Les communautés du Pacifique seront les premières affectées si l’exploitation minière des océans démarre. En effet, la plus grande zone convoitée par les industriels se trouve dans l’océan Pacifique : la zone de Clarion-Clipperton. C’est là qu’ils voudraient commencer leurs opérations minières.

Océans

Exploitation minière des océans : écoutons les voix du Pacifique !

Les communautés du Pacifique seront les premières affectées si l’exploitation minière des océans démarre. En effet, la plus grande zone convoitée par les industriels se trouve dans l’océan Pacifique : la zone de Clarion-Clipperton. C’est là qu’ils voudraient commencer leurs opérations minières.

Depuis trop longtemps, les voix des peuples autochtones du Pacifique sont ignorées par l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), alors même que cet organe des Nations unies décide du sort de leur océan. Des représentantes et représentants du Pacifique se sont rendus plusieurs fois à Kingston, en Jamaïque, à nos côtés, pour participer aux réunions de l’AIFM et demander la protection des océans, espaces sacrés et vénérés comme le lieu de la création. 

Pour que les dirigeants du monde entier entendent les messages du Pacifique et prennent la mesure de la mobilisation mondiale contre l’exploitation minière en eaux profondes, voici les témoignages de représentant·es du Pacifique qui expliquent pourquoi les enjeux sont si importants pour eux. 

L’océan comme lieu de la création

« Les fonds marins sont la source de la création et nous devons prendre soin de tout ce qui nous précède » – Solomon Pili Kaho’ohalahala, dit “oncle Sol”, représentant des peuples autochtones d’Hawaï (États-Unis)

« L’histoire de notre création commence dans l’océan, dans les profondeurs de la mer. Notre rôle en tant qu’êtres humains est de créer un équilibre et de prendre soin de tout ce qui nous précède, même le corail polypier. Nous sommes venus à l’AIFM pour discuter de notre lien avec les grands fonds marins et pour partager cette perspective afin qu’elle puisse être incluse dans cette discussion sur le lancement d’une industrie qui impactera l’endroit même où la création a débuté. Nous sommes ici pour dire non à l’exploitation minière des grands fonds marins et non à la destruction de notre patrimoine culturel« , a déclaré l’oncle Sol dans un message vidéo projeté dans plusieurs villes du monde pendant les réunions de l’AIFM, en juillet dernier.

Uncle Sol on Arctic Sunrise Day before Arrival in Kingston.

L’oncle Sol à son arrivée à la première session du 28e Conseil de l’AIFM en mars 2023, en Jamaïque, à bord de l’Arctic Sunrise. © Martin Katz / Greenpeace

Les États-Unis ne sont pas membres de l’AIFM, car ils n’ont pas ratifié la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. Néanmoins, les moyens de subsistance, l’histoire et les traditions des peuples autochtones d’Hawaï sont étroitement liés à l’océan, et Hawaï serait en première ligne des impacts si l’exploitation minière en eaux profondes devait commencer.

Le dernier chapitre d’une histoire de colonisation

Les contrats d’exploration minière en eaux profondes étant monopolisés par une poignée d’entreprises occidentales, cette industrie représente une nouvelle intrusion coloniale dans les communautés du Pacifique. Lors des réunions de l’AIFM en juillet dernier, l’avenir des océans étant menacé, oncle Sol est revenu sur certains aspects de l’histoire coloniale d’Hawaï. Au 20e siècle, la reine d’Hawaï a été renversée et emprisonnée dans son propre palais, avec à la manœuvre les États-Unis et leurs velléités d’annexion de l’archipel. Elle consacre alors son temps à la traduction en anglais des histoires et des chants traditionnels hawaïens, dans l’idée qu’ils pourraient être utiles à l’avenir et susciter l’intérêt des scientifiques. Ces chants disent que toute vie sur Terre vient des profondeurs de la mer, qui sont la source de la création grâce à l’énergie qu’elles renferment, le wale wale. L’histoire hawaïenne raconte que le corail polypier, uku ko’ako’a, est la toute première créature née de cette énergie marine. À partir de là, toutes les autres créatures ont émergé, passant des océans à la terre puis aux airs.

L’oncle Sol estime que les États membres et le secrétariat de l’AIFM doivent entendre et comprendre que les populations autochtones hawaïennes considèrent les grands fonds marins comme leur maison et l’origine de la vie. Pour l’instant, ce lien culturel profond n’est ni entendu ni compris. Dans les textes officiels, la seule référence à la politique culturelle en haute mer est ce que l’on appelle le « patrimoine culturel subaquatique », qui désigne tout objet pouvant être trouvé sous la mer, qu’il s’agisse d’un navire coulé ou d’une pièce archéologique submergée. C’est ce que représente la “culture” pour l’AIFM, mais cela n’a rien à voir avec ce qu’elle incarne pour les peuples autochtones du Pacifique, qui demandent la reconnaissance du patrimoine culturel intangible et non seulement des vestiges. Cela est une autre conséquence de leur bien trop longue exclusion des discussions qui, pourtant, les concernent en premier lieu.

