Climat : pourquoi faut-il sortir du gaz ?

Climat

Plateforme d'exploitation de gaz de Culzean

Le gaz “naturel”, contrairement à ce que son nom indique, n’est pas vraiment l’ami de la nature. C’est même tout le contraire : il s’agit d’une énergie fossile dont l’extraction, la production, le transport et la consommation sont particulièrement néfastes pour le climat. Le gaz naturel n’est donc ni plus ni moins que du gaz fossile. Il s’agit d’une source d’énergie polluante, fortement émettrice de gaz à effet de serre et dont la production est de plus en plus problématique (gaz de schiste, gaz de couche, expansion en Arctique, etc.) : autant de raisons pour en sortir d’urgence, en misant en priorité sur les économies d’énergie avec par exemple l’isolation des bâtiments et le développement des énergies renouvelables.

Gaz “fossile”, de quoi parle-t-on exactement ?

Le gaz fossile, méthane CH4, se trouve naturellement présent dans le sous-sol de notre planète : il s’est formé à l’issue d’un processus naturel de plusieurs millions d’années de décomposition de matières organiques en hydrocarbures, comme le pétrole. Si ce gaz est bien “naturel”, son extraction et son exploitation ne le sont pas. Et cette ressource fossile n’est pas illimitée.

Les techniques d’extraction sont plus ou moins complexes, coûteuses et polluantes selon la nature du gisement : gaz dits “conventionnels” (piégés dans des réservoirs étanches) ou “non conventionnels” (notamment les gaz de schiste ou de couche). Dans tous les cas, ces gaz fossiles nécessitent d’être extraits du sous-sol puis transportés souvent à des milliers de kilomètres pour pouvoir être utilisés comme combustibles et commercialisés. 

Comme le pétrole ou le charbon, le gaz fossile est un hydrocarbure puisé dans la nature, mais ça n’en fait clairement pas pour autant une source d’énergie écologique.

Pourquoi le gaz fossile est-il néfaste pour le climat ?

Le gaz fossile utilisé comme source d’énergie est exclusivement du méthane qui est un gaz à effet de serre particulièrement nocif pour le climat et qui, par ailleurs, émet du CO2 quand il est brûlé. De grandes quantités de méthane s’échappent dans l’atmosphère en raison des fuites dans les systèmes de production pétrolière et gazière, notamment lors de son transport. Ces fuites sont largement sous-estimées. Chaque tonne de méthane relâchée dans l’atmosphère crée un effet de serre 84 fois plus important que la même quantité de dioxyde de carbone sur 20 ans, selon le rapport de synthèse du GIEC sur le changement climatique (2014, p.87). En 2020, environ 70 millions de tonnes de méthane ont été rejetées dans l’environnement dans le monde.

De plus, la combustion du gaz fossile libère du dioxyde de carbone (CO2), lui-même nocif pour le climat et directement responsable du dérèglement climatique. Chaque tonne supplémentaire s’accumule dans l’atmosphère et contribue au dérèglement climatique. Pour lutter contre la crise climatique, il est donc urgent de nous passer complètement des combustibles fossiles, dont le gaz.

Par ailleurs, les conséquences de l’exploitation du gaz fossile ne se limitent pas au climat : dommages environnementaux considérables, destruction de la biodiversité, violations des droits humains, déplacements de populations et conflits géopolitiques.

Gaz (méthane) fuyant au fond de la mer du Nord, au large des côtes britanniques

Au cours d’une mission menée par Greenpeace en 2020 en mer du Nord, nos activistes ont identifié d’importantes fuites de méthane, causées par des forages gaziers il y a plus de 30 ans. Les fuites de méthane sont encore largement sous-estimées.

Le gaz fossile ne pourrait-il pas jouer un rôle dans la transition énergétique ?

L’idée que le gaz fossile ou « naturel » serait propre est fausse : le gaz fossile n’est pas une technologie de transition appropriée. Certes, le gaz fossile émet moins de gaz à effet de serre que le charbon ou le pétrole : 490 grammes de CO2eq/kWh contre 820 gCO2eq/kWh pour le charbon, selon la médiane établie par le GIEC. Mais cela reste beaucoup trop et ne prend pas en compte la réalité des fuites de méthane. Face au dérèglement climatique déjà à l’œuvre, il faut réduire nos émissions de gaz à effet de serre de toute urgence. Or les émissions générées par l’exploitation du gaz fossile s’accumulent dans l’atmosphère année après année, et ce pour plusieurs décennies. 

