Senga Bay (Malawi), 10 juin 2008 – A moitié dans l’eau, Saidi Afida tire sa pirogue sur les berges du lac Malawi et constate avec inquiétude que les poissons ne remplissent même pas la moitié de la barque.
« Les choses ont bien changé », raconte-t-il depuis la plage de Senga Bay, dans le centre du Malawi. « Il y a encore cinq ans, je rentrais tous les jours de la pêche avec un canoë plein ».
Afida, 33 ans, sait bien qu’il est lui-même responsable d’une partie du problème. « Nous sommes trop nombreux à pêcher sur ce lac. Tout le monde est devenu pêcheur et nous pêchons tous dans les eaux peu profondes », explique-t-il. Mais à la rame, il ne peut pas aller plus loin.
Avec ses 22.490 km2, le lac Malawi, bordé par le Mozambique et la Tanzanie, couvre un tiers de la superficie du pays et représente la troisième réserve en eau douce du continent. Riche d’environ 500 espèces de poissons, il fournit également 60% des protéines nécessaires à la population. Il est aussi l’une des principales sources d’emploi dans ce petit pays pauvre d’Afrique australe, où la moitié des 13 millions d’habitants vivent avec moins de un dollar par jour. Environ 40.000 pêcheurs travaillent sur le lac et les industries connexes (pêcheries, construction de bateaux…) font vivre des milliers d’autres personnes.
Le directeur du département de la pêche au sein du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, Alexander Bulirani, reconnaît que le nombre de pêcheurs a augmenté de 124% au cours de la dernière décennie. Mais, pour lui, les réserves de poissons ne sont pas épuisées. « Le lac dispose toujours de quantités importantes de poissons dans ses eaux profondes », dit-il.
Des recherches récentes auraient ainsi fait état de stocks en profondeur, qui pourraient assurer une pêche de 33.000 tonnes par an. La flotte du Malawi a doublé récemment, mais la pêche plafonne à 5.000 tonnes par an, contre un pic à 75.000 tonnes dans les années 1980.
Pour améliorer les recettes des pêcheurs, le gouvernement a fourni des crédits, en partenariat avec la Banque africaine de développement (BAD), pour les aider à acheter des bateaux à moteur ou des filets. Estimé à 183 millions de kwachas (1,3 million de dollars, 850.000 euros), le projet concerne 7.000 communautés de pêcheurs dans quatre districts entourant le lac Malawi, dont celui de Mangochi (sud) où est pêché l’essentiel du Chombo, le poisson le plus consommé du pays.
Malgré tout, la plupart des pêcheurs craignent que leur industrie soit condamnée par un déclin des stocks et estiment que le meilleur moyen de la préserver serait de rendre d’autres emplois plus attractifs. « Est-ce que le poisson va durer dans ce lac ? Qu’est ce que nos enfants mangeront plus tard et de quoi vivront-ils ? », se demande ainsi Iman Saidi. Ce jeune homme de 24 ans voulait être instituteur mais s’est tourné vers la pêche. « Il n’y a pas de travail et j’ai besoin de nourrir ma famille », explique-t-il.
« Les jeunes hommes vont à l’école mais finissent tous par devenir pêcheurs », confirme Sandalamu Katembo, 70 ans, qui a pris sa retraite il y a 20 ans.
Daulos Mauambeta, directeur de l’association écologiste Wildlife Society of Malawi (WSM), estime que la seule solution est de mettre un terme à « la politique ouverte » du gouvernement qui autorise n’importe quelle personne ayant une licence à pêcher autant qu’elle le souhaite. « Le Malawi a besoin d’un système de quota. Nous avons cette faiblesse d’autoriser les gens à pêcher toute l’année », dit-il. « Et il n’y a aucun contrôle sur la taille et les volumes des prises ».
Et de conseiller: « Les pêcheurs sont des hommes d’affaires, pas des environnementalistes. Nous devons leur faire comprendre qu’ils doivent protéger les poissons pour maintenir leurs affaires ».
– AFP –
Par Felix MPONDA