Siemens est un énergéticien allemand, le plus grand en Europe. Il fournit notamment toutes les technologies et infrastructures nécessaires pour produire et distribuer de l’énergie. En 2000, Siemens s’associe avec l’entreprise allemande Voith pour créer Voith Hydro et se porte actionnaire de la nouvelle entité à hauteur de 35% des parts. Voith Hydro devient l’un des leaders mondiaux du secteur de l’énergie hydraulique. A ce titre, il pourrait participer à l’appel d’offre que devrait lancer le gouvernement brésilien dans les prochains mois, notamment pour fournir les énormes turbines nécessaires au barrage.
Pourtant, selon son directeur exécutif, Joe Kaeser, Siemens défend des valeurs “d’équité et d’intégrité, de soutenabilité et et de responsabilité”, qui sont censées guider ses décisions économiques. Ce qui s’accorde plutôt mal avec le déplacement forcé de plusieurs centaines de Mundurukus, l’un des peuples autochtones de l’Amazonie, à cause du barrage.
Des précédents fâcheux
Siemens et Voith Hydro sont impliqués dans les quatre derniers barrages construits sur l’Amazone : Tele Pires, Santo Antonio, Jirau et le très controversé Belo Monte, pour lesquels ces entreprises ont fourni des composants clé. Chacun de ces quatre projets constitue une violation des droits constitutionnels des peuples autochtones qui vivent sur les zones concernées.
Ils ont notamment été conduits sans que les populations autochtones accordent leur libre consentement, contrairement à ce qui est stipulé dans la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail et à l’article 19 de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones, que le Brésil a pourtant soutenu à l’ONU. Cette déclaration prévoit notamment :
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- – le droit à l’autodétermination c’est-à-dire le fait pour ces peuples d’assurer librement leur développement économique, social et culturel,
– le droit à leurs terres, territoires et ressources,
– l’obligation pour les États (donc le Brésil) d’accorder reconnaissance et protection juridiques à ces terres, territoires et ressources.
Siemens a pourtant d’autres ressources
Après l’acquisition, en juin 2016, du fabricant de turbines éoliennes espagnol Gamesa, Siemens est devenu le leader mondial de l’éolien, avec 14% du marché mondial. La compagnie allemande est très bien implantée sur la marché brésilien, juste derrière General Electric. Or c’est un marché dynamique : d’une part les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables et durables connaissent une croissance exponentielle, d’autre part, leur coût ne cesse de baisser, accroissant en permanence leur compétitivité face aux autres sources d’énergie. L’avenir se joue donc avec les énergies renouvelables, et Siemens ferait bien de se concentrer sur ce secteur d’activité.
Siemens réagit (un peu)
C’est pourquoi Greenpeace a lancé une semaine d’actions dans le monde entier pour demander à l’énergéticien allemand de renoncer publiquement à toute participation au projet de méga-barrage sur le fleuve Tapajos. Dans tous les pays où la présence de Siemens est significative, comme en Allemagne, en Autriche, en Espagne, en Italie, en Suisse, en Belgique, aux Pays-Bas, au Japon, au Brésil, en Australie, au Mexique, en Malaisie ou encore aux Etats-Unis, des actions ont eu lieu devant les sièges locaux du groupe pour sensibiliser les employés et demander des entretiens avec leurs dirigeants.
Siemens a réagi mollement, indiquant qu’ils avaient pris connaissance de nos inquiétudes, qu’ils menaient une évaluation rigoureuse quant à la pertinence du projet et qu’ils étaient prêts à discuter avec nous. Mais jusqu’à maintenant, aucune date n’a formellement été fixée. C’est pourquoi nous devons maintenir la pression à tout prix. Si Siemens abandonne toute velléité de participation, ce sera un signal fort envoyé aux multinationales également intéressées, comme par exemple General Electric Renewable Energy, ex-Alstom, dont le site de production de turbines se trouve en France et qui n’a pas pour l’instant donné suite à nos demandes de renoncer publiquement au projet.
L’enjeu majeur des droits des populations autochtones
Un tout nouveau groupe de travail, formé sous l’égide des Nations Unies, vient de publier un rapport portant notamment sur la manière dont a été mené la construction du méga-barrage de Belo Monte. Ses conclusions sont sans ambiguïtés : toutes les compagnies opérant au Brésil doivent recenser et évaluer les impacts négatifs de leurs activités sur les droits des populations autochtones et s’assurer d’une concertation effective et sérieuse avec elles. Or la position des Mundurukus concernant le barrage sur le fleuve Tapajos est claire : il ne veulent pas perdre leur habitat. C’est donc non! Tel était l’enjeu du “Forest Camp” qui s’est tenu les semaines dernières sur les rives du fleuve Tapajos : délimiter les terres ancestrales des Mundurukus pour faire respecter leurs droits.
Théoriquement, cette consultation préalable devrait avoir lieu dans les mois qui viennent. Pendant ce temps, le ministre brésilien de l’environnement a indiqué que ce projet de méga-barrage n’était pas nécessaire, tant le potentiel des énergies solaires et éoliennes est prometteur.