Il est aujourd’hui urgent de sortir de toutes les énergies fossiles, y compris du gaz. Continuer à investir dans la production ou la consommation de gaz fossile n’a plus de sens, dans la perspective d’un maintien du réchauffement climatique sous la barre d’1,5°C et de la fin des énergies fossiles au plus tard en 2050. 

Dans les décennies 1990 et 2000, de façon pragmatique, le gaz fossile pouvait encore être perçu comme une énergie de transition dans des pays lourdement carbonés, tels que l’Allemagne où le marché électrique était très majoritairement dominé par le lignite, un type de charbon particulièrement polluant. Ces Etats ont beaucoup tardé à mettre en œuvre une transition énergétique vers une sortie des énergies fossiles. Le gaz ne peut plus être considéré comme un « moindre mal » aujourd’hui, alors que des alternatives renouvelables, efficaces et rentables existent et que le marché énergétique a considérablement évolué. On n’a plus le temps ! Investir des fonds publics dans de nouveaux projets gaziers comme Mozambique LNG, véritable bombe climatique, Nord Stream 2, de la Russie vers l’Union européenne, ou dans des centrales à gaz comme celle de Landivisiau, en Bretagne, est une aberration en 2021. Chaque euro investi dans un projet gazier est un euro de moins dans le développement des énergies renouvelables . Ces projets vont à contre-courant de l’avis de l’AIE et du GIEC qui affirment que pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris il ne faut plus ouvrir aucun gisement ni de gaz ni de pétrole. Par ailleurs, pour être rentables, ces projets doivent être exploités bien au-delà de 2050, retardant dangereusement la fin des énergies fossiles. 

De même, si la Commission européenne venait à classifier le gaz fossile comme énergie “verte” dans la taxonomie européenne, cela serait extrêmement dommageable pour le climat et l’environnement. Cela ouvrirait la vanne des investissements “verts” dans des projets gaziers climaticides. Pour sortir du pétrole et du charbon, passer par la case gaz fossile n’est non seulement pas nécessaire mais risque de s’avérer contre-productif, en détournant les investissements indispensables à l’amélioration de l’efficacité énergétique, à la réduction de la consommation et au développement des filières européennes d’énergies renouvelables.

Le navire de Greenpeace Rainbow Warrior III devant la plateforme gazière A6-A, en mer du Nord

Greenpeace a conduit une mission en mer du Nord, en 2020, pour documenter les conséquences de l’exploitation pétrolière et gazière. Ci-dessus, le Rainbow Warrior III devant la plateforme gazière A6-A.

Gaz ou nucléaire, faut-il choisir ?

Le nucléaire présente un avantage par rapport au gaz : il émet beaucoup moins de CO2. Cela n’en fait pas pour autant une énergie propre, de l’extraction d’uranium à l’étranger à l’impossible gestion de déchets radioactifs sur une durée qui dépasse l’entendement. Le gaz, comme le charbon d’ailleurs, est souvent utilisé comme un chiffon rouge par l’industrie nucléaire : fermer des centrales nucléaires reviendrait nécessairement à rouvrir les vannes des gazoducs et les fourneaux à charbon. Avec ce reproche lancinant fait aux énergies renouvelables : “comment produire de l’électricité les nuits sans vent”, sous-entendu quand la production des panneaux solaires et des éoliennes est au point mort ?

Dans un pays fortement nucléarisé comme la France, il est primordial de planifier la sortie progressive du nucléaire et d’anticiper la fermeture des réacteurs vieillissants, en encourageant à la fois les économies d’énergie, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. En cas d’accident, de panne majeure, de problèmes de maintenance, de canicule ou de sécheresse, par exemple, l’arrêt brutal et non anticipé des réacteurs nucléaires, dont nous sommes encore beaucoup trop tributaires, impose un recours d’urgence à des énergies fossiles. D’où l’importance de préparer et planifier cette sortie du nucléaire dès aujourd’hui et de mettre en place des alternatives le plus rapidement possible. 

