Le 31 décembre dernier, le gouvernement mexicain a publié un décret interdisant le maïs OGM et le glyphosate d’ici à 2024. Cette victoire est l’aboutissement de 20 ans de lutte menée de front contre l’agroindustrie par la société civile, les populations autochtones, le monde paysan et de nombreuses associations. Comment David a-t-il gagné contre Goliath ?

Agriculture

Le Mexique interdit le maïs OGM et le glyphosate

Le 31 décembre dernier, le gouvernement mexicain a publié un décret interdisant le maïs OGM et le glyphosate d’ici à 2024. Cette victoire est l’aboutissement de 20 ans de lutte menée de front contre l’agroindustrie par la société civile, les populations autochtones, le monde paysan et de nombreuses associations. Comment David a-t-il gagné contre Goliath ?

Tout a commencé en mars 1999, dans le port de Veracruz, lorsque des activistes de Greenpeace Mexique ont prélevé des échantillons de cargaisons de maïs qui venaient d’arriver des États-Unis à bord de trois bateaux. Les prélèvements ont été envoyés en Autriche à des fins d’analyse. Quelques mois plus tard, le verdict tombait : du maïs transgénique était bel et bien importé des États-Unis au Mexique, sans aucune autorisation ni évaluation des risques pour la santé et l’environnement.

Deux ans plus tard, des scientifiques de l’université américaine de Berkeley confirmaient que du maïs indigène avait été contaminé par du maïs OGM dans l’État de Oaxaca.

Dès lors, la société civile mexicaine s’emparait du débat sur les OGM, jusqu’ici confisqué par les autorités et les lobbies de l’agroalimentaire. Au fil des années, Greenpeace Mexique n’a eu de cesse de dénoncer les dangers des OGM et de défendre le modèle agricole paysan, comme en témoigne la série de photos ci-dessous.

Le Mexique, berceau du maïs

Ce renoncement au maïs OGM et au glyphosate (herbicide classé comme probablement cancérigène par l’OMS et largement utilisé dans les plantations transgéniques) est particulièrement important dans un pays comme le Mexique, à plusieurs titres.

Il démontre la volonté des autorités de s’affranchir de la mainmise des agroindustriels nord-américains, parmi lesquels Monsanto (désormais racheté par Bayer), sur un marché très lucratif : le Mexique est un très gros consommateur et importateur de maïs, céréale à la base de l’alimentation du pays (90 kg de tortilla en moyenne par habitant et par an !).

Ensuite, cette interdiction a un poids symbolique très fort au Mexique, considéré comme le centre d’origine, de domestication et de diversification de pas moins de 59 espèces de maïs, entre autres plantes. Elle répond à la nécessité de protéger l’agriculture nationale, et plus précisément des pratiques agricoles millénaires. Au nom de l’autosuffisance et de la souveraineté alimentaires, il est nécessaire de préserver et de revaloriser les méthodes agricoles paysannes, autochtones et écologiques, l’agrobiodiversité, la fertilité des sols et le développement de cultures locales, basées sur des variétés traditionnelles.

Documentation on GE Maize in Mexico. © Tomas Bravo Garcia

Préparation de la tortilla traditionnelle. © Tomas Bravo Garcia / Greenpeace

Le Mexique, un exemple à suivre ?

Le décret prévoit que l’usage du glyphosate sera définitivement interdit fin 2024, le temps pour l’industrie agroalimentaire de trouver des alternatives durables à cet herbicide controversé. Il demande également aux autorités de “révoquer et de s’abstenir d’accorder des permis pour la dissémination dans l’environnement de semences de maïs OGM”, et de réduire progressivement les importations de maïs OGM jusqu’à ce que plus aucun permis ne soit délivré d’ici trois ans.

En France, aucun OGM n’est autorisé à la culture à des fins commerciales depuis 2008. Au niveau européen, seul le maïs MON810 est autorisé à la culture en Europe. Mais plusieurs États membres, dont la France, ont interdit la culture de cet OGM sur leur territoire. En revanche, plusieurs OGM restent autorisés à l’importation et sont majoritairement destinés à l’alimentation du bétail. C’est le cas par exemple du soja transgénique sud-américain que l’on continue d’importer massivement pour nourrir nos animaux, malgré les risques de déforestation.

Concernant le glyphosate, c’est une autre histoire… Le candidat Macron s’était engagé  lors de sa campagne à nous débarrasser de ce pesticide dangereux, engagement réitéré une fois élu. Puis le président Macron est revenu sur ses promesses, jugées “intenables”. Tant au niveau français qu’européen, la date de fin du glyphosate ne cesse d’être repoussée. Nos responsables politiques feraient bien, à ce titre, de s’inspirer du Mexique, qui a su privilégier les intérêts de sa population à ceux des lobbies.

Dernièrement, notre système d’alerte s’est mis en marche lorsque le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie s’est prononcé en faveur des “nouveaux OGM” (OGM obtenus à partir de nouvelles techniques de modification génétique), allant à l’encontre de l’avis du Conseil d’État et de la Cour européenne de Justice. Notre vigilance et notre mobilisation ne faibliront pas.

Une victoire a certes été remportée au Mexique, et il faut la célébrer à juste titre. Cependant, le combat contre les OGM – mais aussi contre les produits toxiques, le système agricole productiviste, les dangers sanitaires et environnementaux et in fine le monde qu’ils induisent et dont nous ne voulons pas – n’est pas terminé. Au Mexique comme ailleurs..

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