quoi le problème ?

Tel qu’il vient d’être présenté, ce « débat » occulte d’ores et déjà des enjeux majeurs, dont la sortie du nucléaire. Plusieurs signaux inquiétants montrent clairement que les décisions ont déjà été prises, hors de tout processus démocratique, sous la pression de la puissante entreprise nucléaire, EDF.

  • Avant même l’ouverture du débat public, EDF a d’ores et déjà annoncé qu’il n’y aurait pas d’autres fermetures de réacteurs nucléaires, en dehors de ceux de Fessenheim, avant 2029. La multinationale nucléaire propose même de prolonger les réacteurs jusqu’à 60 ans (leur durée de vie maximale étant de 40 ans). EDF, en tant qu’exploitant du parc nucléaire français, est pourtant soumise en principe aux orientations fixées par la PPE, comme toute entreprise fournisseur d’énergie. Les producteurs d’énergies, y compris non renouvelables et polluantes comme le nucléaire d’EDF, sont normalement tenus de respecter ce cadre.
  • Le « débat public » est limité à deux scénarios de transition énergétique seulement. Et devinez lesquels ? Ceux qui reportent la fermeture de réacteurs nucléaires aux calendes grecques. D’autres scénarios existent pourtant et devraient eux-aussi être sur la table des discussions. On se demande bien pourquoi ils n’y sont pas…
  • Le document de la PPE est d’ores et déjà en préparation. Il sera publié, ni une ni deux, dès la clôture du débat public ! Si le gouvernement prenait vraiment au sérieux cette consultation, il faudrait prévoir des semaines, voire des mois, pour réellement synthétiser l’ensemble des contributions et les prendre en compte dans la feuille de route énergétique.

Qui décide vraiment, alors ?

En théorie, le ministre de tutelle, Nicolas Hulot, a pour mission de s’assurer que les exploitants (le fournisseur d’énergie nucléaire EDF compris) respectent les orientations fixées par la PPE, qui doit elle-même être en accord avec la loi sur la transition énergétique. Sauf que… :

  • Le ministre de la Transition écologique et solidaire a d’ores et déjà expliqué ne pas vouloir « brutaliser EDF ». Il a ainsi coupé l’herbe sous le pieds de la PPE avant même les premières discussions, en affirmant, à tort, que la France ne pourrait pas réduire la part du nucléaire d’ici 2025 sans accroître les émissions de gaz à effet de serre du secteur électrique et sans mettre en danger la sécurité énergétique. Ce faisant, le gouvernement ressort la légende urbaine selon laquelle il faudrait choisir entre nucléaire et gaz à effet de serre et ferme la porte à toute discussion sur le sujet.
  • Le positionnement de l’Élysée et de Bercy est très clair : ils enchaînent les opérations de sauvetage du nucléaire (recapitalisations en 2017, tentatives de ventes d’EPR en Inde, sauvetage d’Areva en faillite…). Et ce quel que soit le prix à payer pour les contribuables et quel que soit le calendrier du « débat public » et de la PPE. Comme si la question de l’avenir du nucléaire ne se posait pas du tout.

C’est donc visiblement EDF, une entreprise multinationale, fer de lance de l’industrie nucléaire, qui fixe le cadre de notre avenir énergétique. Elle se trouve pourtant dans une situation économique et financière très critique et est aujourd’hui incapable de donner des réponses claires aux questions sur les coûts et risques croissants du nucléaire vieillissant. Cela se fait au mépris des autres entreprises qui parviennent aujourd’hui à fournir une énergie dénucléarisée et décarbonnée, des acteurs des énergies renouvelables et des citoyens et citoyennes qui voudraient toutes et tous bien en débattre, vraiment.

Signez notre pétition pour sortir du nucléaire :