Mégabassines : pourquoi s’y opposer ?

Agriculture, Climat, Eau

Aux côtés de plusieurs organisations membres de PJC – Alliance écologique et sociale, dont la Confédération paysanne, nous nous opposons aux projets de « mégabassines », ces réserves d’eau gigantesques censées aider le secteur agricole à faire face au changement climatique. En réalité, celles-ci accentuent la pression sur les ressources en eau, nuisent à la biodiversité et continuent d’alimenter un modèle agro-industriel dévastateur et inadapté.

  1. Qu’est-ce qu’une mégabassine ?
  2. Pourquoi ces mégabassines posent problème ?
  3. Faut-il renoncer à toute irrigation et existe-il d’autres solutions ?
  4. Comment s’opposer aux nouveaux projets de mégabassines ?

 

Qu’est-ce qu’une mégabassine ?

Les mégabassines sont de gigantesques ouvrages de stockage d’eau destinées à répondre aux besoins de l’agro-industrie, notamment en période estivale. Il s’agit d’énormes bassins artificiels, plastifiés et imperméables. On est bien loin de la mare au canards ou des petites retenues collinaires. Une mégabassine s’étend en moyenne sur une superficie de huit hectares… soit l’équivalent d’une dizaine de terrains de football ! Les plus grandes vont jusqu’à s’étaler sur 18 hectares.

Officiellement baptisées « réserves de substitution » par leurs promoteurs, ces mégabassines sont censées être remplies durant la période hivernale afin de permettre aux agriculteurs et agricultrices de continuer à irriguer leurs cultures lors des périodes de sécheresse et de fortes tensions sur la demande en eau. Une solution pour s’adapter au changement climatique, comme le prétendent l’agro-industrie et les pouvoirs publics qui les subventionnent ? Pas si simple…

 

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Mobilisation contre les mégabassines

 

Pourquoi ces mégabassines posent problème ?

Tout d’abord, contrairement à ce que voudraient laisser croire leurs promoteurs, les mégabassines ne sont pas simplement alimentées par les eaux de pluie. Elles nécessitent des opérations de pompage, que ce soit des nappes phréatiques ou des cours d’eau. Ces pompages ont beau avoir lieu en hiver, ils accentuent la pression sur les ressources en eau, alors que les nappes phréatiques peinent à se reconstituer.

Par ailleurs, les mégabassines ont un impact sur le milieu naturel et la biodiversité. En stockant une eau qui se serait infiltrée dans les sols ou aurait ruisselé dans les cours d’eau, elles privent les écosystèmes environnants d’une ressource vitale, qui permet notamment aux zones humides et aux sols de se reconstituer pendant la période hivernale. Elles transforment également une ressource courante et vivante en eau stagnante, qui s’évapore et se dégrade. Les pertes liées à l’évaporation dans ce type d’ouvrages se situeraient entre 20% et 60%, selon Christian Amblard, directeur de recherche honoraire au CNRS et spécialiste de l’eau et des systèmes hydrobiologiques. La multiplication de ces mégabassines est d’autant plus problématique qu’elles se retrouveront à partager une même ressource limitée.

Autre problème majeur : les mégabassines contribuent à une fuite (sans mauvais jeu de mot) en avant pour maintenir coûte que coûte un modèle agro-industriel dévastateur. Ce modèle est non seulement inadapté face au changement climatique mais il en est aussi en partie responsable. Les mégabassines servent essentiellement à alimenter des productions très gourmandes en eau, comme le maïs, majoritairement destiné à l’élevage industriel. Elles servent avant tout les intérêts des acteurs agro-industriels, au détriment de solutions locales et paysannes. En subventionnant ces ouvrages, les pouvoirs publics contribuent encore à l’industrialisation de l’agriculture et à un usage accru d’engrais chimiques et de pesticides… Autant de substances qu’on retrouve par la suite dans le milieu naturel.

Mégabassine en construction

Faut-il renoncer à toute irrigation et existe-il d’autres solutions ?

