Les gouvernements laissent la porte ouverte au démarrage, dès cette année, de l’exploitation minière des océans
Une nouvelle session de négociations visant à empêcher le démarrage de l’exploitation minière en eaux profondes s’achève aujourd’hui à l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), en Jamaïque. Une issue décevante pourrait laisser les fonds marins à la merci d’une industrie minière destructrice, malgré l’adoption récente aux Nations unies d’un traité historique sur la haute mer et l’appel en faveur d’une pause de précaution ou moratoire relayé par un nombre croissant d’États.
L’adoption d’un code minier, qui permettrait de fait à cette industrie de voir le jour de manière pérenne et dans un cadre environnemental plus ou moins contraignant dès juillet 2023, est écartée à ce stade, trop peu d’États, parmi les 36 membres du Conseil de l’AIFM, soutenant son adoption. Cependant, cette session de négociations aurait également dû permettre aux gouvernements de bloquer à court terme les velléités des compagnies minières, en s’accordant sur un processus d’examen beaucoup plus contraignant face aux demandes d’exploitation qui pourraient arriver, même en l’absence de code minier. Face à cet enjeu, le Conseil n’a pas su se mettre d’accord et rien n’empêchera donc Nauru, petit État insulaire qui parraine la compagnie minière The metals company, de déposer une demande d’exploitation dès le 9 juillet et que celle-ci soit accordée [1].
« Les gouvernements laissent imprudemment une brèche ouverte dans laquelle les industriels pourront s’engouffrer pour démarrer l’exploitation minière des océans dans le courant de l’année. Le Conseil de l’AIFM n’a pas réussi à renverser le parti pris en faveur de l’exploitation minière, préférant botter en touche et laisser les océans aux prises avec cette industrie dangereuse. Cette issue profondément irresponsable est une occasion manquée de signifier clairement, dans la foulée du traité mondial historique sur la haute mer, que l’ère de la destruction des océans est révolue », déclare François Chartier, chargé de campagne Océans chez Greenpeace France.
Cependant, cette session aura également permis de mettre en lumière une dynamique montante et de plus en plus forte pour réclamer une pause de précaution ou un moratoire. Vanuatu a ainsi rejoint les 14 pays clairement positionnés pour un moratoire, dont la France, le Chili et l’Allemagne. Au cours des 15 derniers jours, les représentants des populations autochtones ont rejeté l’exploitation minière en eaux profondes, les alertes scientifiques sur les risques se sont faites plus pressantes et la plus ancienne et la plus importante entreprise du secteur, Lockheed Martin, a annoncé le retrait de ses participations dans des projets d’exploitation. « Le monde prend conscience de l’importance de la menace que représente l’exploitation minière des océans mais les négociations patinent et les membres du conseil n’ont pas réussi à se mettre d’accord lors de cette session, insiste François Chartier. Seule l’adoption d’un moratoire mettra les océans durablement à l’abri, c’est encore tout à fait réalisable ». Une nouvelle session de négociations doit avoir lieu du 10 au 28 juillet prochain, alors qu’expirera l’ultimatum de la règle des deux ans [1]. Cette session réunira cette fois-ci les 167 gouvernements membres de l’Assemblée de l’AIFM, dont la France qui s’est à de nombreuses reprises positionnée pour un moratoire. Plus légitime, l’Assemblée saura-t-elle se saisir de la question d’un moratoire et le défendre efficacement ? La France saura-t-elle faire preuve de leadership ou les promesses du président Macron resteront-elles une coquille vide ? « Tout va se jouer lors de cette ultime réunion de juillet, conclut François Chartier. Greenpeace et les membres de la société civile vont utiliser tous les leviers possibles afin de continuer à mobiliser pour l’adoption d’un moratoire. Mais c’est désormais aux gouvernements de se positionner du bon ou du mauvais côté de l’Histoire pour la protection des océans ».
[1] Les industriels ont forcé la main des gouvernements en utilisant une faille juridique controversée pour imposer un ultimatum à l’AIFM. En 2021, le président de Nauru et l’entreprise Nauru Ocean Resources, filiale de The Metals Company, ont déclenché la “règle des deux ans” pour contraindre l’AIFM à statuer sur le démarrage de l’exploitation minière en eaux profondes dès le 9 juillet 2023. En l’absence de code minier, les industriels pourront tout de même déposer une demande d’exploitation qui risque fortement d’être approuvée.