Océans

Marché noir, argent sale, course au rendement…Tous les éléments d’un programme scientifique !

Voici plus de détails sur le scandale révélé par Greenpeace au Japon sur le marché noir de viande de baleine

Il s’agit d’un véritable trafic organisé, probablement depuis de nombreuses années, par les équipages du Nishin Maru et de la flottille de chasse, avec la complaisance de l’Institut de recherche des cétacés japonais (ICR) et de la Kyodo senpaku, compagnie propriétaire de la flottille de chasse.

Lorsqu’une baleine est tuée par l’un des navires harponneurs, elle est ensuite hissée sur le pont du navire usine pour y être dépecée et découpée puis conditionnée et congelée. Mais avant cette dernière opération, les meilleurs morceaux sont détournés par les membres d’équipage, principalement ceux chargés de la découpe, mais pas uniquement. Il faut rappeler que le Nishin Maru, qui est un navire de plus de 100 mètres de long, compte près de 150 membres d’équipage. Ces pièces de viande de choix sont alors salées pour fabriquer un « bacon » appelé Unesu puis stockées dans des caisses, dans les cabines des membres de l’équipage. Ce bacon, en fonction de sa qualité qui dépend en partie de la durée de la salaison, se vend au Japon entre 50 et 150 $U S le kilo. Ainsi, c’est près de 300 kg de cette « délicatesse » que la plupart des membres d’équipage rapportent au Japon. On peut estimer le résultat de ce larcin rapporte à chacun entre 15 000 et 45 000 $US par saison.

Petit calcul : 300 kg multiplié par 150 personnes = environ 45 tonnes de viande volée, chiffre qui, bien évidemment, ne figure sur aucun décompte.

Le reste de la viande de baleine, celle qui est déclarée est quant à elle congelée.

En outre, l’ensemble de cette « production » fait l’objet d’une véritable course au rendement : en contradiction avec les protocoles scientifique officiels, les baleines ne sont pas « prélevées « de manières aléatoire afin d’avoir des échantillons de population les plus représentatifs possible, mais systématiquement. Cette frénésie a été poussée à son paroxysme cette année pour arriver à atteindre un quota de 1 000 baleines, en très forte hausse par rapport aux années précédentes. Ce harponnage systématique de toute baleine a conduit a des situations « d’embouteillage », les membres d’équipage n’arrivant pas à conditionner assez vite toutes les baleines abattues. Dans ce cas, il semble que seuls les meilleurs morceaux, probablement ceux destinés à la fabrication du bacon sont prélevés, le reste étant rejeté à l’eau et bien évidemment non comptabilisé dans le décompte des baleines prélevés. Cette course au rendement s’accompagne également d’une dégradation des conditions de travail à bord pendant la saison de chasse.

On est très loin de toute approche scientifique mais plutôt dans des méthodes de course au profit, bref une véritable industrie accompagnée d’un marché noir structuré. Evidemment toute cette filière d’écoulement de la viande issue de la chasse ne peut relever uniquement de la responsabilité de quelques marins avides de profit, abusant d’un programme scientifique. Il s’agit plutôt d’un système rodé que ni l’Agence des pêches, ni l’Institut de recherche des cétacés ou encore la Kyodo Senpaku ne peuvent ignorer.

Toutes ces révélations fournies par des informateurs restés anonymes pour des raisons de sécurité, membres d’équipages ou anciens membres d’équipage ont été croisées et vérifiées. Elles prouvent que le programme de chasse japonais dans l’océan austral est en rupture flagrante avec le moratoire sur la chasse commerciale en vigueur depuis 1986.

Une fois de retour au port, la cargaison « légale », en l’occurrence la viande congelée est très officiellement débarquée, alors que la viande volée, celle destinée au marché noir est débarquée comme bagage des membres d’équipages.

Ainsi, le 15 avril dernier à l’arrivée au port de Tokyo du Nishin Maru, des militants de Greenpeace on pu documenter le chargement de 93 caisses, soi-disant des bagages personnels de l’équipage, dans un camion d’un transporteur privé. Après inspection de celles-ci dans un entrepôt, il a pu être établi qu’elles appartenaient à 23 membres d’équipage et étaient expédiées vers une trentaine de destinations à travers le Japon. Les militants ont ensuite confisqué une de ces boîtes, faisant partie d’un lot de 4, qu’un employé de la Kyodo Senpaku s’était envoyé à son domicile.


Cette boîte contient 23,5 kg de bacon de baleine, d’une valeur estimée entre 1 000 et 3 000 $US. Elle est actuellement à la disposition de la justice japonaise, Greenpeace ayant déposé plainte et demandé une enquête publique.

Face à l’ampleur de ce trafic illégal, il est évident que ni l’Agence des pêches, ni l’Institut de recherche des cétacés ou la Kyodo senpaku n’ont pu ignorer ces pratiques.

Après révélation de ce scandale aux médias, le 15 mai, l’Agence des pêche et l’Institut de recherche ont affirmé qu’il pouvait s’agir de « cadeaux » ou de « souvenirs » destinés aux familles des membres d’équipage et uniquement destinés à la consommation privée.

Ce type de pratique est courant dans le monde de la pêche. En France, elle correspondrait à ce qu’on appelle la godaille. Mais, dans cette affaire, il s’agit de quantités entre 100 et 300 kg. L’argument d’une consommation personnelle ne peut être retenu. D’autant plus que les investigations des militants de Greenpeace ont permis de découvrir que des restaurants et bars de plusieurs villes japonaises proposaient dès le 15 avril de la viande de baleine sous forme de bacon. Cette date correspond au retour de la flotte au port et officiellement, la viande ne peut pourtant pas être commercialisée avant juin. L’enquête de Greenpeace a également permis de découvrir que de nombreux restaurateurs attendaient des lots provenant des membres d’équipage du Nisshin Maru. Il s’agit donc réellement d’un marché noir non seulement institutionnalisé à bord de la flottille, mais également dont les débouchés sont clairement établis, structurés en filière commerciale.

C’est pourquoi Greenpeace demande non seulement une enquête publique face à l’évidence de ces fraudes massives, mais demande également que le gouvernement japonais ne renouvelle pas la licence d’exploitation de la Kyodo Senpaku et qu’il retire à l’Institut de recherche des cétacés son autorisation de chasse à la baleine dans le cadre de son programme dit scientifique et mette fin à toute subvention pour ce même institut.

Ce scandale ne fait que prouver une fois de plus que le Japon doit bien cesser son programme scientifique. Il cache à l’évidence un programme commercial et non scientifique et est donc en contradiction totale avec le moratoire internationale en vigueur depuis 1986. Il est temps, que le gouvernement japonais mette fin définitivement à la chasse industrielle dans les eaux de l’Antarctique.

C’est l’un des enjeux majeurs de la prochaine réunion annuelle de la Commission baleinière internationale (CBI) qui se réunira en juin prochain à Santiago du Chili.

 Vous retrouverez tous les détails de ce scandale de viande volé et de marché noir le rapport – en anglais- de Greenpeace Whales meat scandale, avec en particulier les témoignages de membres ou ancien membres d’équipage du Nisshin Maru relatant l’existence d’un marché noir.