En Europe, près de la moitié de l'huile de palme importée est utilisée pour du carburant. C’est même désormais son utilisation première en Europe. Au moment où la France est censée construire une stratégie solide pour lutter contre la déforestation importée, le gouvernement s'apprête à donner le feu vert à Total pour un projet de bioraffinerie dans le sud de la France qui fera exploser la demande d'huile de palme et ravagera des forêts entières à l'autre bout du monde.

Forêts

Agrocarburants : la France à contresens sur la protection des forêts

En Europe, près de la moitié de l'huile de palme importée est utilisée pour du carburant. C’est même désormais son utilisation première en Europe. Au moment où la France est censée construire une stratégie solide pour lutter contre la déforestation importée, le gouvernement s'apprête à donner le feu vert à Total pour un projet de bioraffinerie dans le sud de la France qui fera exploser la demande d'huile de palme et ravagera des forêts entières à l'autre bout du monde.

Le biodiesel de Total : un désastre  pour les forêts tropicales

Un plan d’approvisionnement qui choque

Greenpeace France et les Amis de la Terre se sont procurés un document émis par la préfecture des Bouches-du-Rhône, détaillant le plan d’approvisionnement de Total pour sa bioraffinerie géante de La Mède.

Ce projet de Total fera bondir les importations françaises d’huile de palme d’environ 64%. Car pour alimenter cette bioraffinerie de La Mède, ce sont 550 000 tonnes d’huile de palme qui seront importées chaque année. A titre de comparaison, environ 136 000 tonnes d’huile de palme alimentaire sont consommées chaque année en France, soit trois fois moins.

Incohérence totale du gouvernement français

La France doit en finir avec son soutien aux agrocarburants de 1ère génération

Le projet de la Mède est emblématique de l’incohérence totale du gouvernement français sur le plan environnemental. Alors qu’il affiche sa volonté de mettre fin à la déforestation importée, avec l’axe 15 du Plan climat de Nicolas Hulot, il s’apprête à autoriser l’importation massive d’un produit destructeur pour les forêts d’Indonésie et de Malaisie notamment.

La hausse soudaine des importations françaises d’huile de palme aura des conséquences désastreuses dans les pays producteurs, où cette culture est largement responsable de la destruction des forêts tropicales.  Entre 1990 et 2015, c’est une surface comparable à la taille du Royaume-Uni qui a été déboisée rien qu’en Indonésie.

Le mythe de la certification

Le gouvernement exige de Total que son huile de palme soit certifiée (notamment RSPO). Malheureusement, aucune certification ne garantit aujourd’hui l’absence d’impacts directs ou indirects sur les forêts.La RSPO, principale certification sur le marché de l’huile de palme, ne couvre encore que de faibles volumes. Mais déjà, elle souffre de lourdes carences dans la définition de ses critères de durabilité, de manquements répétés dans sa mise en oeuvre ou encore de faiblesse chronique sur le plan de la transparence. Ainsi, une certification RSPO n’est malheureusement pas synonyme d’absence de déforestation.

Quant à la certification européenne sur les agrocarburants, de l’avis même de la Cour des comptes européennes, en plus d’avoir des critères biaisés (elle ne prend pas en compte les émissions de GES indirectes), elle souffre d’une mise en oeuvre inefficace.

Enfin, la certification ne peut pas prendre en compte l’effet dit “CASI” : le changement d’affectation des sols indirecte. Elle s’applique en effet à l’échelle d’une concession, pas d’un paysage. Elle ne mesure donc pas ce qui se passe en dehors de la concession, sur les forêts voisines, quand un nouvel acteur vient accroître la demande et donc provoquer l’ouverture de nouvelles plantations.

Le biodiesel à base d’huile de palme : un impact catastrophique sur le climat

Sur le plan du climat, le biodiesel à base d’huile de palme est tout sauf une bonne idée. Alors que les agrocarburants sont parfois présentés comme une solution visant à réduire l’impact du secteur des transports sur les émissions de gaz à effet de serre, ce biodiesel fait le contraire.

Du fait de la déforestation qu’entraîne la culture du palmier à huile, le biodiesel, dont Total veut abreuver le marché européen à travers sa bio-raffinerie, serait responsable de trois fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que les carburants fossiles et aurait donc un impact catastrophique sur le climat.

Un marché artificiel

Le pire dans tout ça, c’est que ce marché est complètement artificiel. D’abord, il dépend d’objectifs contraignants décidés au niveau européen et national – sans lesquels les agrocarburants ne seraient pas développés à une échelle industrielle. C’est d’ailleurs pour cela que près de 400 lobbyistes, payés à millions par les industriels, sont complètement dédiés à cette question à Bruxelles.

Ensuite, il a été subventionné à coups de milliards, soit sous formes d’aides publiques européennes, soit sous forme d’exonération fiscales au niveau national, par les contribuables, à leur insu. Si bien qu’en 2012, la Cour des compte avec dénoncé une véritable “niche fiscale” et les “effets d’aubaine” créent par ces politiques.

Enfin, cette révolution à la pompe a eu lieu si discrètement que rares sont les consommateurs qui savent qu’ils roulent aujourd’hui en brûlant des cultures alimentaires dans leur réservoir, comme de l’huile de palme, du soja, du colza, etc.

Bientôt une consultation publique pour interpeller le gouvernement français

Vers la fin du soutien européen aux agrocarburants ?

Les prochaines semaines vont être décisives. L’Europe est en train de réviser sa politique de soutien aux agrocarburants. Lors de la présentation de son Plan climat en juillet 2017, Nicolas Hulot avait notamment annoncé son intention d’interdire l’utilisation d’huile de palme dans les carburants.

Pourtant, elle bloque aujourd’hui les décisions à Bruxelles, contre l’avis du Parlement européen et de la Commission européenne et d’autres Etat-membres, qui souhaitent commencer à sortir des agrocarburants de première génération, en commençant par les plus nocifs pour le climat, comme le biodiesel à l’huile de palme. Quand on découvre les plans d’approvisionnement de Total à la Mède, on comprend mieux pourquoi.

Mais la France aura une responsabilité très lourde si elle fait échouer les négociations permettant d’exclure les agrocarburants contribuant le plus fortement à la déforestation. Si ces politiques désastreuses se poursuivent, les forêts tropicales auront disparues du globe dans quelques années.

On nous demande notre avis sur la déforestation importée : mobilisons-nous !

Emmanuel Macron ne peut pas être crédible sur l’engagement climatique de la France si l’Etat ne cesse pas son soutien aux agrocarburants, tant sur les plans législatif et fiscal que diplomatique.

Une consultation publique d’un mois doit débuter bientôt sur le sujet la stratégie française de lutte contre la déforestation importée. Il s’agit d’une occasion unique d’interpeller le gouvernement pour lui demander d’en finir avec ce double discours toxique pour la lutte contre la déforestation et la protection du climat.