Canada et Russie : les forêts boréales en danger

Forêts

La forêt boréale (ou taïga) pousse dans les régions froides de l’hémisphère Nord. Elle est constituée de conifères qui résistent au froid, comme l’épicéa et le sapin. Elle est essentielle à l’équilibre planétaire. Et trop souvent malmenée, comme au Canada ou en Russie.

La forêt boréale du Canada

Un trésor unique, vaste retenue de carbone

La forêt boréale du Canada est l’une des dernières grandes forêts intactes du monde.

Une nature sauvage s’y exprime dans toute sa diversité – le grizzly et les ours noirs, les gloutons, les loups, le lynx, l’orignal et l’insaisissable caribou forestier errent à travers les vastes territoires nordiques. La forêt boréale procure des lieux de nidification à plus d’un milliard d’oiseaux et ses vastes étendues contiennent la plus grande réserve d’eau douce mondiale et 25 % des zones humides du monde entier.

Plus de 600 communautés des Premières Nations dépendent de la Forêt boréale – la majeure partie de celle-ci est reconnue comme faisant partie de leurs territoires traditionnels. Plusieurs de ces communautés comptent sur la forêt pour chasser, pêcher et cueillir des herbes médicinales (fait établi et reconnu par la Constitution canadienne). Mais, historiquement, les Premières Nations n’ont récolté que peu de bénéfices économiques de leurs forêts et plusieurs d’entre elles ne sont pas impliquées dans les prises de décision les concernant.

La forêt boréale est aussi le plus vaste entrepôt terrestre de carbone au monde puisque il stocke plus de 200 milliards de tonnes dans ses arbres, ses sols et ses zones humides – l’équivalent de plus de 26 années d’émissions de carbone (niveaux 2006) provenant de l’utilisation des énergies fossiles par les humains.

Une richesse convoitée, une situation critique

Problème : la majeure partie de ces territoires forestiers a été allouée à des papetiers industriels, qui s’empressent d’opérer de vastes coupes à blanc. Plus de 90 % des forêts québécoises allouées ont été coupées ou fragmentées. Les mesures de protection sont minimales et les territoires vierges, rares et vulnérables, doivent faire face à une menace croissante. Leur destin est précaire.

Reconnaissant l’urgence de la situation, Greenpeace a demandé en 2012 à Global Forest Watch Canada d’analyser certains des derniers grands territoires intacts de la Forêt boréale canadienne ouverts à l’exploitation forestière.

Cinq zones de forêts, riches d’une valeur écologique inestimable, ont été identifiées comme étant sévèrement menacées par une exploitation industrielle croissante.  La plus grande compagnie forestière au Canada, Produits forestiers Résolu, exploite plusieurs de ces territoires et prélève le bois pour en extraire la pulpe, le papier et les produits dérivés du bois. Ces opérations contestées par plusieurs des communautés des Premières Nations dégradent et affaiblissent l’habitat du caribou forestier et fragmentent ces forêts en péril.

Fort McMurray, dévoreur de climat et de forêt

La ville de Fort McMurray, au cœur de la forêt boréale, est aussi le symbole de cette avidité qui met en péril une biodiversité essentielle. Exploitant la plus grande réserve de sable bitumineux au monde, ses installations ont pris feu en 2016, provoquant un incendie cataclysmique qui a ravagé 5896 km² de forêts… 100 000 personnes ont dû fuir au plus vite et les dommages ont été évalués à 3,58 milliards de dollars canadiens. Extraire du pétrole non conventionnel est de toute façon une hérésie pour le climat. C’est aussi une folie au regard du danger que cela fait planer sur la forêt.

Une piste de solutions pour les forêts menacées

Cependant, il y a de l’espoir : des solutions existent, en harmonie avec les peuples, les communautés, la vie de la flore, de la faune et les compagnies forestières.

Avec seulement 10,7 % des territoires forestiers du Canada alloués au secteur forestier, nous savons qu’il est vital d’installer un vaste réseau de territoires protégés et de zones de conservation – incluant des portions de ces forêts menacées – en vue de préserver la santé de la forêt boréale.

Nous croyons que les Premières Nations, les gouvernements provinciaux, les gestionnaires d’entreprises forestières, les syndicats et les organismes environnementaux doivent coopérer afin d’engendrer ces solutions. Comme ce défi est grand, nous croyons que la coupe à blanc et la construction de routes dans les zones à risque des forêts menacées doivent être arrêtées momentanément en vue de créer un espace pour l’arrivée de solutions innovatrices.

