Alors que le gouvernement français promettait d’agir pour aider les agriculteurs et agricultrices, force est de constater que les mesures proposées ne vont profiter qu’à l’agrobusiness. Les paysans et l’environnement sont purement et simplement sacrifiés.

Agriculture

Crise agricole : en coulisse, le gouvernement sacrifie l’environnement et les paysans

Alors que le gouvernement français promettait d’agir pour aider les agriculteurs et agricultrices, force est de constater que les mesures proposées ne vont profiter qu’à l’agrobusiness. Les paysans et l’environnement sont purement et simplement sacrifiés.

Au lendemain du mouvement de contestation des agriculteurs et agricultrices, les mobilisations sont moins visibles mais la crise agricole et le mal-être paysan n’ont pas disparu.

Le gouvernement s’est engagé à proposer des mesures fortes pour protéger les agriculteurs mais le constat est déjà amer et sans équivoque : l’environnement et les paysans et paysannes sont sacrifié·es au profit d’une industrialisation et d’une libéralisation toujours plus poussée de l’agriculture, souhaitées par le gouvernement français et l’agro-industrie. 

1. Depuis la crise agricole : sacrifices, reculs et renoncements.

2. Une autre forme d’agriculture est possible !

3. Face à ces reculs majeurs, comment agir?

Action de militants écologistes de Greenpeace de soutien aux agriculteurs à Paris, face à la crise agricole

 

Depuis la crise agricole : sacrifices, reculs et renoncements.

En catimini, le gouvernement détricote tous les acquis environnementaux de façon catastrophique et plonge les agriculteurs, les agricultrices et les consommateurs et consommatrices dans un futur insoutenable. Voici quelques exemples de cette politique agricole à contre-courant :

Politique agricole commune (PAC) : l’environnement et l’agriculture sacrifiés en Europe

Alors que la PAC est l’une des plus importantes politiques communes de l’Union européenne, une procédure d’urgence a été votée début avril 2024, entraînant la suppression définitive des principales exigences visant à protéger l’environnement en agriculture. 

Ce détricotage de la PAC, soutenu par le ministre de l’Agriculture français, Marc Fesneau, est aux antipodes des enjeux climatiques et met sérieusement en péril l’engagement de l’UE à consacrer au moins 30 % de son budget à la lutte contre la crise climatique. En supprimant les exigences environnementales et au nom d’une prétendue « simplification » de la PAC, l’UE et la France sabotent complètement l’objectif de neutralité climatique de l’UE pour 2030. 

Concrètement, ce détricotage signifie que toutes les fermes de moins de dix hectares seront désormais exemptées de contrôles et de sanctions liées aux règles environnementales. Cela représente près de 17 millions d’hectares de terres dans l’Union européenne, soit l’équivalent de toutes les terres agricoles de l’Allemagne, qui seront exclues de toute forme de contrôle. Par ailleurs, les agriculteurs et agricultrices ne seront plus incité·es à appliquer des pratiques qui favorisent la biodiversité : ils et elles seront autorisé·es, entre autres,  à  cultiver  et  à  utiliser  des  pesticides  sur  les  4 %  de  leurs  terres  initialement réservées à la biodiversité.

Cette prétendue « simplification » de la PAC empêchera toute transition vers une agriculture durable qui est pourtant un pilier de la lutte contre le changement climatique. Elle met gravement en danger les agriculteurs et les agricultrices qui sont déjà, et resteront dans les prochaines années, les premières victimes du dérèglement climatique. Elle nous rendra également tous et toutes plus vulnérables aux conditions météorologiques extrêmes qui détruisent les récoltes et les moyens de subsistance.

En plus d’être un cadeau empoisonné pour les agriculteurs et les agricultrices, cette procédure d’urgence qui a mené au détricotage de la PAC est illégale et anti-démocratique car sans véritable fondements. En effet, aucun argument ni aucune preuve valable n’ont été fournis pour justifier le fait que supprimer immédiatement les exigences environnementales permettrait de répondre aux difficultés des agriculteurs.
De plus, la PAC est réformée tous les sept ans et les négociations ont pour habitude de débuter plusieurs années en amont. La PAC actée pour 2023-2027 a ainsi été négociée pendant plus de trois ans. Or, cette procédure d’urgence a modifié des éléments majeurs de la politique agricole commune en seulement quelques semaines. C’est un processus très inquiétant sans concertation élargie ou consultation publique et qui empêche tout débat démocratique. 

En soutenant cette procédure d’urgence visant à reculer sur les acquis concernant les normes environnementales et alors que le monde agricole subit une crise profonde, la France participe en catimini à l’accélération de l’effondrement du monde paysan et sacrifie l’environnement pour satisfaire l’agro-industrie

Grande loi d’orientation agricole (LOA) : le gouvernement français à la botte de la FNSEA et de l’agrobusiness

Au niveau national, le gouvernement d’Emmanuel Macron avait promis au début de son quinquennat « une grande loi agricole » pour relever les défis de l’agriculture en France. Cette déclaration s’est notamment concrétisée par la mise en place d’un PACTE dont le contenu à été réduit à peau de chagrin, et par la très attendue loi d’orientation agricole (LOA) dont les contours devaient être présentés en 2023, puis débattus à l’Assemblée nationale dans la foulée. 

