Ce mercredi 31 mai au matin a eu lieu le procès des militants de Greenpeace qui avaient bloqué le convoi transportant le couvercle défectueux de la cuve de l’EPR de Flamanville. Retour sur une affaire emblématique de l’opacité et de la dangerosité d’une industrie nucléaire française en faillite financière et technique.

Nucléaire

EPR de Flamanville : jusqu’où ira le lobby nucléaire ?

Ce mercredi 31 mai au matin a eu lieu le procès des militants de Greenpeace qui avaient bloqué le convoi transportant le couvercle défectueux de la cuve de l’EPR de Flamanville. Retour sur une affaire emblématique de l’opacité et de la dangerosité d’une industrie nucléaire française en faillite financière et technique.

La cuve de l’EPR : pièce maîtresse, scandale majeur

© Nicolas Chauveau / Greenpeace.

Le 12 février 2016, à Evrecy, près de Caen, 12 militant-e-s de Greenpeace bloquaient un convoi exceptionnel transportant le couvercle de la cuve de l’EPR. Aujourd’hui, ils risquent des amendes pour entrave à la circulation… bien loin des enjeux cruciaux de sûreté nucléaire, de protection des populations et de l’environnement.

Cette pièce, rappelons-le, n’est pas conforme aux exigences de sûreté nucléaire. En effet, fin 2014, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avait détecté des anomalies sérieuses sur la cuve de l’EPR de Flamanville et de son couvercle. Ces pièces, fabriquées à l’usine Creusot Forge d’AREVA, présent un excès de carbone.

Pourtant, EDF et AREVA ont joué la montre et ont mis tout le monde devant le fait accompli en décidant de transporter la cuve de son lieu de fabrication à Chalon-sur-Saône vers le chantier de l’EPR de Flamanville en 2014, puis rebelote pour le couvercle de la cuve, pourtant lui aussi vérolé par des anomalies de carbone, en février 2016.

Rappelons que la cuve d’un réacteur et son couvercle constituent les pièces maîtresses d’un réacteur. C’est à l’intérieur de cette cuve que se produit la fission nucléaire à l’origine de la production d’énergie, ensuite utilisée pour créer l’électricité.

Rappelons également que la cuve est soumise à des contraintes extrêmes et qu’une fragilité de cette partie du réacteur augmente considérablement le risque d’un accident nucléaire majeur.

Par cette action contre la politique du fait accompli de l’industrie nucléaire, les militant-e-s Greenpeace dénonçaient les risques qui pèsent sur les citoyens et demandaient que les principes de sûreté censés régir la filière soient rigoureusement respectés.

Nous saluons à nouveau le courage de nos militant-e-s qui se sont mobilisés sur ce site avec détermination et de façon non-violente pendant plusieurs heures pour dénoncer les abus inacceptables d’une industrie nucléaire française aux abois. La décision du tribunal sera rendue dans quelques semaines.

De récentes révélations noircissent le tableau

Des documents révélés par France Inter en mars dernier montrent qu’EDF et AREVA étaient au courant des problèmes de qualité de son usine Creusot Forge, usine où a été fabriquée la cuve de l’EPR.

Ainsi, avant même que le chantier de l’EPR ne soit lancé, le couple EDF/AREVA était au courant de son incapacité technique à fabriquer ces pièces. Pendant plus de dix ans, EDF et AREVA ont donc laissé fabriquer des pièces défectueuses pour les centrales nucléaires, dont l’EPR de Flamanville.

Ces preuves accablantes exigent que le chantier de l’EPR (qui n’aurait jamais dû commencer) soit définitivement arrêté. Le mois dernier, Greenpeace et 7 autres associations déposaient un recours en ce sens.

Avec des projets tels que l’EPR, EDF et AREVA veulent faire croire depuis le début des années 2000 en une renaissance de la filière nucléaire française. Pourtant, ces projets ont mené AREVA à la faillite et EDF à un niveau de dette inacceptable.

Le gendarme du nucléaire français soumis à une pression sans précédent

Avec l’EPR, c’est ainsi un véritable renouveau du nucléaire français qui a été promis par les industriels à la tête de la filière. Or, ce projet n’avait de sens que si le couple EDF/AREVA était capable de le mener. Aurait-on pris une telle direction si l’on savait qu’EDF/AREVA étaient techniquement incapables de produire des pièces conformes ?

L’ASN émettra un premier avis pour consultation sur la cuve de l’EPR en juillet, avant de communiquer sa décision à l’automne. Avec cette décision, l’ASN porte en réalité sur ses frêles épaules tout l’avenir de la filière nucléaire française.

Déclarer que la cuve de l’EPR n’est pas aux normes reviendrait à acter la fin de la filière puisque cela reviendrait à admettre que ni EDF ni AREVA ne sont aptes à construire une technologie qu’ils tentent d’exporter à tout prix à l’étranger (Hinkley Point au Royaume-Uni, Taishan en Chine et Olkiluoto en Finlande).

Valider cette cuve et son couvercle reviendrait, pour l’ASN, à renoncer à garantir la sûreté nucléaire, qui est pourtant sa mission principale.

Alors que d’autres pays avancent sur leur programme de sortie du nucléaire, la France reste empêtrée dans l’immobilisme nucléaire et ses scandales à répétition. Chaque nouvelle révélation sur l’industrie nucléaire française apporte son lot de preuves que la filière, qui fonce inexorablement vers sa faillite malgré les subventions dont elle bénéficie, est incompatible avec une politique énergétique moderne, transparente et démocratique.