Climat

Nucléaire : une prolongation à la logique comptable, au mépris du reste

Selon une information du JDD, l’État souhaite prolonger de dix ans la durée de vie des centrales nucléaires françaises. Selon le JDD, qui cite des « plusieurs sources proches du gouvernement » l’annonce serait faite avant la fin de l’année.

Cette rumeur, qui reste à confirmer, pose de nombreuses questions

Rappelons d’abord qu’en France, il n’y a pas de durée d’exploitation a priori, contrairement aux États- Unis qui fixent deux dates clés pour les licences d’exploitation : 40 ans, puis 20 ans. En France, les réacteurs sont soumis à deux types de mesures de contrôle : contrôle permanent et revue de sûreté par inspections, et revues de sûreté nucléaire périodiques, tous les dix ans.

L’État n’est pas seul décisionnaire. L’État ne peux pas décider l’extension de durée de vie des réacteurs nucléaires, il n’en a pas le pouvoir. C’est l’Autorité de sûreté nucléaire qui évalue au cas par cas la possibilité d’autoriser l’exploitation des réacteurs nucléaire existant. L’ASN se base pour ces évaluation sur des critères de sûreté de fonctionnement.

De plus, l’éventuelle mise en place de ce mécanisme comptable d’étalement de l’amortissement sur 50 ans semble avoir été lancée pour envoyer un signal aux marchés, aux investisseurs et surtout pour mettre l’autorité de sûreté nucléaire devant le fait accompli. Cela a d’ailleurs apparemment fonctionné sur les marchés financiers : vers 13h lundi, l’action EDF gagne 2,6% sur un marché parisien en baisse de 0,2%.

L’impasse sur le risque nucléaire

Parmi les composants non remplaçables des centrales nucléaires, deux des principaux sont la cuve du réacteur et l’enceinte de confinement. Or, le système de confinement, basé sur l’étanchéité d’enceintes successives, dont les éléments structurels du réacteur que sont la cuve et son couvercle est particulièrement affecté par le vieillissement d’une installation. Fragilisation, corrosion, évolution des bétons … sont autant d’affres du vieillissement des structures sur lesquelles aucun pays n’a de retour de d’expérience.

Notons de plus qu’André-Claude Lacoste, dans une audition parlementaire en mars 2011 affirmait :

La position constante de l’ASN a toujours été la suivante : personne ne peut garantir qu’il n’y aura jamais en France un accident nucléaire. Je dis ce que je dis, et je répète une position constante de l’ASN française

Des incidents réguliers ont cours sur les centrales nucléaires françaises. Voici une revue non exhaustive des événements de l’année 2013 :

Belleville
Tricastin et aussi ici
Flamanville
Fessenheim
Civaux
Penly
Golfech
Cattenom
Bugey

Voir les avis d’incidents sur le site de l’ASN

La politique énergétique otage des finances ?

Si un nouveau prolongement de la durée de vie des centrales nucléaires était décidé, la sûreté nucléaire et le pilotage de la politique énergétique seraient pris en otage de la logique financière.

Le paradoxe que soulève cette proposition est que d’une part François Hollande annonce vouloir piloter la politique énergétique et inscrire dans la loi la possibilité de fermer des réacteurs nucléaire de manière anticipé, et d’autre part annoncerait quelques semaines plus tard son intention de prolonger la durée de vie des réacteurs jusqu’à 50 ans. Ces deux options sont incompatibles entre elles, tout comme les investissements dans le nucléaire ne sont pas compatibles avec ceux dans la transition énergétique.

Et dans ce cas, EDF, pour des raisons uniquement financières, comptables, empiète sur l’autorité de l’ASN en matière de sûreté du nucléaire. Et empiète sur l’autorité politique. Toute fermeture demandée au compte de la politique énergétique ouvrirait droit à des compensations d’EDF jusqu’à 50 ans. Bloquant ainsi toute possibilité d’atteindre 50% en 2025, mais aussi toute transition énergétique.

La commission de régulation de l’électricité avait démontré dans un rapport publié en juin que même en étalant la durée d’amortissement (40 ou 50 ans), les tarifs de l’électricité vont augmenter quand même très fortement.

Cet étalement n’est qu’un leurre, car il n’obéit qu’à une logique comptable et aucunement à une logique de politique économique et encore moins de politique énergétique.