Vous avez été nombreux à soutenir cette innovation au service des agriculteurs. Ils vous disent merci ! Rencontre avec Sébastien, un de ces agriculteurs de Vendée, qui nous explique pourquoi ce toaster est important pour son exploitation.
Sébastien, peux-tu nous dire quel est ton parcours ?
Mes parents n’étaient pas agriculteurs…mais je suis petit fils d’agriculteur ! Régulièrement, je passais des vacances chez un oncle qui, lui, avait repris la ferme familiale. Enfant, on vous conditionne avec des jouets au machinisme agricole. Mais, assez vite, je prends goût à la nature, ses grands espaces et sa richesse.
Mes études m’orientent alors vers le milieu agricole. Ce n’est qu’à partir du BTS que mes études vont m’enrichir et m’épanouir. L’établissement que j’ai choisi a une orientation agricole plus écologiste. Enfin, on m’enseigne autre chose que l’agriculture standard ! BAC, BTS et CS (certificat de spécialisation) en poche, je décide de me confronter au monde du travail. Des personnes que je connais et des opportunités me permettent de m’installer sur une exploitation agricole de Vendée.
Sur quel type d’exploitation travailles-tu avec tes collègues et que produisez-vous ensemble ?
Sur cette exploitation, nous sommes quatre associés, deux salariés permanents et 1, 5 temps supplémentaire assuré par des apprentis. Notre exploitation est entièrement en agriculture biologique. Notre système se veut durable, autonome, économe, performant, équilibré, diversifié. Notre exploitation est d’ailleurs une exploitation de polyculture et de polyélevage.
Pour la partie élevage, nous avons un atelier vaches laitières et volailles de chair. Nous avons donc des animaux avec des profils alimentaires différents. A leur manière, ils vont se compléter car ils ne valorisent pas la même chose et pas de la même manière.
Pour la partie végétale, nous travaillons avec une trentaine d’espèces. La moitié de notre surface est composée de prairie multi-espèces (luzerne, trèfle) et l’autre moitié de cultures annuelles : colza, lupin, épeautre, triticale, blé, orge, pois fourrager, pois protéagineux, féverole, maïs…Et je ne parle pas des essences arbustives qui composent nos kilomètres de haies et que nous valorisons en bois-énergie auprès des collectivités ! Avec notre tournesol oléique et notre colza, nous fabriquons de l’huile alimentaire. Le sous-produit s’appelle le tourteau et c’est une excellente source de protéines.
Contrairement à des systèmes classiques, nous ne cherchons pas à maximiser les productions (par exemple, à produire un maximum de litres de lait par vache). Nous cherchons plutôt à optimiser un système global, c’est-à-dire que nous cherchons un équilibre dans toute cette diversité.
C’est dans cette diversité animale, végétale, cette diversité de techniques et cette diversité sur le plan humain que l’on trouve la meilleure complémentarité. De manière générale, les vaches et les volailles vont valoriser les déchets des cultures. Les déchets de certaines autres productions sont valorisés par d’autres ateliers. Au final, nous produisons du lait, de la volaille, du blé pour la meunerie, de l’huile alimentaire, du tournesol de bouche ainsi que des aliments pour d’autres exploitations et éleveurs.
Qu’est-ce qui a déclenché ton envie de changer tes pratiques agricoles ?
Simplement un désir de cohérence. Pour moi, la cohérence doit se trouver au centre du triangle économique, environnemental et social. Ce sont les valeurs que j’attribue à l’agriculture durable et ce sont celles qui nous guident. C’est avec ces valeurs que mes associés et moi pensons le système de notre exploitation.
Qu’est-ce qui t’a motivé pour participer à ce projet toaster ?
C’est mon envie de retrouver dans nos campagnes des plantes dites légumineuses. Ces plantes n’ont pas besoin d’engrais de synthèse (ce qui résout le problème des nitrates) et sont globalement peu gourmandes en intrants (chez nous, on est sur du zéro intrant, et en bio).
Redonner à l’assolement français de la diversité, c’est aussi profiter d’autres avantages de cette diversité (pour la production de miel, pour la réduction du risque de maladie, etc.). C’est surtout favoriser la production locale et donc la traçabilité.
Selon la vision qu’on a de l’agriculture, ce toaster peut être utilisé de deux façons. Certes, on peut l’utiliser pour maintenir un niveau de production élevé. Mais on peut aussi s’en servir pour donner moitié moins de graines aux animaux, ce qui veut dire moitié moins de surface consacrée aux animaux et de la place pour les légumes.
C’est ma vision : je considère le toaster comme un escalier, un outil qui permet de passer un cap et de faire en sorte que l’élevage agricole sorte d’un modèle agricole productiviste classique.
A quoi sert ce toaster et que faites vous avec les graines qui en sortent ?
Le toaster sert à cuire les graines de protéagineux (ce sont des légumineuses dont les graines sont riches en protides, comme la féverole ou le lupin). Cette cuisson les rend plus assimilables, libère leur potentiel alimentaire et détruit tous les facteurs anti-nutritionnels. En fait, notre métier nous conduit en quelque sorte à être nutritionniste ! Nous élaborons des rations alimentaires qui correspondent au plus près aux besoins de nos vaches. Grâce au toaster, nous pouvons équilibrer la ration et éviter au maximum les pertes d’énergie ! Nous restons dans une logique d’optimisation et non de maximisation de la production.
Peux-tu nous expliquer ce qu’est l’autonomie protéique ?
La protéine, c’est ce qu’il y a de plus difficile à trouver. Avoir une autonomie en protéine, cela veut simplement dire qu’un agriculteur peut produire lui-même sa protéine, chez lui. Ainsi, la protéine n’est plus le facteur limitant de son système ! Plus besoin d’acheter ailleurs du soja souvent produit dans des conditions désastreuses et qui a parcouru des milliers de kilomètres…
Pourquoi cette initiative va à l’encontre de toute la filière agricole dominante ?
Ce qu’on souhaite, c’est que l’agriculteur reprenne les choses en main, qu’il se réapproprie sa production animale et végétale – que le système intensif aujourd’hui majoritaire glisse progressivement vers un système durable ! Avec le toaster qui permet cette production de protéagineux, vous n’êtes plus obligés d’acheter d’engrais chimiques et vous avez besoin de moins de produits phytosanitaires. Cette réappropriation permet d’y voir plus clair! Et de se rendre compte de la manipulation que subit parfois le monde agricole.
D’autres agriculteurs ont-ils manifesté de l’intérêt pour cette initiative ?
Oui, l’intérêt est grandissant ! Des éleveurs, avant tout en bio, ont montré de l’intérêt, mais ça dépasse les frontières du bio. Aujourd’hui, des éleveurs de ruminants sont intéressés. En participant à ce projet, nous avons réussi à ne pas opposer agriculture et environnement : je considère que c’est la plus grande réussite du projet. C’est en proposant des solutions, et non en opposant des idées, que nous avancerons plus vite vers plus de durabilité.
Qu’aimerais-tu dire à tous ceux qui ont soutenu votre projet ?
Je leur dis un grand merci ! Merci pour vos dons et votre confiance qui ont permis la réalisation du projet. Merci de nous rassurer dans notre démarche. En soutenant ce projet, vous soutenez notre travail et la vision que nous défendons. Vous faites de notre métier une aventure, une expérience humaine, comme lors de nos échanges dans les locaux de Greenpeace.
Merci pour cette démarche qui se veut constructive, qui n’oppose pas le durable et l’agriculture. C’est une main tendue pour que nous avancions ensemble et c’est la plus belle façon d’avancer qui soit. C’est là qu’est notre avenir, notre avenir à tous.