Entre 2000 et 2013, les forêts du Grand Nord ont perdu environ 2,5 millions d’hectares de paysages forestiers intacts. Nous dénonçons depuis plusieurs années les agissements de l’entreprise forestière canadienne Résolu, qui contribue activement au saccage de cet écosystème vital pour notre planète. En réaction, l’entreprise a entamé une “poursuite-bâillon” contre nous. Ce faisant, elle compte priver la forêt d’une de ses voix plutôt que de changer ses pratiques non-durables.

Forêts

La forêt et le bâillon

Entre 2000 et 2013, les forêts du Grand Nord ont perdu environ 2,5 millions d’hectares de paysages forestiers intacts. Nous dénonçons depuis plusieurs années les agissements de l’entreprise forestière canadienne Résolu, qui contribue activement au saccage de cet écosystème vital pour notre planète. En réaction, l’entreprise a entamé une “poursuite-bâillon” contre nous. Ce faisant, elle compte priver la forêt d’une de ses voix plutôt que de changer ses pratiques non-durables.

La forêt boréale, écosystème aussi riche que fragile

Les forêts boréales constituent un écosystème essentiel à l’équilibre de notre planète à bien des égards. La biodiversité des forêts boréales est telle qu’elles abritent plus de 20 000 espèces animales et végétales, dont une grande partie dans les forêts canadiennes. Des espèces-parapluie, comme le caribou, y évoluent. Ces espèces sont primordiales car elles indiquent le degré de santé d’un écosystème. En l’occurrence, si le caribou se porte bien dans ces forêts, cela signifie que des dizaines d’autres espèces s’épanouissent également.

De vastes espaces de forêts matures et non perturbées par le développement sont essentiels à la survie du caribou forestier. Son habitat chevauche les paysages forestiers intacts dans une proportion de plus de 93 % en Ontario et de plus de 74 % au Québec. Chaque année pourtant, l’effet cumulatif des perturbations industrielles sur l’habitat forestier ne fait que menacer davantage cette espèce-parapluie emblématique. Tant et si bien que le caribou forestier figure désormais sur la liste des espèces « menacées » selon la loi sur les espèces en péril du Canada.

Des caribous membres d’un troupeau de 120 000 espèces en migration entre le Yukon et l’Alaska, le long de la rivière Porcupine (Canada, 2011) © Bernd Roemmelt / Greenpeace

Par ailleurs, de nombreuses communautés humaines ont établi une connexion très forte avec la forêt canadienne. C’est notamment le cas des Premières Nations, peuples autochtones du Canada qui comptent 700 000 individus. Ces communautés sont dépendantes de la forêt boréale, qui est liée à leurs activités économiques, comme la pêche, mais aussi spirituelles et sociales.

Enfin, les sols et les tourbières des forêts boréales regorgent de carbone, au point qu’elles constituent le plus grand puits de carbone terrestre devant l’ensemble des forêts tropicales ! Si cette forêt disparaissait, elle libérerait une quantité très importante de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Cela accélérerait la hausse des températures terrestres et déséquilibrerait encore davantage notre climat. Pour rappel, l’année 2016 a été la plus chaude jamais enregistrée : il y a donc urgence à protéger les forêts, qui disparaissent au rythme d’environ 13 millions d’hectares par an. Or la destruction des forêts est responsable d’environ 12 à 17% des émissions mondiales de gaz à effet de serre : presque autant que tous les avions, voitures, camions, bateaux et trains de la planète réunis.

Si la forêt boréale est la plus grande forêt du monde, c’est aussi celle qui recule le plus vite, principalement à cause de l’exploitation forestière. La combinaison du changement climatique et de l’activité humaine menace ainsi directement sa biodiversité, les communautés qui vivent en harmonie avec elles et ses réserves de carbone.

La forêt boréale des Montagnes Blanches (Québec, automne 2011) © Markus Mauthe / Greenpeace

 Résolument dangereux

Depuis plusieurs années, Résolu est ciblée par Greenpeace et Stand.earth dans le cadre d’une campagne commune pour une plus grande protection de la forêt boréale. Résolu, première entreprise forestière canadienne, vante le caractère durable de ses activités. Or cette affirmation est loin d’être exacte.

L’entreprise n’a par exemple pas pris en compte la santé à long terme des forêts les plus riches en termes de biodiversité répondant au label “High Conservation Value” : elle a ainsi exploité les forêts qui font partie de l’habitat essentiel du caribou (qui se nourrit surtout du lichen que l’on ne trouve que dans les forêts matures) au Québec et en Ontario. Elle refuse en effet de mettre en œuvre un plan de sauvegarde du caribou conséquent sur l’ensemble de ses concessions. A titre d’exemple, huit des aires de répartition des hardes de caribous qui chevauchent les opérations de Résolu en Ontario et au Québec comptent moins d’habitats non perturbés que le minimum identifié par le gouvernement.

Résolu a par ailleurs exercé ses activités dans les territoires traditionnels de certains peuples des Premières Nations sans respecter leurs droits fondamentaux. C’est l’une des raisons pour lesquelles Résolu s’est vu retirer la certification FSC (la seule reconnue par l’ensemble de la communauté environnementale comme par nombre de grandes entreprises) sur six millions d’hectares de ses concessions. Or, plutôt que de changer ses pratiques pour récupérer les certificats perdus, en 2014, Résolu a préféré traîner en justice la Rainforest Alliance, l’auditeur indépendant du FSC qui avait pointé ces divers manquements.

L’activité de Résolu porte ainsi atteinte à la préservation de la forêt boréale, menaçant de fait la biodiversité de l’écosystème et ses stocks de carbone.

Depuis le début de notre campagne, nous demandons à Résolu de respecter les droits des Premières Nations, d’appuyer les collectivités locales et de modifier ses activités dangereuses pour la forêt boréale en adoptant des mesures fondées sur des données scientifiques. Nous l’enjoignons également de récupérer les certificats d’exploitation durable qu’elle a perdus.

Des empreintes le long de la rivière Athabasca, en Alberta du Nord (Canada, 2012) © Greenpeace

 La forêt bâillonnée

En tant qu’organisation de la société civile attachée à l’intérêt général, il est de notre devoir de dénoncer les agissements du groupe forestier Résolu quand ils menacent la forêt et ses habitants. Or, jusqu’à présent, Résolu a refusé tout dialogue et a choisi de nous attaquer abusivement en justice… parce que nous avons osé défendre la forêt boréale canadienne ! Si les poursuites-bâillons se multiplient, celle-ci revêt un caractère particulier par l’exorbitance des sommes demandées et la nature de la procédure engagée : Résolu affirme en effet que Greenpeace est une entreprise de crime organisé !

Le but est clair : nous épuiser humainement et économiquement pour nous faire taire. Et à travers ce procédé, in fine, Résolu affirme sa volonté de priver la forêt d’une de ses voix les plus précieuses. Car il s’agit bien de détourner l’attention publique : pendant qu’il faut défendre la légitimité des actions d’ONG comme la nôtre, ce sont des forêts qui disparaissent, la planète qui s’enlise.