La question de l’eau est d’ores et déjà cruciale et va se poser de façon encore plus aiguë avec le changement climatique à l’œuvre. Économiser les ressources en eau et réduire la dépendance de l’agriculture à l’irrigation devraient donc être des actions prioritaires.

Plus qu’une solution unique, c’est un changement profond du modèle agricole et de l’aménagement du territoire qui est nécessaire : moins d’artificialisation des sols, soutien à des pratiques agricoles qui restaurent les sols et leur capacité de stockage, valorisation de cultures adaptées aux conditions climatiques, appui à l’agriculture écologique et locale…

Il faut aussi et surtout revoir notre façon de consommer. Pourquoi irrigue-t-on aujourd’hui ? Principalement pour produire des céréales (et notamment du maïs) qui sont essentiellement destinées à l’alimentation des animaux d’élevage. En 2016, seuls 24 % des céréales en Europe étaient cultivées pour nourrir directement des humains. Autre chiffre intéressant : plus de 71% des terres agricoles de l’Union européenne servent à alimenter le bétail. Il est donc indispensable de réduire notre consommation et, par conséquent, notre production de viande pour diminuer notre pression sur les ressources naturelles et donner les moyens à un élevage écologique d’exister.

Des solutions de stockage et des systèmes d’irrigation efficaces existent déjà dans de nombreuses fermes agro-écologiques. Il faut donc avant tout sortir d’un système agro-industriel toujours plus gourmand en eau et privilégier ces solutions déjà mises en œuvre par l’agriculture écologique et paysanne, qui limitent leur impact, non seulement sur les ressources en eau mais aussi sur l’environnement.

Mobilisation contre les mégabassines ©Confédération paysanne/Mathieu Eisinger

Comment s’opposer aux nouveaux projets de mégabassines ?

Plusieurs dizaines de projets de mégabassines sont actuellement dans les tuyaux, avec l’appui de collectivités locales, principalement en Nouvelle-Aquitaine et dans les Pays de la Loire, mais aussi plus récemment en régions Centre et Bretagne. Certaines mégabassines, comme celles de Cram-Chaban, en Charente-Maritime, ont continué de fonctionner illégalement pendant des années.

Nous soutenons les demandes suivantes :

  • Faire cesser le fonctionnement des mégabassines qui ont déjà été jugées illégales.
  • Suspendre tous les travaux et projets de mégabassines tant que des recours juridiques sont en cours en France et en Europe. Construire des mégabassines alors que les recours ne sont pas encore épuisés revient à pratiquer la politique du fait accompli.
  • Repenser notre modèle agricole et la gestion de l’eau en privilégiant des solutions peu gourmandes en eau, respectueuses de l’environnement et adaptées au changement climatique. Plus globalement, il est urgent de sortir du modèle agro-industriel et de soutenir une agriculture écologique. Il faut mettre un terme à tous les financements publics qui contribuent à l’industrialisation de l’agriculture et de l’élevage et réorienter ces financements vers le soutien à une agriculture écologique.
  • Nous demandons aussi un plan d’accompagnement et de sortie de l’élevage industriel afin de diminuer notre production de viande et produits laitiers et donc réduire la pression sur les ressources. Cela doit commencer par la mise en place immédiate d’un moratoire sur les nouvelles fermes-usines (qu’il s’agisse de création ou d’agrandissement).
  • L’eau étant un bien commun, nous revendiquons également une gestion de l’eau transparente et démocratique.

Si vous souhaitez militer à nos côtés pour une agriculture respectueuse de l’humain et de l’environnement, vous pouvez rejoindre nos groupes locaux, notamment ceux de Poitiers et La Rochelle. Greenpeace mène des actions de façon engagée et déterminée, dans le respect de notre principe fondateur de non-violence. Vous pouvez également partager nos publications sur Twitter et Instagram

Pour plus d’informations sur les mégabassines, voir le document de la Confédération paysanne « Les mégabassines : une fausse solution face au changement climatique »

Photos : © D.R. / © D.R. / © Confédération paysanne/Mathieu Eisinger 

 

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