Bois illégal : premiers procès en France

Forêts

C’est une première en France. Le 7 juin, une entreprise va comparaître devant le tribunal correctionnel de Châteauroux [1] pour délit de manquement au système de diligence raisonnée, suite à une plainte déposée en 2019 par Greenpeace France rejointe par deux autres parties civiles, France Nature Environnement et Canopée.

Il est reproché à l’entreprise de n’ avoir ni évalué ni réduit les risques d’importation de bois illégal depuis une zone sensible dans l’État du Pará, au Brésil, notamment de n’avoir pas effectué de recherche préalable sur certains fournisseurs ni aucune vérification de terrain, ou de ne pas avoir pris en compte des informations publiques existantes sur les risques de fraude dans cette zone.

Le Règlement sur le bois de l’UE (“RBUE”), entré en application dans les États membres le 3 mars 2013, vise à écarter du marché communautaire le bois et les produits dérivés issus d’une récolte illégale. Il fixe des obligations aux opérateurs (importateurs, exploitants forestiers, scieries, négociants, etc.) qui commercialisent du bois et des produits dérivés, et vise ainsi à bannir le bois illégal du marché européen.

Depuis 2013, Greenpeace a signalé de nombreux chargements de bois importés jugés illégaux, principalement de la République démocratique du Congo (RDC) et du Brésil. Or les contrôles de l’Administration concluent sur ces entreprises à leur “conformité” au RBUE. Dans chacun de ces dossiers, les contrôles opérés par les services des préfectures, les Directions Régionales de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DRAAF), ont été lacunaires et leurs conclusions, qui ne portent que sur quelques exemples d’importations et ne présument en rien leur légalité, sont toujours « favorables » aux sociétés.

« Les contrôles actuels sont trop dépendants des préfectures et dépourvus de moyens suffisants, leurs conclusions ne sont pas fiables. Grâce au travail d’investigation de terrain de Greenpeace mené avec des chercheurs et l’Ibama (agence environnementale brésilienne), Greenpeace a porté plainte contre deux importateurs français qui ont fait preuve de graves négligences dans leurs chaînes d’approvisionnement de bois Ipé depuis une zone à risques », souligne Laura Monnier, juriste pour Greenpeace France.

Une deuxième audience se tiendra à Rennes contre un second importateur [2]. Ces deux plaintes ont débouché sur des enquêtes préliminaires menées par la police de Rennes et la gendarmerie de La Châtre, avec l’assistance de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) et l’Office français de la biodiversité (OFB).

Ces premières décisions seront essentielles car elles s’inscrivent dans un contexte juridique français et européen où la gestion des risques et les comportements fautifs ou délictuels des entreprises sont de plus en plus contestés devant les tribunaux par la société civile.
Concrètement, les juges devront analyser si les mesures prises par les entreprises, compte tenu des risques d’illégalité de ces importations, sont conformes au RBUE.

« Ces procès qui vont se multiplier visent à faire appliquer le droit qui contraint davantage les  sociétés qui importent des produits contribuant à la destruction de l’environnement. Ils devraient permettre d’envoyer un signal dans le secteur professionnel du commerce du bois en rappelant l’obligation d’appliquer le RBUE et, qu’à défaut, des sanctions pénales peuvent être prononcées », ajoute Laura Monnier.

Notes aux rédactions

[1] L’audience au tribunal correctionnel de Châteauroux où l’entreprise Pierre ROBERT & CIE est prévenue aura lieu le 7 juin 2023 à 13h30.
[2] L’audience au tribunal correctionnel de Rennes où l’entreprise ISB FRANCE est prévenue aura lieu le 19 juin 2023 à 14h.
[3] Dossier de presse complet disponible ici