Élevage industriel : Greenpeace exige un moratoire sur les fermes-usines

Pour illustrer le phénomène de l’industrialisation de l’élevage en France, Greenpeace France publie aujourd’hui une carte des fermes-usines présentes sur le territoire [1]. Cette carte démontre l’hyper-spécialisation en élevage dans le Grand Ouest, où la concentration des animaux et la densité des fermes-usines sont si fortes qu’elles exercent une pression environnementale insoutenable et excessive. Greenpeace dénonce les menaces que représente l’industrialisation de l’élevage non seulement pour notre planète mais aussi pour les agriculteurs et agricultrices, et demande la mise en place d’un moratoire national sur la construction ou l’extension de ces méga-exploitations.

Ces chiffres résument à eux seuls l’ampleur du désastre : environ 60% des animaux d’élevage sont concentrés dans 3010 fermes-usines, qui ne représentent pourtant que 3% des fermes d’élevage [2] ! Plus de 200 millions d’animaux d’élevage peuvent ainsi être actuellement enfermés dans des fermes-usines : certaines d’entre elles peuvent contenir plus d’un million de volailles [3] ! Près de 70% de ces méga-fermes, qui n’ont de ferme que le nom, se concentrent sur 9% seulement du territoire français, dans les régions Bretagne et Pays de la Loire, où peuvent être ainsi entassés jusqu’à 134 millions d’animaux. Cette accumulation d’exploitations et d’animaux a des conséquences environnementales, sociales et sanitaires désastreuses.

« Il est crucial d’amorcer une sortie de l’élevage industriel en instaurant un moratoire sur tous les nouveaux projets de création ou d’extension de fermes-usines en France, explique Sandy Olivar Calvo, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace. Cela permettrait de réduire nos volumes de production et de consommation de produits issus de l’élevage industriel [4]. En parallèle, le gouvernement doit planifier une meilleure répartition de l’élevage sur tout le territoire et soutenir les modèles d’élevages écologiques, au service de la transition agro-écologique [5]. »

L’élevage industriel : un fléau aux multiples conséquences négatives
Que ce soit pour produire de la viande, des œufs ou des produits laitiers, l’élevage industriel ne répond pas à l’objectif essentiel de nourrir le monde durablement, mais aux exigences d’un modèle économique fondé sur la productivité des animaux et le profit. En plus de pénaliser l’existence de fermes à taille humaine, la survie des paysannes et paysans et leur autonomie, les fermes-usines augmentent la pression sur les ressources naturelles.

« Les fermes-usines ont des impacts massifs et délétères sur le climat, la biodiversité ainsi que sur la santé des riverains vivant près de ces méga-installations, détaille Sandy Olivar Calvo. Elles polluent l’air à cause des émissions d’ammoniac, un précurseur des particules fines très néfastes pour notre santé, mais aussi l’eau, puisque la présence excessive de nitrates favorise l’apparition d’algues vertes. Elles aggravent le réchauffement climatique avec les émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre. Pour nourrir ces millions d’animaux, ces usines de production animale ont recours à des importations massives de soja d’Amérique du Sud, qui contribuent à la destruction des forêts tropicales qui rejettent ainsi massivement des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Par ailleurs, le confinement des animaux augmente le risque de zoonoses et accentue le phénomène d’antibiorésistance. »

Un agenda chargé en matière de politiques publiques agricoles
La publication de cette carte intervient alors que les concertations sur une future loi d’orientation agricole sont en cours [6]. Sans remise en cause fondamentale de notre système d’élevage, et plus largement notre système alimentaire et agricole, cette loi sera un échec face à l’urgence de changer drastiquement de modèle d’élevage qui est confronté à de multiples crises sociale, économique, sanitaire et environnementale.

« Il faut aujourd’hui remettre de l’agronomie dans nos systèmes agricoles en favorisant les systèmes de polyculture-élevage, poursuit Sandy Olivar Calvo. La diversification est la clé pour des systèmes résilients, c’est pourquoi le gouvernement doit subventionner l’élevage écologique et soutenir davantage la production de fruits et légumes frais biologiques, tout en développant la production de légumes secs pour l’alimentation humaine. C’est le seul moyen de garantir demain notre souveraineté alimentaire. »

À l’échelle européenne, l’industrialisation de l’élevage fait également débat car la directive sur les émissions industrielles, qui concerne aussi les installations d’élevage, sera votée dans les prochains jours [7]. Alors que la réglementation des ICPE en France inclut toutes les filières, la filière bovine, qui est de loin la plus émettrice de gaz à effet de serre, n’est pour l’instant pas concernée par cette directive européenne. Greenpeace suit d’ores et déjà de près ces négociations puisque les conséquences néfastes de l’élevage industriel existent aussi dans d’autres pays d’Europe.

 

Notes aux rédactions :
[1] Pour comptabiliser les fermes-usines présentes sur le territoire, Greenpeace s’est appuyée sur la base de données des “installations classées pour la protection de l’environnement” (ICPE) soumises à autorisation, c’est-à-dire celles qui doivent obligatoirement obtenir une autorisation préfectorale et faire l’objet d’une enquête publique car susceptibles de présenter un danger pour l’environnement. Cette base de données a été fournie par le ministère de la Transition écologique en janvier 2023 : Greenpeace alerte sur le fait que le fichier a dû faire l’objet de nombreux traitements correctifs manuels car nous avons observé de nombreuses erreurs et incohérences. Greenpeace déplore le fait que le MTES ne soit pas en capacité de d’avoir des données précises, actualisées et correctes sur les ICPE, qui sont par définition des installations potentiellement dangereuses pour l’environnement.
[2] Sources : base de données des ICPE d’élevage transmise par le ministère de la Transition écologique en janvier 2023, GraphAgri 2022, note du ministère de l’Agriculture intitulée « Le bien-être et la protection des volailles de chair« , fiche technique sur le poulet de chair du Point Vétérinaire.
[3] Il existe plus de 200 millions d’emplacements pour des animaux d’élevage dans les 3010 fermes-usines recensées.
[4] Comme le GIEC l’a récemment rappelé dans sa synthèse, il est impératif d’adopter un mode alimentaire sain et durable, qui nécessite une diminution drastique des produits carnés.
[5] Greenpeace soutient et défend un modèle d’élevage local, indépendant et écologique, c’est-à-dire un modèle d’élevage qui respecte les agriculteurs et agricultrices, crée des emplois, garantit le bien-être animal et protège les écosystèmes, la biodiversité, le climat et notre santé. Voir tribune collective “Pas d’agriculture sans élevage !”, Ouest-France, 27/02/2023.
[6] Voir communiqué de presse du Collectif Nourrir , 10/05/2023.
[7] Entrée en vigueur en 2010 et actuellement en cours de révision, la directive sur les émissions industrielles a pour objet de réduire les émissions associées aux installations industrielles dont les installations d’élevage. Elle doit être votée le 24 mai prochain en commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen.