Les Etats généraux de l’alimentation (EGA), personne n’en entend beaucoup parler et pourtant c’est l’avenir de ce qu’il y aura dans nos champs et nos assiettes qui se joue.

Agriculture

Etats généraux de l’alimentation : la déconfiture

Les Etats généraux de l’alimentation (EGA), personne n’en entend beaucoup parler et pourtant c’est l’avenir de ce qu’il y aura dans nos champs et nos assiettes qui se joue.

Les objectifs des EGA sont ambitieux : relancer la création de valeur et en assurer l’équitable répartition, permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail grâce à des prix justes, accompagner la transformation des modèles de production pour mieux répondre aux attentes des consommateurs.

Malgré une organisation précipitée de ces Etats généraux, Greenpeace a décidé d’y participer pour contribuer aux débats et porter la voix des citoyens. Mais ce n’est pas chose aisée.

Un élevage de canards en agriculture écologique, GAEC Les sources de l’Yon.

Des règles du jeu nébuleuses, un manque de préparation flagrant

Tellement flagrant, que nous pourrions presque appeler cela de l’amateurisme. Mais pourquoi tant de précipitation ? Emmanuel Macron a bâclé l’organisation de ces EGA car il souhaite faire des annonces mi-octobre, avant le début des négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs. Ces négociations sont en général source de nombreuses tensions – et pour cause : elles fixent les prix payés aux producteurs pour le reste de l’année.

Pour rappel, les EGA sont scindés en deux chantiers : un premier chantier consacré à la création et à la répartition de la valeur (qui s’achève le 10 octobre) et un deuxième chantier portant sur une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous (qui se termine fin novembre). Au sein de chaque chantier, des ateliers sont organisés sur divers sujets liés à l’agriculture et l’alimentation (comme le développement des initiatives locales, l’accès à de nouvelles parts de marché, la sécurité alimentaire ou encore le gaspillage alimentaire).

L’objectif de chaque atelier est d’aboutir à une série de mesures concrètes faisant consensus parmi les participants et qui pourront être mises en œuvre immédiatement. Les mesures sur lesquelles les participants de l’atelier ne parviendraient pas à se mettre d’accord feraient l’objet d’un arbitrage interministériel. C’est là que le bât blesse : les organisations de la société civile, tout comme la plupart des autres acteurs, n’auraient pas leur mot à dire lors de ces arbitrages, ce qui est totalement inacceptable.

Les dysfonctionnements sont également nombreux et les ateliers des EGA manquent clairement de représentativité. Par exemple, initialement, aucune ONG environnementale n’était représentée au sein de certains ateliers (notamment des ateliers comme “Initiatives locales”, “Rendre les prix d’achat des produits agricoles plus rémunérateurs pour les agriculteurs”, co-présidé par le directeur général de Produits frais Danone et le PDG de Système U, ou encore celui intitulé “Adapter la production agricole aux besoins des différents marchés et aux besoins des transformateurs”, présidé par le PDG du groupe Avril…). D’autre part, parmi les rares acteurs à avoir plus d’une place dans chaque atelier se trouvent (*roulement de tambour*) la FNSEA et l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA). De quoi frustrer très largement la plupart des organisations de la société civile.

C’est pourquoi, nous, Greenpeace, ainsi qu’une cinquantaine d’organisations de la société civile réunies au sein de la Plateforme pour une transition agricole et alimentaire, avons demandé une phase de négociations politiques pour effectuer les arbitrages avec toutes les parties prenantes. Toujours aucune réponse de l’Elysée à ce sujet…

Par ailleurs, autre déboire lié à l’organisation désastreuse des EGA : en plus de la participation physique aux ateliers, des contributions écrites doivent être envoyées d’une semaine sur l’autre, parfois presque d’un jour à l’autre ! Ces délais sont intenables, en particulier pour les organisations qui ne disposent pas de ressources dédiées à cet événement. Sans compter que tout se fait dans l’opacité la plus complète : il est très difficile d’obtenir des informations, notamment parce que le gouvernement lui-même ne semble pas vraiment savoir ce qu’il fait…

Des recommandations pour une transition agricole et alimentaire

Face à la perdition qui s’annonce, la Plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimentaire, dont Greenpeace France fait partie, a publié un document synthétique, clair, et concret, comprenant 63 priorités pour une métamorphose du modèle agricole et alimentaire.

Lire : 63 priorités pour une transition agricole et alimentaire

Ce document doit permettre de faire entendre plus fortement la voix des citoyens au sein des EGA. Parmi les priorités de la Plateforme, il a notamment été identifié comme nécessaire d’accompagner financièrement et techniquement les agriculteurs dans la transition agro-écologique (plutôt que de supprimer les aides financières au maintien des agriculteurs bio !), de faire évoluer les pratiques afin de diminuer de 20% les produits carnés en restauration scolaire (en introduisant un repas végétarien hebdomadaire par exemple), d’interdire définitivement d’ici 2020 les pesticides les plus dangereux (comme le glyphosate, jugé cancérigène probable par l’OMS, mais faisant l’objet d’une cacophonie assourdissante au sein du gouvernement), de fixer de nouveaux objectifs de réduction de l’usage d’antibiotiques en élevage, etc.

Notre modèle agricole est en crise. Les mesures prises à la fin des EGA doivent être ambitieuses et aller dans le sens d’un réel changement de système agricole et alimentaire. Greenpeace continuera de porter activement ses propositions, notamment celle de réduire la consommation de viande et de produire une viande de meilleure qualité. Vous pouvez d’ores et déjà nous soutenir en participant à la consultation publique qui se tient dans le cadre des Etats généraux de l’alimentation, en votant pour notre proposition de donner les moyens à la restauration collective d’offrir une alimentation durable et qui rémunère les producteurs au juste prix.