Ghiwa Nakat est directrice de Greenpeace Moyen-Orient et Afrique du Nord, à Beyrouth (Liban). Elle nous explique ici quels sont les enjeux de la justice climatique et de la justice sociale dans sa région, particulièrement touchée par le changement climatique.

Climat

Justice climatique, justice sociale : même combat

Ghiwa Nakat est directrice de Greenpeace Moyen-Orient et Afrique du Nord, à Beyrouth (Liban). Elle nous explique ici quels sont les enjeux de la justice climatique et de la justice sociale dans sa région, particulièrement touchée par le changement climatique.

Qu’est-ce que la justice climatique ?

La justice climatique consiste à reconnaître que le changement climatique entraîne une multitude d’impacts notamment sociaux, économiques et sanitaires préjudiciables aux communautés vulnérables qui ont le moins contribué à la crise climatique. En bref, la crise climatique aggrave considérablement les inégalités et les injustices préexistantes.

Ghiwa Nakat, directrice générale de Greenpeace MENA, à bord du Rainbow Warrior pour l’expédition “United for Climate” en Egypte. Octobre 2022. © Andrew McConnell / Greenpeace

Les pays pauvres, les personnes de couleur, les peuples autochtones, les femmes et les personnes porteuses de handicap subissent davantage les effets dévastateurs des catastrophes climatiques telles que les inondations, les feux de forêts, les grandes sécheresses et la hausse des températures, ainsi que de l’élévation du niveau des mers et de l’accès limité à la nourriture et à l’eau. Ces populations, pourtant majoritaires dans le monde, sont marginalisées et rendues encore plus vulnérables par de puissants systèmes d’oppression. Elles n’ont pas accès aux ressources financières et institutionnelles nécessaires pour s’adapter au changement climatique ou pour se remettre des pertes et dommages qu’il a engendrés.

Le coût des pertes et dommages est estimé entre 290 et 580 milliards de dollars par an d’ici à 2030 et, malheureusement, une grande partie de ce coût sera supporté par les pays en développement et les pays les moins avancés.

Pourquoi est-elle importante ?

Elle est importante parce qu’elle oblige la communauté internationale et ceux qui portent la plus grande responsabilité dans la crise climatique à travailler avec ceux qui en subissent le poids et à les soutenir. Elle est importante parce qu’elle s’intéresse aux causes systémiques  de cette crise et de bien d’autres : notre modèle économique fondé sur l’extractivisme et la cupidité, qui est à l’origine d’une crise planétaire et aggrave les injustices sociales partout sur la planète.

Climate Strike at COP27 in Egypt.

À la COP27, en Égypte, les militant·es exigent que les entreprises et les pays pollueurs paient leur juste part pour réparer les dommages causés par le changement climatique.
Novembre 2022. © Marie Jacquemin / Greenpeace

Alors que le monde entier, et plus particulièrement la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord où je vis, se débat avec des crises de plus en plus graves déclenchées par des conflits, des pandémies, des problèmes sociaux et économiques, la détérioration des conditions de vie et des catastrophes climatiques dévastatrices , les grandes compagnies pétrolières occidentales, qui comptent de loin parmi les plus grands contributeurs à la crise climatique mondiale, ont plus que doublé leurs bénéfices pour atteindre 219 milliards de dollars en 2022.
 
La région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) est la région du monde qui souffre le plus de pénurie d’eau et son réchauffement est déjà deux fois supérieur à la moyenne mondiale. Les populations vulnérables, qu’elles vivent dans les déserts ou en bord de mer, en montagne ou dans les vallées verdoyantes, subissent aujourd’hui l’impact du changement climatique bien plus fortement que d’autres parties du monde.

Cette région est confrontée à des températures caniculaires dangereuses pour la santé humaine, ainsi qu’à des périodes de sécheresse longues et sévères qui ont de graves répercussions sur l’agriculture et la sécurité alimentaire. L’augmentation de la fréquence des catastrophes liées au climat accroît considérablement les inégalités et ralentit la justice sociale. Des vies sont perdues, des maisons sont détruites, les récoltes sont mauvaises, les moyens de subsistance sont menacés et le patrimoine culturel est anéanti.

Témoigner

À Greenpeace MENA, nous sommes témoins et avons documenté la façon dont le changement climatique met en danger l’ensemble de l’écosystème, de la civilisation, de la population et du patrimoine de la région. Au Maroc, la sécheresse croissante et la disparition des oasis menacent le mode de vie nomade traditionnel des populations autochtones qui en dépendent. Des études montrent que, de l’Égypte au Liban, les oliviers et la production d’huile d’olive subissent de plein fouet les effets de la hausse des températures. Les menaces d’inondations le long de la côte méditerranéenne deviennent de plus en plus pressantes. Les femmes Ahwari des marais du sud de l’Irak sont les premières victimes du changement climatique qui a causé la perte des récoltes et limité l’accès à l’eau, ce qui les a empêchées de gagner leur vie et de subvenir aux besoins de leur famille, perpétuant ainsi le cycle de la pauvreté et de l’inégalité.

Nous avons produit une série documentaire de vidéos pour documenter ces différents impacts.

Climate Change Impacts on Moroccan Oases.

Greenpeace s’est rendue dans une oasis marocaine pour y documenter l’impact du changement climatique. Septembre 2019. © Therese di Campo / Greenpeace

Nous constatons chaque jour davantage que les communautés les plus vulnérables à ces impacts sont aussi celles qui ont la plus faible résilience en termes socio-économiques. La justice climatique et la justice sociale sont intrinsèquement liées.
 

Faire payer les pollueurs

Pour atteindre une réelle justice climatique et sociale, il faut s’attaquer aux injustices, passées et présentes, qui ont contribué à la crise climatique actuelle, et donner aux communautés locales les moyens de participer aux processus de prise de décision sur les enjeux climatiques. Il faut reconnaître que les pays et les industries qui, historiquement, ont le plus pollué, sont responsables de la crise à laquelle le monde est confronté, et que ceux qui y ont le moins contribué sont ceux qui en souffrent le plus.

Cela commence par responsabiliser les entreprises et les pays pollueurs et les obliger à payer pour les dommages qu’ils ont causés et qu’ils continuent de causer.

Activists Target Shell Headquarters in London.

Au Royaume-Uni, des activistes de Greenpeace ciblent le siège de Shell, qui vient d’enregistrer des bénéfices annuels sans précédent. Leur message : “Arrêtez de polluer, commencez à payer”.
Février 2023. © David Mirzoeff / Greenpeace

D’après le dernier rapport du GIEC, les combustibles fossiles sont responsables de 86 % des émissions de CO₂ de la dernière décennie. Il n’y a pas de justice climatique sans élimination progressive de tous les combustibles fossiles : charbon, pétrole et gaz. La seule voie vers un monde durable et résilient – et vers la justice sociale et climatique dont nous avons tant besoin – passe par l’adoption d’un modèle économique alternatif qui réduit rapidement notre dépendance aux énergies fossiles, et qui place l’humain et la durabilité au-dessus des profits et de l’extractivisme.

En donnant la priorité à la justice climatique, nous pouvons atteindre la justice sociale et créer un avenir plus équitable et durable pour toutes et tous. Voici pourquoi la justice climatique est importante.  

Article de Ghiwa Nakat,directrice générale de Greenpeace MENA, publié initialement en anglais sur le site de Greenpeace International ; traduction française Greenpeace France

Agissez dès maintenant pour mettre fin aux crimes liés aux combustibles fossiles et faire payer les pollueurs.