[Action] Greenpeace déverse deux tonnes de lisier devant le ministère de l’Agriculture pour exiger un moratoire sur les fermes-usines

Alors que la loi d’orientation et d’avenir agricoles est à nouveau reportée à une date indéterminée, des activistes de Greenpeace France ont déversé deux tonnes de lisier devant le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire pour exiger un moratoire sur la construction et l’agrandissement des fermes-usines et replacer la transition de l’élevage au cœur de ce dispositif législatif [1].

A 09H ce matin, une quinzaine d’activistes ont déversé deux tonnes de lisier devant l’entrée du ministère de l’Agriculture, à Paris. Sur un camion où sont enfermés des activistes portants des masques de volailles, symbolisant l’entassement des animaux dans les fermes-usines, un panneau indique « Fermes-usines : un moratoire, vite ! ». D’autres activistes, juchés sur un camion, tenaient des panneaux renommant le lieu en « Ministère de l’agro-industrie » et portant l’inscription « Méga-fermes = eau + air pollués ». Une bétaillère contenant un cochon gonflable géant et des fûts remplis d’algues vertes, symboles de l’industrialisation de l’élevage, sont disposés devant l’entrée.

Ce dispositif fait référence aux multiples conséquences délétères des fermes-usines, en particulier sur l’environnement, et pointe la responsabilité directe du ministère de l’Agriculture : les politiques publiques actuelles, en faveur de l’industrialisation de l’élevage, contribuent activement à l’essor des fermes-usines en France, au détriment des modèles d’élevages écologiques et paysans [2].

Action contre les fermes-usines devant le ministère de l’Agriculture, le 20 novembre 2023

📷 Des photos et vidéos de l’action sont disponibles au fur et à mesure ici. © Claire Jaillard / Greenpeace 📷

« Nous sommes ici pour dénoncer le modèle d’élevage industriel qui, face à la crise environnementale et climatique, doit faire l’objet d’une profonde transformation, explique Sandy Olivar Calvo, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace France. Cette refonte commence par la mise en place d’un moratoire sur tous les nouveaux projets de construction ou d’extension de fermes-usines en France, nécessaire pour déployer d’autres modèles d’élevage sur le territoire. »

Les fermes-usines ont de multiples conséquences négatives : émissions de gaz à effet de serre, pollution de l’eau par les nitrates qui favorisent par exemple la prolifération d’algues vertes, pollution de l’air par les émissions d’ammoniac, risques sanitaires pour les riverains et les animaux, perte d’autonomie des éleveurs et éleveuses… [3 et 4]. Pourtant, une autre forme d’élevage, qu’il faut soutenir et défendre, est possible et existe en France : un élevage écologique et paysan, adapté à son territoire, qui respecte les limites planétaires, basé sur les pratiques de l’agroécologie et qui permet l’autonomie des paysans. Pour Greenpeace, le monde agricole a besoin de plus d’éleveurs et d’éleveuses, pas de l’agro-industrie et de ses usines mortifères [5].

PLOAA : un échec pour la transition agroécologique ?

Emmanuel Macron a annoncé il y a plus d’un an un grand « pacte et loi d’orientation et d’avenir agricoles » (PLOAA) : Greenpeace déplore que le gouvernement réduise à peau de chagrin les ambitions en matière de transition, notamment sur le secteur de l’élevage qui risque d’être le grand oublié. L’essentiel des mesures vont probablement être rassemblées dans le “pacte”, qui ne sera pas discuté au Parlement. Greenpeace exige que la loi soumise à l’Assemblée nationale soit le pilier central de cette politique.

« Malgré des mois de concertations entre la société civile et le ministère, force est de constater que le processus démocratique n’est tout simplement pas respecté : nous demandons à avoir accès au contenu de ce « pacte », élaboré sans consultation de la société civile, dénonce Sandy Olivar Calvo. La dépriorisation de cette loi, aux enjeux cruciaux, est symptomatique du cruel manque d’ambition du gouvernement en matière de transition agricole et alimentaire. Nous exigeons que cette loi intègre la transition de l’élevage, qui est au cœur de la transition agroécologique. Elle doit être planifiée et accompagnée, au risque d’assister passivement à la disparition progressive des élevages les plus vertueux au profit d’exploitations industrielles, dont le nombre continue d’augmenter. Si le gouvernement souhaite réellement soutenir les agriculteurs, et voir de plus en plus d’éleveurs et d’éleveuses sur notre territoire, il est nécessaire d’amorcer une sortie de l’élevage industriel en France. »

Des actions simultanées dans toute la France

Des centaines de militants et militantes sont également mobilisées aujourd’hui devant 22 préfectures sur tout le territoire français avec des banderoles « Fermes-usines : ni ici, ni ailleurs » ou encore « Méga-fermes = eau + air pollués », en référence aux 3010 fermes-usines situées sur le territoire français et à leurs impacts néfastes. Ce sont en effet les préfets qui délivrent les autorisations pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) d’élevage soumises au plus haut régime de classification. Près de 70% de ces fermes-usines sont situées en Bretagne et dans les Pays de la Loire : la densité des fermes-usines et la concentration des animaux y sont si fortes qu’elles exercent une pression environnementale excessive, à l’origine de la prolifération des algues vertes sur les côtes bretonnes [6].

Les citoyennes et citoyens peuvent aussi faire entendre leurs voix en signant une pétition lancée par Greenpeace et rassemblant déjà plus de 150 000 personnes [7].

Notes aux rédactions :

[1] Voir “Élevage industriel : Greenpeace exige un moratoire sur les fermes-usines”, communiqué de presse de Greenpeace France, 16/05/2023.

[2] Voir la carte des fermes-usines en France (Greenpeace, mai 2023). Pour quantifier les fermes-usines, il est intéressant de regarder les “installations classées pour la protection de l’environnement” (ICPE) d’élevages bovins, porcins et de volailles qui sont soumises à autorisation et en fonctionnement : ce sont les ICPE qui correspondent au plus haut niveau de classification, c’est-à-dire celles qui doivent obligatoirement obtenir une autorisation préfectorale et faire l’objet d’une enquête publique en raison des impacts massifs qu’elles peuvent avoir sur l’eau, l’air, les sols, et des dangers qu’elles peuvent présenter pour l’environnement. Leur densité sur un territoire accentue d’autant plus cette pression environnementale. Source : « Tout savoir sur les ICPE », site du ministère de la Transition écologique, mars 2023

[3] Voir “Élevage en France : des fermes, pas des usines !”, dossier de presse de Greenpeace France, 05/2023

[4] Voir les trois notes de décryptage :

“Le méthane réchauffe le climat à plein gaz”, Greenpeace France, avril 2023

“L’abus d’ammoniac est dangereux pour la santé et l’environnement”, Greenpeace France, avril 2023

“Pollution de l’eau aux nitrates : un fléau européen”, Greenpeace France, avril 2023

[5] Voir “Pas d’agriculture sans élevage !”, tribune collective publiée dans Ouest-France, 27/02/2023.

[6] La prolifération d’algues vertes sur les côtes bretonnes est directement liée à l’industrialisation de l’élevage : les élevages industriels, en raison du nombre trop important d’animaux qu’ils comportent, répandent de fortes quantités d’azote sur les sols, qui se transforment en nitrates dans les rivières et cours d’eau. Cette concentration excessive de nitrates génère ces algues vertes, et leur décomposition dégage un gaz extrêmement toxique, pouvant être mortel pour l’homme en quelques minutes d’inhalation : l’hydrogène sulfuré (H2S)

[7] Pétition « Dites non aux fermes-usines en France ! », Greenpeace France