L’année a tristement commencé. En janvier, près des côtes de la Thaïlande

Climat - Désarmement

La dernière chose dont le monde a besoin, c’est de plus de pétrole

L’année a tristement commencé. En janvier, près des côtes de la Thaïlande, un oléoduc sous-marin exploité par une filiale du géant américain Chevron a laissé s’échapper dans la mer des milliers de litres de pétrole. Une marée noire a souillé les eaux et les plages alentour, tuant la faune et menaçant les moyens de subsistance des communautés locales. 

Nettoyeurs sur une plage thaïlandaise mazoutée

Plage souillée par le pétrole, province de Rayong, Thaïlande. © Chanklang  Kanthong / Greenpeace

Le 15 janvier, au Pérou, plus de 10 000 barils de pétrole se sont déversés dans la mer lors du déchargement d’un tanker dans une raffinerie appartenant au groupe espagnol Repsol, au sud de Lima. La nappe de pétrole s’est étendue sur plus de 100 km2 (la taille de Paris), ravageant l’un des écosystèmes marins les plus riches du monde, notamment deux zones protégées. Sur les plages environnantes totalement mazoutées, on retrouvait des cadavres de poissons, d’oiseaux et de mammifères marins, notamment d’otaries.

Marée noire u large des côtes péruviennes

Côte péruvienne contaminée par le pétrole d’une raffinerie de Repsol. © Musuk Nolte / Greenpeace

Fin janvier, une fuite sur un oléoduc à l’est de l’Équateur provoquait le déversement de 6300 barils de pétrole. La marée noire s’est répandue jusque dans une zone protégée de la forêt amazonienne, contaminant la rivière qui approvisionne en eau les communautés indigènes.

Début février, le navire de stockage et production de pétrole Trinity Spirit a explosé au large des côtes nigérianes, faisant cinq victimes parmi les 10 membres de l’équipage. Au moment de l’explosion, il contenait 50 à 60 000 barils, bien qu’il puisse contenir jusqu’à deux millions de barils. Construit en 1976, ce tanker aurait dû être mis hors service, a affirmé le responsable d’une ONG locale. Presque trois mois plus tard, au sud du Nigeria, plus de 100 personnes dont des enfants ont été tuées dans l’explosion d’une raffinerie illégale. A noter que la région du delta du Niger paie de longue date un lourd tribut à l’exploitation pétrolière. Ce commerce meurtrier en pleine expansion est un autre indicateur tragique d’inégalités, d’appauvrissement et d’un système d’extraction d’énergie polluant et désorganisé. 

Photo du tanker Trinity SPirit qui coule dans les eaux du Golfe de Guinée

Naufrage du Trinity Spirit dans le golfe de Guinée. © Michael Owoyemi / Greenpeace

D’autres désastres à l’horizon ?

L’un des plus grands et des plus anciens tankers du monde, le FSO Safer, est actuellement ancré au large des côtes du Yémen, en mer Rouge. Il menace d’exploser à tout moment et de laisser échapper le contenu toxique de ses cuves, qui contiennent 1,1 million de barils de pétrole brut (140 000 tonnes).  En effet, le tanker n’a pas été entretenu depuis sept ans à cause de la guerre, et une explosion de cette ampleur ne ferait qu’empirer l’une des pires crises humanitaires mondiales. Si cette cargaison se déverse, les communautés les plus fragiles et leurs moyens de subsistance seraient mis en péril, au même titre que la vie sous-marine de cette région qui est l’une des plus précieuses au monde. 

Les compagnies pétrolières filoutent, l’environnement trinque

Depuis des décennies, les combustibles fossiles sont à l’origine de marées noires, d’explosions et d’incendies qui empoisonnent l’environnement. Cependant, au lieu de reconnaître l’ampleur de ces catastrophes environnementales et humanitaires, les compagnies pétrolières et gazières minimisent les impacts et insistent sur leurs efforts de nettoyage. L’environnement peut mettre des décennies à se remettre et la plupart des dégâts sont souvent irréversibles

Les sociétés pétrolières ont appris à garder les médias à bonne distance. En effet, elles ont la plupart du temps recours à l’affrètement (elles louent les tankers mais n’en sont pas propriétaires), ce qui leur permet de jouir d’un certain anonymat, de réaliser des économies voire de tenter d’échapper à leurs responsabilités

Marée de pétrole qui détruit l’environnement et la vie sauvage alentours

La faune a beaucoup souffert lors de la catastrophe de Deepwater Horizon, dans le golfe du Mexique, en 2010. © Jose Luis Magana / Greenpeace

Air empoisonné

Les marées noires et les incendies sont seulement la partie visible des nombreux impacts liés à l’industrie du pétrole. Moins visibles, mais tout aussi toxiques, les émissions des voitures et des moteurs étouffent et tuent les populations urbaines à travers le monde

Selon les chercheurs d’Harvard, la pollution de l’air liée aux énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz) tue une personne sur cinq chaque année dans le monde. Une autre étude estime que 10,2 millions de personnes meurent chaque année à cause de la pollution de l’air due aux énergies fossiles. Tout le monde peut être touché, comme cette petite fille de neuf ans, Ella Adoo-Kissi-Debrah morte car elle vivait juste à côté d’une route très fréquentée en banlieue de Londres. Les enfants français ne sont pas épargnés, respirant un air pollué notamment aux abords des écoles lyonnaises.

