Agriculture

« Les intérêts mercantiles passent avant les craintes légitimes »

La volonté de la Commission européenne d’autoriser la culture de certains maïs transgéniques (Bt 11 et 1507) et de s’opposer aux clauses de sauvegarde prises à l’encontre du MON 810 est symptomatique des dysfonctionnements européens.

Ci dessous, la réaction de Rachel Dujardin, chargée de la campagne OGM de Greenpeace.

L’EXPRESS.FR

Propos recueillis par Sandra Gérard

Que pensez-vous de la décision de la Commission européenne d’autoriser la culture de certains maïs transgéniques?

Nous la dénonçons totalement. La Commission fait passer les intérêts mercantiles avant les craintes légitimes de la population alors qu’on ne sait pas encore exactement quels sont les risques liés aux OGM.

Cette décision est pourtant basée sur l’avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA)…

La Commission européenne s’appuie effectivement sur l’avis scientifique de l’AESA, mais la non-nocivité des OGM n’est pas encore prouvée. La France refuse de suivre les recommandations de l’Autorité puisque d’autres avis scientifiques viennent contrebalancer ses conclusions. Au niveau européen, lors d’un conseil des ministres de l’Environnement en décembre 2008, les pays membres sont tombés d’accord sur le fait qu’il existait des problèmes dans la façon d’évaluer le danger lié aux OGM. Les résultats manqueraient donc de fiabilité. L’AESA elle-même a reconnu ne pas pouvoir encore mesurer leur impact à long terme et avoir besoin de 24 mois pour se réorganiser. C’est ce que nous attendions et nous ne comprenons donc pas pourquoi elle a de nouveau exprimé son avis.

Pour aligner les législations nationales sur la législation européenne, la Commission entend annuler la « clause de sauvegarde » (pour le maïs OGM MON810) chère à la France. Y a-t-il un recours possible?

Malheureusement quand une décision européenne de ce type est prise, elle est très souvent acceptée. Mais chaque membre peut déposer un moratoire à condition d’invoquer une raison valable bien précise. La France pourra toujours trouver un autre argument pour refuser le MON810 tout comme elle pourra le faire pour les sortes de maïs que la Commission souhaite autoriser. Des cas précédents nous ont montré que lorsque la Commission attaque un pays en raison de son moratoire, elle se trouve humiliée et ne va pas jusqu’au bout de sa procédure. En effet, les autres membres refusent, en règle générale, de forcer un voisin à accepter tel OGM quand ils ne voudraient pas eux-mêmes qu’on les oblige à en autoriser une autre sorte sur leur territoire… Nous essayons donc de rester optimistes pour l’année 2009, au moins, d’autant que ce genre de procédure est assez long.

Quelles seront les réactions si ces cultures sont autorisées?

L’autorisation de cultures transgéniques créera une très grande incompréhension de la part des consommateurs qui auront l’impression de ne plus être protégés des risques liés aux OGM. Bien sûr la décision amplifiera l’inquiétude des agriculteurs qui ne souhaitent pas voir leurs cultures, seules sources de revenu, contaminées. D’une manière générale, je pense que l’autorisation de cultiver ce genre de maïs entraînera une grande mobilisation tant de la part des associations que des consommateurs.