Rapport de synthèse du GIEC : les États doivent baisser immédiatement leurs émissions pour ne pas dépasser le seuil de 1,5 °C

Climat

Ce lundi, le GIEC publie la synthèse de son 6ème cycle d’évaluation, qui regroupe les pistes de solutions proposées ces 10 dernières années par la littérature scientifique. Pour cette première synthèse depuis l’accord de Paris de 2015, le GIEC conclut que les menaces pèsent toujours plus fortement sur la planète, mais les opportunités restent à la portée des décisions politiques.


Pour Pierre Terras, responsable des campagnes sur l’énergie et le climat chez Greenpeace France : « Chaque dixième de degré compte ; les événements climatiques extrêmes ont déjà des conséquences tragiques pour notre planète, ses habitants et ses habitantes. Le constat dressé par les scientifiques est sans équivoque : si nous voulons rester dans la trajectoire de l’accord de Paris, il faut agir immédiatement et réduire drastiquement nos émissions sans plus attendre. Le gouvernement français s’est jusqu’à présent illustré par son inaction climatique, dans la lignée du premier mandat d’Emmanuel Macron. Aujourd’hui, il doit entendre cet appel, laisser de côté les fausses solutions qui ne permettent pas de faire face à l’urgence climatique et se mettre enfin au travail. »

Pour le moment, le bilan du gouvernement brille par ses insuffisances : selon les dernières données Citepa,  « sur les 9 premiers mois de 2022, la France n’a quasiment pas baissé ses émissions ». Pourtant pour y parvenir, le GIEC rappelle que les solutions sont déjà connues.

Sortir des énergies fossiles

Les entreprises des biens et services fossiles (compagnies pétrolières et gazières, constructeurs automobiles, compagnies aériennes…) sont responsables de 86 % des émissions mondiales de CO2

D’après le GIEC, les infrastructures de combustibles fossiles existantes nous conduisent d’ores et déjà vers un dépassement du seuil de réchauffement de 1,5 °C. Il est donc évident, comme l’a clairement déclaré l’Agence internationale de l’énergie, que tout nouveau projet d’extraction de ressources fossiles est indésirable.

Ainsi, sur la base des affirmations du GIEC, Greenpeace constate que le gouvernement français va à contre-courant de ce qu’il faudrait faire en validant des projets de nouvelles infrastructures comme le terminal gazier du Havre, et que les nouveaux projets d’extraction pétrolière ou gazière des entreprises fossiles comme TotalEnergies sont criminels.
Malgré l’urgence, les investissements publics comme privés sont encore davantage tournés vers les énergies fossiles que vers l’adaptation et l’atténuation climatiques. Ainsi, il faudrait investir entre trois et six fois plus par rapport aux niveaux actuels pour répondre aux besoins d’atténuation, notamment dans les pays en développement.

Accélérer la transition énergétique

Ensuite, il paraît indispensable pour Greenpeace France de prendre des mesures structurantes en termes de sobriété et d’efficacité énergétique, bien au-delà du plan de communication proposé par le gouvernement face à la crise cet hiver.
Pour répondre aux futurs besoins en électricité, le GIEC estime que toutes les solutions bas carbone ne se valent pas. Cette synthèse réaffirme notamment que d’ici 2030, les développements de l’éolien et du solaire ont ensemble un potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre neuf fois supérieur au nucléaire, à un coût bien moindre (1).
Miser sur la construction de nouveaux réacteurs, comme le veut le gouvernement, qui ne seront pas fonctionnels avant au moins 2040 n’est donc pas une solution adaptée aux échéances de réduction des émissions. En faisant ce choix, plutôt que d’investir pour rattraper notre retard dans le développement des renouvelables, le gouvernement prend sciemment le risque de ne pas tenir ses objectifs climat.

Rompre avec un modèle agricole à bout de souffle

Il faut d’urgence entamer une transition profonde de nos modes de consommation et de production de notre alimentation. Notre système agricole industriel est en cause : en plus d’être, de loin, le premier motif de déforestation, il accorde une trop grande place à la consommation de viande et de produits laitiers, dont la production a un impact énorme sur le climat. Le GIEC le souligne : il est impératif d’adopter un mode alimentaire sain et durable, qui nécessite une diminution drastique des produits carnés.

Ainsi, le modèle des fermes-usines, qui soutient un régime alimentaire basé sur la surconsommation de viande et de produits laitiers, doit être conjugué au passé pour favoriser le développement de l’agroécologie, outil-clé plébiscité par le GIEC dans la lutte contre le réchauffement climatique.

 

Protéger les écosystèmes naturels

La synthèse du GIEC précise par ailleurs qu’il est vital de préserver les écosystèmes naturels, car l’effondrement de la biodiversité et le changement climatique sont les symptômes d’une même crise. Aujourd’hui encore, environ le quart des terres émergées sont dégradées par l’activité humaine : il faut inverser cette tendance et mettre un terme notamment à la déforestation. La dégradation des terres et la destruction des forêts conduisent non seulement à priver le pays de précieux puits de carbone, mais aussi à libérer dans l’atmosphère d’importantes quantités de gaz à effet de serre stockées par ces écosystèmes. La déforestation et plus globalement la conversion des écosystèmes naturels est une tendance à inverser de toute urgence.

En conclusion, la synthèse des scientifiques remet l’accent sur le caractère crucial de l’action politique durant la décennie à venir. Un panel de solutions est déjà à la disposition du gouvernement français qui – préférant jusqu’alors la procrastination à des mesures immédiates de réduction des émissions – doit agir et mettre en place immédiatement des politiques ambitieuses pour répondre à la crise climatique.

(1) IPCC Sixth Assessment Report (AR6) “Climate Change 2023”, Draft Synthesis Report, Figure SPM.7