Plusieurs scénarios montrent désormais la faisabilité d’un système basé à 100% sur les énergies renouvelables à horizon 2050, notamment ceux du CIRED, de RTE et de l’AIE ou de Negawatt. Il s’agit en priorité de réduire notre consommation d’énergie grâce à la sobriété et à l’efficacité énergétiques. Ensuite, les besoins en énergie peuvent être satisfaits sans recours aux énergies fossiles ni nucléaire grâce à un mix adapté d’énergies renouvelables : hydraulique, solaire, éolien sur terre et en mer, entre autres. La complémentarité de ces énergies renouvelables permet un foisonnement qui limite les conséquences liées à leur variabilité : par exemple, l’éolien est plus productif en hiver, à une période où la demande est conséquente (en raison de l’utilisation aujourd’hui encore importante du chauffage électrique) alors que le solaire est lui plus productif en été (au moment où des systèmes de climatisation sont plus sollicités). Il est également possible de mieux moduler la consommation d’énergie en programmant certains usages en fonction des périodes de production : par exemple, les ballons d’eau chaude, les lave-vaisselle et lave-linge ou encore la recharge des voitures électriques. Enfin, de nouveaux moyens de stockage de l’électricité sont en développement à l’échelle industrielle dans plusieurs régions du monde : nouveaux types de batteries, gaz de synthèse…

Forage de gaz naturel par fraction hydraulique en Pennsylvanie. Une technique d'exploitation gazière particulièrement polluante.

Combustion de gaz, sur un forage par fracturation hydraulique en Pennsylvanie. Une technique particulièrement polluante.

Le gaz renouvelable, est-ce que ça existe ?

Oui, le “gaz renouvelable” existe bel et bien, mais il est aujourd’hui en quantité très limitée et en développement. Le “biogaz”, qui est également du méthane, peut être considéré comme renouvelable quand il est récupéré auprès d’une source d’émission biologique (gaz des marais…) ou issu de résidus  (boues d’épuration, rémanents forestiers ou agricoles non nécessaires au maintien de la fertilité des sols, résidus organiques de processus industriels…) ; c’est ce qu’on appelle la méthanisation. Ce n’est par contre pas un gaz renouvelable quand il est issu de la surexploitation de la biomasse, quand il limite le recyclage des déchets ou quand il est issu de surfaces agricoles ou de sylviculture dédiées. 

L’autre type de “gaz renouvelable”, qui est aussi du méthane, est le gaz synthétique obtenu grâce à des énergies renouvelables, notamment le photovoltaïque ou l’éolien : l’électricité produite par ces énergies renouvelables est produite par électrolyse qui permet d’extraire l’hydrogène (H2) de l’eau (H20). Cet hydrogène peut soit être utilisé directement (pour les transports ou surtout pour certaines industries) soit être combiné avec du CO2 capté en aval d’un processus industriel non substituable à court terme (aciérie ou cimenterie par exemple) pour produire du méthane (c’est la méthanation). 

Dans son scénario 2017-2050, Négawatt soulignait ainsi l’intérêt de la méthanation : « Outre l’avantage de pouvoir être stocké dans les infrastructures existantes (réseau gazier), le méthane produit (à partir de méthanation) permet de bénéficier à plein de la très grande flexibilité du vecteur gaz en matière d’usage, y compris la production électrique d’appoint pouvant contribuer à assurer la sécurité du réseau. » 

Toutefois, l’hydrogène actuellement produit est encore loin d’être vert. Si l’hydrogène est produit via des énergies non renouvelables, il ne peut pas être considéré comme renouvelable. Or actuellement, la production d’hydrogène est réalisée principalement à partir d’énergies fossiles. Elle serait donc responsable de 2 à 3 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, d’après l’Agence internationale de l’Energie (AIE). 

Manifestation contre le gaz de schiste à Montréal en 2012

Greenpeace milite contre les énergies fossiles, dont le gaz, aux côtés de nombreux groupes citoyens et environnementaux. Ci-dessus, manifestation à l’occasion de la 4e Conférence annuelle de l’Association Pétrolière et Gazière du Québec (APGQ) à Montréal en 2012.


Greenpeace milite activement pour la sortie de toutes les énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz…) et contre le nucléaire. Quelles que soient les options technologiques retenues, nous estimons que la priorité doit être de réduire la consommation d’énergie. Cette transition doit aussi s’appuyer sur une amélioration de l’efficacité énergétique et sur le développement des énergies renouvelables dans des conditions les plus respectueuses possibles de l’environnement et des droits humains. Notre seul objectif est l’intérêt général, celui de notre survie dans des conditions justes pour toutes et tous et la préservation de la nature à laquelle nous sommes profondément lié·es.

Nos campagnes ne sont guidées que par ces seuls objectifs : lutter contre les causes du changement climatique qui menace notre avenir sur Terre et juguler la perte de biodiversité. A ce titre, sortir des énergies fossiles, et donc du gaz fossile, est pour nous une priorité.