EDF, l'ASN. Ces deux acteurs se font face à face ces jours-ci par communication

Climat

Extension de la durée de vie du nucléaire français, les scénarios

EDF, l’ASN. Ces deux acteurs se font face à face ces jours-ci par communications interposées. L’enjeu ? Le débat sur la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires françaises.

EDF a ainsi publié l’évaluation des coûts de cette prolongation (55 milliards d’euros selon elle), alors que Pierre-Franck Chevet, auditionné à l’Assemblée Nationale sur ces mêmes coûts déclarait que l’autorisation du fonctionnement des réacteurs nucléaires français au-delà de 40 ans, limite initialement fixée lors de leur conception, « n’est pas acquise »…

L’âge du parc nucléaire français


EDF a des choix industriels stratégiques à faire. L’électricien semble presque tout miser sur la prolongation de la durée de vie de ses réacteurs nucléaires.

L’option de la prolongation de la durée de vie des réacteurs nucléaires

C’est la trajectoire défendue par EDF depuis plusieurs années : les réacteurs français sont aujourd’hui prévus pour fonctionner au maximum jusqu’à 40 ans, et l’électricien français souhaiterait voir cette durée de vie étendue à 50 voire 60 ans.

Mais ces choix dépendront d’autres acteurs

Le Gouvernement
, en tout premier lieu, doit dessiner les contours de la future loi sur l’énergie cette année et rendre concrète la promesse de François Hollande de ramener la part du nucléaire à 50% de l’électricité d’ici 2025 (tout en baissant notre consommation d’énergie de près d’un tiers en 15 ans).

Mais aussi l’Autorité de Sûreté Nucléaire. En effet, le gendarme du nucléaire français doit se prononcer sur le principe et les conditions d’une prolongation de la durée de vie des réacteurs nucléaires français au-delà de 40ans.

Aujourd’hui les citoyens et parties prenantes disposent de très peu d’informations. De même, les décideurs politiques ne peuvent se baser presque exclusivement que sur les déclarations d’EDF pour éclairer leurs choix qui sont pourtant vitaux, bien au delà des uniques intérêts de l’électricien.

La prolongation : des questions encore sans réponses

  • Est-ce matériellement et techniquement possible de faire marcher ces centrales plus longtemps?
  • Le maintien voire l’élévation des standards de sureté seraient-ils techniquement possibles sur ces installations dont les équipements furent conçus dans les années 70 pour leur immense majorité?
  • A quel prix?
  • Cela ne met-il pas en danger la promesse présidentielle de réduire la part du nucléaire dans notre mix électrique?
  • Quels sont les travaux réellement envisagés par EDF et suffiront-ils ? Comment ont-ils été décidés?
  • Quel sera le processus de décision concernant une éventuelle extension de vie ?

Toutes ces questions restent, aujourd’hui encore sans réponses. Pour tenter d’y voir plus clair, et pour contribuer de nouveau au débat public, Greenpeace a commandé une étude au cabinet Wise Paris, pour aborder les enjeux techniques, économiques et de processus au sujet de l’extension de vie.

Aborder TOUTES les possibilités

Réalisée sur près de 6 mois cette analyse met sur la table 3 scénarios qui pourraient être envisagés pour prolonger les réacteurs français.

Un scénario sûreté dégradée,
le second de sûreté préservée
et enfin, un dernier dit de sûreté renforcée

L’analyse détaillée de la situation du parc nucléaire, du cadre réglementaire, des enjeux de sûreté et des conditions dans lesquelles des prolongations pourraient être envisagées montre que la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaire résulterait d’opérations complexes, potentiellement très coûteuses, et dont la faisabilité ne saurait être garantie.

Selon ces 3 scénarios on constate que le coût de la prolongation pourrait s’échelonner entre 0,8 Md€/réacteur – 2,2Md€/réacteur et aux alentours de 4,5Md€/réacteur.

Ainsi, l’étude montre que les investissements nécessaires à la prolongation des durées de vie pourraient coûter plus de quatre fois plus cher que ce qu’envisage aujourd’hui EDF, si ces exigences devaient se rapprocher sérieusement de celles de nouveaux réacteurs comme l’EPR.

Les raisons d’agir sont nombreuses

Les risques : Même si l’on considère une révision en profondeur du référentiel de sûreté pour tenter d’approcher au plus près des standards des réacteurs de 3 ème génération, il persistera toujours des faiblesses. En effet, l’impossibilité de remplacer les cuves des réacteurs par exemple crée inexorablement un risque auquel aucune solution ne peut être apportée. Cette situation conjuguée à la standardisation extrême du parc nucléaire français place ce dernier devant un risque « d’effet falaise » comme l’a souligné de très nombreuses fois par l’ASN.

Les coûts estimés des différents scénarios et les risques financiers sont liés à l’incertitude : Les investissements à réaliser dans les prochaines années – quels que soient les scénarios de renforcement – sont importants. Or aujourd’hui sachant que la prolongation de la durée de vie des réacteurs n’est pas acquise, il est impossible d’évaluer, dans une logique financière, si ces investissements seraient rentabilisés.

Éviter le « fait accompli » : Soit EDF fait des investissements sans attendre les futures normes de sûreté, mettant les citoyens français devant un « fait accompli », forçant la main aux pouvoirs publics pour accorder l’extension de vie des réacteurs, avec des travaux qui vont coûter des dizaines de milliards d’euros. Soit, si l’Autorité de Sûreté Nucléaire refuse cette prolongation, les investissements anticipés auront été faits à fonds perdus par l’électricien. Il faut éviter ces deux situations.

Et surtout, la meilleure raison d’agir, l’alternative ! Les scénarios énergétiques (ceux de Greenpeace, de négaWatt ou de l’ADEME par exemple) montrent, que si elle est anticipée, la substitution de la puissance nucléaire par une politique ambitieuse de développement des énergies renouvelables et de maîtrise de la demande en électricité peut rapidement se concrétiser.

La future loi de programmation sur l’énergie doit refléter ces constats !

Elle doit établir la limite d’âge de 40 ans comme durée de vie maximum des réacteurs français. Elle doit aussi inscrire un objectif d’au moins 45% de renouvelables en France pour 2030.
Sans ces deux mesures structurantes, il n’y aura pas de vraie transition énergétique en France et aucune ambition européenne pour l’énergie et le climat à moyen termes.