Après des mois de concertations illusoires entre la société civile et le ministère de l’Agriculture, la LOA a enfin été soumise au Conseil des ministres en avril 2024. Cette loi devait répondre à l’immense défi du renouvellement des générations agricoles et à celui de la transition agroécologique face au réchauffement climatique. Malheureusement, le constat est sans appel : le ministère de l’Agriculture, à travers ce projet de loi, s’acharne à vouloir industrialiser le secteur agricole au profit de l’agrobusiness, quitte à laisser de côté les paysans, les paysannes et l’environnement. 

Parmi les propositions du projet de loi, certains articles sont particulièrement inquiétants : 

  • Par exemple, l’article 1 du projet de loi propose d’inscrire que « l’agriculture, la pêche, l’aquaculture et l’alimentation sont d’intérêt général majeur » tant qu’elles « garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux ». En d’autres termes, cela consiste à dire que le plus important est de produire : peu importe comment, peu importe pour quoi. 

La volonté politique du gouvernement est très claire : favoriser la mise en place de projets industriels aux impacts environnementaux majeurs tels que les mégabassines. Via cet article, le gouvernement fournit un motif pour déroger à l’application de certaines législations environnementales pour produire plus et ce, quelles qu’en soient les conséquences. 

Ce tour de passe-passe autour de la notion de souveraineté alimentaire est particulièrement dangereux. La notion actuellement proposée ne correspond pas à celle des Nations unies.Derrière cette bonne volonté de façade, le gouvernement dénature et manipule la notion de souveraineté alimentaire en omettant des dimensions centrales : le respect des droits des paysans et du droit à l’alimentation, la priorité donnée à une production agricole plus locale et à une alimentation de proximité, la nécessité de maîtriser l’impact de nos exportations et importations sur les pays tiers ou encore le développement de l’agroécologie.

La souveraineté alimentaire telle que présentée par le gouvernement ne s’interroge pas du tout sur la destination des productions agricoles et notre dépendance à certaines importations comme le soja pour l’alimentation animale. Aujourd’hui, une grande partie de ce que l’on produit sert à nourrir les animaux ou à remplir les réservoirs des voitures. En 2016 par exemple, 24 % seulement des céréales ont servi à nourrir directement l’humanité. 

En clair, en utilisant de manière fallacieuse le terme de « souveraineté alimentaire », le gouvernement cherche en réalité uniquement à favoriser une production agro-industrielle, qui va elle-même contribuer encore plus au réchauffement climatique. La conséquence d’une telle loi serait catastrophique.

  • Un autre article du projet de loi, l’article 15, est particulièrement alarmant puisqu’il permettrait d’accélérer la construction de fermes-usines et de mégabassines en France en rendant quasi impossibles les victoires sur certains recours juridiques contre ces méga-projets.

Avec un tel article de loi, le gouvernement veut accélérer la prise de décision en cas de contentieux contre des projets de fermes-usines ou de méga-bassines. Il permettrait en effet de raccourcir les délais des procédures administratives au détriment des associations et des riverains qui auraient moins de temps pour rassembler et présenter des arguments concernant les risques environnementaux et sanitaires de certains projets agricoles. Le juge aurait aussi, de fait, moins de temps pour se faire une idée claire sur la situation.

Pour l’instant, cette loi d’orientation agricole est à l’étape de projet de loi et les débats débuteront à l’Assemblée nationale mi-mai 2024. Greenpeace s’oppose fermement à cette version du projet de loi et appelle les parlementaires à la modifier radicalement. Pour cela, les citoyens et les citoyennes peuvent aussi agir !

 

Une autre forme d’agriculture est possible !

En perpétuant un modèle agricole insoutenable, le gouvernement nous mène droit dans le mur et se moque des agriculteurs et des agricultrices. Il profite de leur colère pour satisfaire l’agro-industrie et les engage dans un avenir incertain. 

Il est urgent de transformer notre agriculture et de l’orienter vers des modèles durables, notamment en installant des élevages paysans et écologiques plutôt que des projets d’agriculture industrielle. Il est crucial de redonner un cap clair pour l’installation, la transmission et la transition agroécologique, et d’accompagner pleinement les agriculteurs et agricultrices dans cette transition. Pour cela, il est également nécessaire d’agir pour améliorer structurellement les revenus des paysans et paysannes, notamment par la mise en place de prix planchers ; c’est-à-dire l’interdiction de la vente de produits agricoles en dessous des prix de revient, l’instauration de prix minimums d’entrée des produits importés, et l’encadrement strict des marges des intermédiaires, notamment de la grande distribution.

 

Face à ces reculs majeurs, comment agir?

Les mesures prises par le gouvernement en catimini sont honteuses. Dans ce contexte, il est parfois difficile de savoir comment soutenir les agriculteurs et les agricultrices. 

Chez Greenpeace, nous pensons que la première étape pour agir,  c’est l’information. C’est pourquoi nous avons décidé de créer une chaîne WhatsApp 100 % dédiée à l’agriculture pour vous informer en temps réel des dernières informations sur la crise agricole et agir ensemble !

Ce groupe a pour vocation de décrypter l’actualité sur l’agriculture et de vous donner les clefs pour agir avec nous en vous proposant des idées concrètes de mobilisations. 

Si vous avez des difficultés à rejoindre la chaîne WhatsApp ou que vous hésitez encore à le faire, n’hésitez pas à consulter notre page dédiée.

Ne nous laissons pas avoir par les discours trompeurs et simplistes du gouvernement et agissons !

 

Crédit photo © Sonja Och