Élevage industriel : un secteur polluant qui doit être régulé lors d’un vote européen !

Agriculture, Eau

Alors que la révision de la directive européenne sur les émissions industrielles doit être votée mercredi 24 mai [1], les débats s’intensifient autour de la place de l’élevage dans cette directive. Greenpeace France appelle les députés et députées européens à voter une directive ambitieuse afin que les émissions de polluants liées à l’élevage industriel soient réduites de façon drastique compte tenu de la crise climatique et environnementale en cours.

Entrée en vigueur en 2010 et actuellement en cours de révision, la directive sur les émissions industrielles a pour objet de réduire les émissions de polluants de l’industrie en Europe. A partir d’un certain nombre d’animaux, les exploitations d’élevage sont considérées comme des exploitations industrielles et font donc partie de cette directive. Les exploitations concernées ont alors un certain nombre d’obligations, dont la mise en place de certaines mesures censées réduire les émissions [2]. La révision de la directive prévoit notamment d’alléger fortement certaines des obligations auxquelles seront soumises ces exploitations industrielles avec la mise en place d’une procédure simplifiée.

La filière bovine doit être incluse dans cette directive européenne
La filière bovine est de loin la plus émettrice de méthane, pourtant elle n’est pour l’instant pas concernée par cette directive européenne, qui ne comprend que les exploitations avicoles et porcines. En France, la réglementation sur les ICPE (Installations classées pour la protection de l’environnement [3]), qui existait préalablement à la directive européenne, inclut toutes les principales filières d’élevage (avicoles, porcines et bovines).

“La directive sur les émissions industrielles ne doit pas être une coquille vide : les seuils d’emplacement pour les animaux aujourd’hui proposés sont trop élevés, déplore Suzanne Dalle, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace. Par exemple, on constate en France que le seuil de 400 vaches laitières correspond à un très petit nombre d’exploitations : entre 5 et 7 au total. Pour que cette directive ait un impact, il faudrait que le seuil ne dépasse pas les 150 vaches laitières car plus les seuils sont élevés, moins il y a d’exploitations concernées – et donc de réduction des émissions et de contrôles associés – alors qu’elles représentent de fait un risque pour l’environnement.

Au niveau de l’Union européenne (UE), un seuil abaissé à 150 unités gros bétail (UGB) et incluant les bovins [4] permettrait de couvrir 185 000 exploitations, c’est-à-dire seulement 7,5% des 2,5 millions d’exploitations d’élevage recensées [5]. Pourtant, ce faible pourcentage d’exploitations industrielles est responsable de 60% des émissions d’ammoniac et de 43% des émissions de méthane du secteur de l’élevage de l’UE (alors que la directive actuelle ne couvre que les élevages industriels responsables de 18% des émissions d’ammoniac et de 3% des émissions de méthane) [6]. L’adoption d’un seuil à 150 UGB incluant les bovins permettrait d’obtenir des bénéfices pour la santé chiffrés à 5,5 milliards d’euros.

“La profession agricole en France revendique une spécificité de l’élevage bovin “familial”, poursuit Suzanne Dalle. Défendre l’inclusion des bovins à un seuil bas, c’est justement défendre cette spécificité face à nos voisins européens et faire le choix d’un élevage bovin de qualité.”

La responsabilité de l’élevage industriel sur les émissions de méthane, ammoniac et nitrates
L’industrialisation de l’élevage a entraîné une surproduction de viandes, d’œufs et de produits laitiers : l’élevage dans son ensemble est ainsi responsable de nombreuses pollutions et contribue significativement au réchauffement climatique. En amont du vote au Parlement européen, Greenpeace France publie aujourd’hui trois notes de décryptage afin de montrer la responsabilité de l’élevage, et notamment des bovins, dans l’excès de méthane, d’ammoniac et de nitrates [7].

  • Près d’un tiers des émissions mondiales de méthane (un puissant gaz à effet de serre) provient de l’élevage, c’est autant que l’ensemble des énergies fossiles réunies. La France n’est pas en reste puisqu’elle est le principal contributeur européen aux émissions de méthane d’origine agricole, l’élevage y représente ainsi 67% des émissions nationales de méthane. Les bovins sont de loin les principaux émetteurs puisque les « rots » des vaches en Europe émettent autant de gaz à effet de serre que 24 millions d’Européens (soit les populations de la Grèce et de la Belgique réunies).

Lire la noteLe méthane réchauffe le climat à plein gaz

  • La surproduction et la concentration de l’élevage en France et en Europe déstabilisent complètement le cycle de l’azote. Ainsi, la production animale en Europe est responsable d’environ 81 % de l’azote d’origine agricole dans les systèmes aquatiques : en France, plus d’un captage d’eau sur dix dépasse le seuil de potabilité des nitrates de 50 mg/L. Par ailleurs, 573 000 tonnes d’ammoniac sont émises dans l’air chaque année en France, alors que l’ammoniac est un précurseur des particules fines. Cette pollution azotée coûte au total à l’Union européenne jusqu’à 320 milliards d’euros par an.

Lire la note “L’abus d’ammoniac est dangereux pour la santé et l’environnement”

Lire la note “Pollution de l’eau aux nitrates : un fléau européen”

Greenpeace a récemment illustré le phénomène d’industrialisation de l’élevage en publiant une carte des fermes-usines sur le territoire français : plus de 3000 méga-fermes ont été recensées, dont près de la moitié en région Bretagne [8]. L’ONG appelle à instaurer un moratoire sur tous les nouveaux projets de création ou d’extension de fermes-usines en France.

 

Notes aux rédactions :
[1] Vote en commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen.
[2] Ces mesures sont appelées MTD pour “meilleures techniques disponibles”.
[3] Définition d’une ICPE : “Toute exploitation industrielle ou agricole susceptible de créer des risques pour les tiers – riverains et/ou de provoquer des pollutions ou nuisances vis-à-vis de l’environnement, est potentiellement une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE).” Source.
[4] Cela correspond au seuil initialement proposé par la Commission européenne. Source.
[5] D’après l’étude d’impact réalisée par la Commission européenne et s’appuyant alors sur les données Eurostat 2016. L’étude d’impact se réfère à un pourcentage plus élevé de 13 % car elle exclut toutes les exploitations de moins de 10 UGB, considérées comme des exploitations de subsistance. Source.
[6] Source : proposition de la Commission européenne
[7] Voir les trois notes de décryptage :
– “Le méthane réchauffe le climat à plein gaz”, Greenpeace France, avril 2023
– “L’abus d’ammoniac est dangereux pour la santé et l’environnement”, Greenpeace France, avril 2023
– “Pollution de l’eau aux nitrates : un fléau européen”, Greenpeace France, avril 2023
[8] Voir communiqué de presse “Elevage industriel : Greenpeace exige un moratoire sur les fermes-usines”, Greenpeace France, 16/05/2023