Le cas symbolique de la Forêt du Grand Ours

Longeant la côte continentale de la Colombie-Britannique, des îles Discovery jusqu’à la magnifique forêt pluviale Tongass en Alaska, la forêt du Grand Ours est l’une des dernières vastes étendues de forêt pluviale tempérée encore intacte sur la planète. Cette forêt était menacée par les industries forestière et minière dans les années 1990 durant lesquelles la destruction de l’habitat naturel d’ours, d’aigles et de saumons au sein des territoires traditionnels non cédés des Premières Nations s’est accélérée, alors que les chefs et gouvernements n’avaient pas leurs mots à dire dans les décisions qui touchaient leurs communautés et territoires.

Pendant deux décennies, Greenpeace et d’autres organisations alliées, ainsi que les Premières Nations, se sont battues pour qu’une série d’accords de conservation de la forêt voient le jour. D’abord annoncés par le gouvernement de la Colombie-Britannique en février 2006, les accords sur la forêt du Grand Ours se donnèrent deux objectifs :

1. Atteindre 70 % de protection des forêts anciennes

2. Améliorer le bien-être des communautés.

En 2009, seulement 50 % de protection avait été atteinte. Les objectifs des accords ont été atteints en 2016 avec la mise de côté de 85 % du territoire boisé, une superficie équivalant à l’île de Vancouver, désormais à l’abri du déboisement. En plus de bénéficier de lois contraignantes sur l’exploitation forestière pour le 15 % de superficie restante et pour un réseau étendu d’aires protégées, les gouvernements des Premières Nations seront dorénavant entendus dans toute décision quant à l’utilisation de leur territoire traditionnel. Leur part dans le partage des recettes avec le gouvernement de la Colombie-Britannique sera également augmentée.

La forêt boréale russe

Le plus grand stockage de carbone du monde

La forêt boréale russe joue un rôle clé dans l’équilibre planétaire. Une étude a révélé que la moitié du carbone mondial est stockée sur terre, dans la région du permafrost, dont les deux tiers sont en Russie. Les forêts boréales seraient la meilleure défense de notre planète. Mais ce carbone que la forêt retient, la déforestation risque de le libérer.

De plus, selon les prévisions actuelles, la planète va se réchauffer de trois à quatre degrés d’ici un siècle (si rien n’est entrepris sérieusement), et les températures des régions boréales augmenteront de 8 à 12 degrés et 90 % du permafrost fondrait, libérant du coup le carbone dans l’atmosphère.

Et raison de plus pour en prendre soin : les forêts anciennes continuent d’accumuler le carbone, même si elles sont malmenées. Pas moins de 500 millions de tonnes carbone par an soit 1/5 de l’absorption sur la planète !

Éviter le pire demain, fixer des lois dès aujourd’hui

Si les forêts boréales lointaines ne semblent pas réellement menacées à l’heure actuelle, la pression va augmenter à mesure que le climat va se réchauffer et que le travail deviendra plus facile dans ces régions (même cas de figure que l’Arctique).

Des 4,6 millions de km² de forêts boréales russes, l’abattage est interdit sur seulement 620 000 km², et limité sur 934 000 km². Le long des frontières avec la Finlande et la Chine, qui ont un grand appétit pour le bois de construction, les restes des incendies volontaires représentent la moitié de la moisson légale. Car selon la loi russe, une zone protégée qui a brûlé (les gros troncs sont généralement intacts) peut être exploitée commercialement.
Il est temps donc, avant que les appétits ne deviennent trop destructeurs, de préserver ces forêts.

Les grands incendies de 2016

Chaque été, des feux de forêts se déclenchent dans les vastes étendues de Sibérie mais les agences gouvernementales russes, en manque de financements, ont de plus en plus de difficultés à les contenir. Dans certaines régions, les gens refusent de travailler parce qu’ils n’ont pas été payé pour leur activité contre les feux de l’année précédente. En 2016, les incendies aggravés par le changement climatique ont ravagé d’immenses espaces boisés. Ce sont près de sept millions d’hectare qui ont déjà brûlé.

Même si les autorités continuent à minimiser le phénomène, certains experts affirment pourtant que la Russie est train de perdre son patrimoine forestier, en particulier dans le nord de la Sibérie, où les feux brûlent des arbres aux racines peu profondes – ce qui signifie qu’ils ne pourront plus repousser pendant plusieurs siècles.

En Russie, 43 millions d’hectares de forêt sous la protection de l’agence forestière ont disparu entre 2000 et 2011, principalement dans le Grand Nord du pays.

Ce phénomène, combiné à l’augmentation des feux de forêt, pourrait altérer le rôle de la Russie comme puits de carbone, alors qu’elle est actuellement le second puits le plus important au monde, après les forêts tropicales.