“Les humains sont arrivés après que la Terre et toutes les créatures étaient déjà entièrement formées, dans un équilibre parfait. Par conséquent, notre responsabilité est de prendre soin de tout ce qui nous précède, jusqu’au plus ancien de nos ancêtres, le corail polypier. Nous estimons que nous devons prendre soin de cet équilibre sur Honua (la Terre), en particulier parce que tout cela a pris des millions d’années pour être achevé et ce, pour que nous puissions en bénéficier”, a déclaré l’oncle Sol. Les nations du Pacifique considèrent l’océan comme un élément central de la vie mais, aujourd’hui, il appartient aux membres de l’AIFM de décider de son avenir. Néanmoins, les membres de nombreux peuples du Pacifique – y compris les populations autochtones hawaïennes – ont été exclus pendant des années du débat sur l’autorisation de l’exploitation minière en eaux profondes. Désormais, les industriels veulent “plonger dans le lieu de la création, mettant tout en danger”, a poursuivi l’oncle Sol.

Des communautés locales mal informées et peu écoutées

“Nous ne voulons pas que l’industrie minière en eaux profondes ternisse l’authenticité de notre culture” – Alanna Matamaru Smith 

Alanna Matamaru Smith, des îles Cook, est directrice de la Te Ipukarea Society, une organisation de protection de l’environnement. Elle s’est rendue aux réunions de l’AIFM, aux côtés de Greenpeace, pour être informée des discussions et des décisions relatives aux activités en haute mer et pour faire entendre la voix de différentes communautés.

Alanna Smith on Arctic Sunrise Day before Arrival in Kingston.

Alanna à son arrivée à la première session du 28e conseil de l’AIFM en mars 2023, en Jamaïque, à bord de l’Arctic Sunrise. © Martin Katz / Greenpeace

Depuis 2015, les îles Cook sont représentées aux réunions de l’Autorité internationale des fonds marins. Leur gouvernement a constitué une joint venture avec GSR, une société belge d’exploitation minière en eaux profondes, et s’intéresse de près à l’extraction des nodules polymétalliques dans les fonds marins. Les îles Cook ont entamé il y a deux ans une phase d’exploration de cinq ans dans les eaux nationales. Avant le début de cette phase d’exploration, la Te Ipukarea Society a constaté que les messages adressés aux différentes communautés par le gouvernement étaient déséquilibrés et mettaient l’accent sur les gains financiers potentiels, sans se préoccuper des risques environnementaux liés à cette industrie. 

Alanna Matamaru Smith pense que, s’ils pouvaient comprendre que l’océan influence tous les aspects de la culture des peuples du Pacifique et que leur culture est leur identité, les États membres de l’AIFM comprendraient pourquoi l’exploitation minière en eaux profondes constitue une menace dangereuse pour les communautés autochtones du Pacifique.

L’océan, c’est la vie

“Je ressens beaucoup de frustration et de douleur vis-à-vis du fonctionnement de l’Autorité internationale des fonds marins” – Hinano Murphy

Hinano Murphy est représentante et directrice culturelle de la Société Tetiaroa,qui s’occupe de la préservation du patrimoine culturel et naturel à Tahiti, en Polynésie française. Pour elle, le mode de fonctionnement de l’AIFM n’est pas inclusif : un petit groupe de personnes réunies dans une salle à Kingston décide de l’avenir de l’océan Pacifique, qui fait partie de l’ADN de son peuple. En outre, les communautés du Pacifique n’ont pas eu assez de temps pour comprendre tous les enjeux de la réunion de l’AIFM et d’exprimer leurs préoccupations.

Les océans sont déjà en grand danger, victimes de la surpêche, de la pollution plastique, des forages en mer et du réchauffement climatique. Il est absurde d’y ajouter l’exploitation minière en eaux profondes, alors que la science indique que les dommages causés aux écosystèmes marins pourraient être irréversibles. Jusqu’à présent, les discussions de la 28e session de l’Autorité internationale des fonds marins ont principalement porté sur la manière d’extraire ces nodules polymétalliques des fonds marins, que le monde considère comme n’appartenant à personne en vertu du droit de la haute mer. Avide, l’industrie minière des grands fonds considère les océans et la haute mer comme des zones de non-droit  et estiment pouvoir s’y servir librement…

Les voix du Pacifique doivent se faire entendre pour garantir que l’intégrité de la biodiversité marine soit préservée. Nous devons écouter leurs histoires, lire leurs mots et amplifier leurs messages. Pour ajouter votre voix à la leur, signez notre pétition contre l’extraction minière en eaux profondes :