Graffiti à Lyon pour protester contre la qualité de l’air

Action près du tunnel de la Croix Rousse à Lyon pour protester contre l’inaction des autorités vis-à-vis de la pollution de l’air. © Romain Etienne / Greenpeace

Un commerce toxique

Le pouvoir politique exercé par l’industrie du pétrole est dû en grande partie à la dépendance des pays exportateurs vis-à-vis des recettes, et des pays importateurs vis-à-vis d’un combustible longtemps promu comme “élément vital de l’économie moderne”.

Les guerres menées pour l’accès aux réserves de pétrole ont marqué l’histoire du siècle dernier. La soif de pétrole des puissances dominantes a non seulement été le motif de guerres, de coups d’État et de conflits, mais a également appauvri les populations autochtones et les communautés en première ligne. 

Les bénéfices pétroliers sont injectés dans les achats d’armes, toujours plus nombreux à mesure que les gouvernements font du commerce d’armes un instrument de politique étrangère pour maintenir un accès sécurisé au pétrole. Le lien entre l’industrie pétrolière et les trafiquants d’armes est en fait indissociable. 

Alors que la guerre en Ukraine n’est pas considérée en soi comme une “guerre pour le pétrole”, celui-ci fait tout de même partie de l’équation puisque la puissance militaire russe est financée par l’argent des vastes réserves de pétrole et de gaz du pays

Militants de Greenpeace qui luttent contre les énergies fossiles et leur implication dans la guerre en Ukraine

Les activistes Greenpeace protestent contre les énergies fossiles. © Jean Nicholas Guillo / Greenpeace

Argent sale

Les marées noires, les incendies, la pollution de l’air et les guerres causés par l’industrie du pétrole ont en réalité permis à une poignée de riches et puissants d’engranger des millions de dollars, d’euros ou de roubles. Les compagnies pétrolières comme BP, Shell, Exxon et Total ne manqueraient pour rien au monde une opportunité de faire gonfler encore plus leurs profits et de consolider leur influence politique. Ils tirent désormais des superprofits de l’envolée des prix du pétrole et du gaz. Ainsi, Total cumulait six milliards d’euros de bénéfices annuels en moyenne entre 2018 et 2020. En 2021, ce chiffre est monté à près de 14 milliards. Et le géant pétro-gazier français refuse de renoncer à ses activités en Russie, même si elles sont susceptibles d’alimenter les violations des droits humains et libertés fondamentales par la Russie.

Protestations contre les profits des compagnies pétrolières étasuniennes

Militants de Greenpeace dénonçant les profits exorbitants des compagnies pétrolières étasuniennes face à la montée en flèche des prix du carburant à la pompe. © Tim Aubry / Greenpeace

Pendant que la planète grille sous l’effet du changement climatique, l’industrie pétrolière se sert de techniques de greenwashing et d’une propagande mortelle pour essayer de couvrir ses traces, continue de financer les lobbies climatosceptiques et lorgne vers toujours plus de pétrole.

Ce cynisme n’est pas nouveau. Les compagnies pétrolières sont conscientes depuis longtemps de la menace que représente le dérèglement climatique pour leur business. Non seulement, l’industrie a passé sous silence ses propres scientifiques qui ont alerté de la menace potentielle, mais elle a également financé les lobbies climatosceptiques pour semer le doute. Tout cela dans le but de continuer à extraire du pétrole et du gaz et à se remplir les poches.

Des solutions existent !

Comme le dit lui-même le Secrétaire général de l’ONU, “les combustibles fossiles sont précisément la cause de la crise climatique. Seules les énergies renouvelables constituent une réponse – pour limiter les dérèglements climatiques et renforcer la sécurité énergétique.”  

Pour financer cette transition écologique vers des énergies renouvelables, et protéger les personnes qui sont le plus durement touchées par les crises que nous traversons, des dizaine des milliards sont mobilisables : il est possible de mettre un place un mécanisme de taxation des superprofits engrangés par les multinationales qui ont profité de la crise sanitaire ou de la guerre en Ukraine.

Il est temps de fermer définitivement l’ère des énergies fossiles. Il est temps de regarder vers l’avenir et de continuer les efforts pour un futur plus sûr et plus équitable. Pour la paix, la sécurité, le climat et l’environnement, les gouvernements doivent absolument mettre fin à la destruction du climat et passer à des énergies renouvelables propres et sûres.