A chaque étape de l’industrie nucléaire, des déchets radioactifs sont produits. Après plus de soixante ans d’exploitation nucléaire, le territoire français continue d’accumuler des tonnes de déchets radioactifs, dont certains sont extrêmement dangereux et le resteront pendant des milliers d’années. Aujourd’hui, il n’y a pas une région en France qui ne soit concernée par les déchets et rejets radioactifs : ils sont présents non seulement sur les sites nucléaires, mais circulent aussi sur nos routes et voies ferrées, parfois dans des zones densément peuplées.
Matières et déchets radioactifs : un enjeu public
D’après l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), plus de 1 620 000 m3 de déchets radioactifs s’accumulent sur le territoire français, dont 59 % sont directement issus des centrales nucléaires et des activités de l’industrie électro-nucléaire. Et derrière ces chiffres, déjà colossaux, se cache un petit tour de passe-passe sémantique : ne sont pas comptabilisés comme « déchets nucléaires » tout un ensemble de produits radioactifs, générés par les activités d’EDF et Orano (ex-Areva), mais pour lesquels « une utilisation ultérieure est prévue ou envisagée ». Dans le jargon nucléaire, on appelle ça des « matières radioactives ». Dans les faits, ce sont par exemple des tonnes de combustibles usés qui sont entreposées et devraient être comptabilisées comme des déchets nucléaires, faute de valorisation.
Pourquoi cela nous concerne-t-il toutes et tous ? D’abord parce qu’aucune région n’est aujourd’hui épargnée par la présence de ces déchets nucléaires. Ensuite parce que, depuis des décennies, leur volume ne cesse de croître sans qu’aucune solution pérenne n’ait encore été trouvée, jusqu’à la saturation.
Gestion des déchets nucléaires : gare aux fausses solutions
Il fut un temps où l’industrie nucléaire, pour cacher ces vilains déchets radioactifs, se contentait de les jeter à la mer. Aujourd’hui, elle propose à nouveau de dissimuler les déchets les plus dangereux en les enfouissant à 500 mètres sous terre, à Bure, dans la Meuse. C’est le projet Cigéo, qui pose en réalité plus de questions qu’il n’apporte de réponses aux enjeux des déchets hautement radioactifs : risque d’incendie et d’inondation, corrosion des conteneurs, incertitudes sur l’évolution des sous-sols et impossibilité de revenir en arrière si, enfin, une solution technique était trouvée par nos descendants au cours des siècles à venir.
Retraiter les déchets nucléaires n’est pas recycler
Et si on les recyclait, ces déchets nucléaires, alors ? C’est ce que voudrait faire croire EDF et Orano en maintenant à tout prix une filière dite de « retraitement du combustible usé ». Initialement mise en place pour extraire du plutonium (pour des besoins militaires), cette filière a perduré en entretenant le mythe d’un possible recyclage du combustible usé, sorti des réacteurs nucléaires. Techniquement, une partie de ce combustible usé peut être réutilisé pour créer du MOX, un autre type de combustible, ce que fait Orano. Dans les faits, ces opérations de retraitement ne permettent en réalité de recycler qu’1% du combustible usé. Et surtout, elles génèrent de nouveaux déchets radioactifs, dont certains sont extrêmement dangereux.
Quand les déchets voyagent parmi nous
En plus de produire des déchets supplémentaires, ces opérations de traitement génèrent aussi des transports de déchets dangereux : les combustibles usés quittent les 58 réacteurs français pour converger, par voie ferrée, vers la Hague (dans la Manche) ; les convois de plutonium traversent la France, de la Hague vers l’usine de Marcoule (dans le Gard) par camion ; le MOX est acheminé de Marcoule vers les réacteurs capables de tourner avec ; le MOX usé repart à… la Hague, où il est entreposé sans perspective de réutilisation.
Vous avez donc sans doute croisé, à votre insu, l’un des quelque 19 000 convois de matières et déchets radioactifs qui circulent chaque année, dont une centaine de plutonium (l’une des matières les plus radio-toxiques qui, détournée, peut servir à la fabrication de bombes sales), que ce soit sur l’autoroute du Soleil, dans la gare RER de Versailles ou sur la rocade de Rennes.
Face à la crise des déchets nucléaires, comment agir ?
Face à ces enjeux colossaux que posent les déchets nucléaires, il est tentant de conclure : « on n’y peut rien ». Or, justement : il est possible d’agir pour limiter l’impact de ces déchets et cesser d’en produire, alors qu’un débat national s’ouvre sur le sujet des déchets nucléaires, jusqu’au 25 septembre 2019.
Pour agir face à la crise des déchets nucléaires :
- Signez la lettre ouverte à Elisabeth Borne l’appelant à agir face à la crise des déchets nucléaires
- Sensibilisez votre entourage en l’informant sur la réalité des déchets nucléaires sur les réseaux sociaux, notamment via le hashtag#ZéroDéchetNucléaire
- Tournez-vous vers un fournisseur d’électricité qui soutient réellement les énergies renouvelables et ne finance pas les énergies fossiles et nucléaire.
Nos demandes sur les déchets nucléaires :
- Renoncer au projet d’enfouissement profond Cigéo et privilégier d’autres options, comme le stockage à sec en sub-surface pour permettre aux générations futures de surveiller et d’accéder aux déchets radioactifs.
- Mettre un terme au retraitement du combustible usé qui aggrave le problème en générant des déchets hautement radioactifs et en multipliant les risques.
- Mettre fin aux transports nucléaires inutiles (notamment ceux liés au retraitement) et interdire les passages en zone de concentration urbaine.
- Inclure les « matières radioactives » non réutilisées dans la liste des déchets nucléaires d’EDF.
- En priorité : cesser de produire des déchets nucléaires en planifiant une sortie du nucléaire qui s’appuiera sur les économies d’énergie, l’efficacité énergétique et le développement d’énergies renouvelables, selon des scénarios compatibles avec la lutte contre le changement climatique.