Océans

Mission Pêches Profondes : l’imposture

Après 9 mois de laborieux travaux, la Mission Pêches Profondes (MPP), présidée par le député-maire de Pornic, Philippe Boënnec et mandatée par les ministres de la pêche et de l’écologie lors du Grenelle de la Mer s’avère être un échec cuisant à tous points de vue.
Greenpeace et les autres ONG participantes récusent aujourd’hui le rapport produit par Alain Biseau (IFREMER), rapporteur de la Mission.

Les dégats de la pêche de grand fond
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Un rapport hors sujet qui ne répond pas à la lettre de mission

La Mission Pêches Profondes n’a pas répondu à sa lettre de mission dont l’objectif principal était de « s’assurer que les pêches en eaux profondes sont viables économiquement, socialement et écologiquement, pour que leur poursuite, éventuellement adaptée, puisse être envisagée. »

Cet objectif s’inspirait de la logique des dernières résolutions des Nations unies encadrant les pêches profondes. En effet, depuis 2006, deux résolutions exigent que les pêches profondes apportent la preuve que leurs pratiques n’impactent pas de façon significative les habitats profonds et les espèces qui les peuplent pour pouvoir opérer.

Dès le début, la mission a refusé d’adopter une méthodologie permettant d’approcher cet objectif en dépit des alertes régulières lancées par les ONG.
Le résultat est accablant, et se caractérise par une absence de transparence et de crédibilité. Dans cet exercice de manipulation de l’information servi par une connivence entre les représentants de la pêche profonde et le rapporteur, ce rapport tente de faire croire que les pêches profondes sont durables, écologiquement acceptables, et comble de l’imposture, qu’elles sont rentables économiquement. A cette fin leur impact a été minimisé à outrance, et les données économiques soigneusement écartées ou déformées.

Des conclusions biaisées et orientées en complète contradiction avec le bilan économique des trois principaux armements concernés

Entre 2002 et 2008, trois armements, Scapêche (propriété du groupe de distribution Les Mousquetaires), Dhellemmes et Euronor , totalisant 95% des débarquements de poissons profonds, accusaient de fortes pertes cumulées de résultat d’exploitation, sans arriver à l’équilibre, même si on y rajoute le montant des diverses subventions.
En outre, leurs activités très consommatrices de gazole (environ 7 000 litres/jour pour un chalutier de 40 mètres et 1000 litres/jour pour un chalutier de moins de 25 mètres) les rend particulièrement vulnérables à l’augmentation des prix du pétrole.
Ce facteur suffirait en lui-même à mettre en cause la durabilité de ces pêches comme le soulignait, dés 2006, le rapport Poséidon du Secrétariat Général de la Mer rattaché à Matignon (voir pages 54 et 133 du rapport).

Un rapport ubuesque sur le plan environnemental

Ce rapport est un non sens sur le plan environnemental, niant l’ensemble des conclusions scientifiques internationales et présentant de manière favorable une pêche qui est en porte-à-faux avec les principes de gestion durable des ressources marines.

La mission n’a finalement pas abordé la prise en compte des impacts de la pêche sur les écosystèmes ou sur les autres espèces. Elle a mis de côté la question des prises accessoires, constituées entre autres de requins menacés d’extinction. Son égarement la pousse même à préconiser de financer sur les fonds publics une démarche de certification écologique des pêches profondes d’Atlantique nord-est alors que 100% des populations de poissons profonds ciblés sont en dehors des limites de sureté biologique !

Alors que les dernières recommandations scientifiques de référence comme celles du Conseil International pour l’Exploration de la Mer (CIEM) préconisent de nouvelles réductions des captures pour 2010, la question de la durabilité économique de ces pêches se pose donc avec encore plus d’acuité. Question que la mission a pris soin d’éviter.

Face à ce constat, les décideurs politiques doivent prendre des décisions majeures et exemplaires

Greenpeace attend maintenant des décideurs politiques français qu’ils prennent acte de cette manipulation et qu’ils fassent preuve d’exemplarité et de courage en accompagnant socialement la fin des pêches profondes françaises.
Au moment même ou la Commissaire européenne à la pêche, Mme Damanaki, demande aux ministres européens de s’engager pour une réforme sérieuse de la Politique Commune de la Pêche (PCP), il serait illogique et coupable de défendre le maintien d’une telle pêche.

Greenpeace demande donc que dans le cadre de la réforme de la PCP : les avis scientifiques aient valeur de référence légale pour la fixation des quotas de pêche, des objectifs contraignants de réduction de la surcapacité des flottes soient pris et que la transparence et la traçabilité dans la gestion des pêches de l’UE soient améliorées.

Certaines grandes surfaces ont d’ailleurs déjà compris que les consommateurs ne souhaitaient plus voir des espèces profondes sur les étals, car issues de pêches non durables. Ils ont donc retiré de la vente certaines espèces profondes : Carrefour (lingue bleue), Casino (lingue bleue et empereur), Leclerc (lingue bleue et requins profonds) et Auchan (requin profond). Mais ils peuvent encore faire mieux, et d’autres n’ont engagé aucune réflexion (Mousquetaires, Système U, Cora).

Il faut également rapidement protéger au moyen de Réserves Marines correctement gérées toutes les zones de haute mer et des eaux communautaires renfermant des monts sous-marins, des canyons et des habitats vulnérables comme les coraux profonds et les éponges.

Pour plus d’informations sur la réalité de la pêche profonde et les raisons de sa non-durabilité écologique et économique, voir la note des ONG, cosignées par Geenpeace, le WWF et l’UICN :Recommandations et pistes d’adaptation

Pour en savoir plus :
La fiche thématique sur la pêche de grand fond
Les espèces de grand fond en danger