Nous en parlions l'été dernier : le 2 mai 2011, une véritable expédition pun

Forêts

Futur volé par l’exploitation forestière en République démocratique du Congo

Nous en parlions l’été dernier : le 2 mai 2011, une véritable expédition punitive a été menée par des représentants de la police et de l’armée contre les habitants du village de Yalisika, dans le territoire de Bumba en République démocratique du Congo, en répression de la révolte menée par des villageois contre la compagnie d’exploitation du bois SIFORCO, filiale congolaise du groupe Suisse Danzer.

Aujourd’hui, Greenpeace publie un rapport intitulé : « Futur volé : Conflits et exploitation forestière au cœur des forêts congolaises – le cas Danzer  » qui décrit en détail le rôle joué par Danzer dans les violences subies par la communauté de Yalisika : un villageois – Frédéric Moloma Tuka – est mort, et plusieurs femmes ont été violées, y compris des mineures. D’autres personnes ont été battues, tandis que 16 personnes ont été arrêtées et emmenées.

Ce rapport montre et explique, comment le secteur industriel forestier en RDC continue d’alimenter les atteintes aux droits de l’homme perpétrées à l’encontre de communautés forestières laissées-pour-compte. Ces communautés ne font pourtant que demander que leurs droits soient respectés. Les faits survenus le 2 mai dernier, dans lesquels Danzer est impliqué, illustrent tout à fait le comportement des compagnies forestières en RDC.

Les preuves de l’implication de Danzer

Danzer a hébergé la réunion du Comité de sécurité du territoire au cours de laquelle la décision a été prise d’envoyer les forces policières et militaires. L’entreprise a également fourni le camion qui a permis de transporter les forces de sécurité jusqu’au village isolé de Bosanga. Au vu d’autres incidents par le passé où la police et des militaires sont intervenus dans des conflits entre les compagnies forestières et les communautés locales, Danzer ne pouvait pas ignorer que la situation allait très probablement se solder par des actes de violence. Des villageois ont été battus, une maison a été réduite en cendres et des biens ont été saccagés, puis 15 habitants ont été arrêtés et conduits à la prison de Bumba dans le camion de Danzer. En chemin, le camion a fait une halte sur le site de Danzer. D’après des témoins oculaires, le chef de chantier est monté à bord du camion pour regarder les personnes qui avaient été interpellées, puis a payé les agents de sécurité avant que le camion ne reprenne la route.

Les témoignages receuillis par Greenpeace dans ce dossier sont extrêmement poignants, choquants, et accablants.

Le groupe Danzer affirme être engagé dans une démarche de « gestion responsable ». Dans sa politique environnementale, on peut lire : « Notre système de gestion de l’environnement et de la sûreté vise à protéger tous nos employés, la population et nos écosystèmes« .

Mais le drame vécu par la communauté Yalisika, montre clairement que ce système ne fonctionne pas. Depuis longtemps, le groupe Danzer gère ses activités forestières de façon irresponsable. Pourtant, il est parvenu à obtenir des certificats du Forest Stewardship Council (FSC). La concession de Danzer située juste à côté du territoire de la communauté de Yalisika a ainsi obtenu un label « bois contrôlé » du FSC, premier pas vers une certification FSC complète.

Pour Greenpeace, il n’est pas acceptable pour une entreprise comme Danzer de recourir aux forces militaires ou policières pour gérer leurs différents avec des communautés affectées par leur exploitation forestière, compte tenu des très forts risques de violence démontrés par des cas passés. Danzer doit assumer la pleine responsabilité de son rôle dans les événements violents survenus le 2 mai dernier, et ne doit pas faire obstruction à la procédure judiciaire engagée par les victimes de la communauté de Yalisika à l’encontre des responsables présumés. Malheureusement, de nombreux éléments indiquent que la compagnie fait pression depuis quelques semaines sur la communauté Yalisika pour parvenir à un arrangement à l’amiable.

Les bailleurs de fonds complices ?

Les pays bailleurs de fonds européens, comme l’Allemagne ou la France, soutiennent les intérêts de compagnies forestières industrielles telles que Danzer, bien que leurs activités ne procurent en réalité que de maigres avantages économiques aux communautés locales de RDC. Ainsi, la banque allemande de développement conduit actuellement un projet visant à aider les entreprises d’exploitation forestière, y compris Danzer, à obtenir la certification FSC. La terrible réalité, c’est que ces bailleurs de fonds – dont l’objectif est de réduire la pauvreté et de favoriser un développement durable – financent au contraire un modèle qui détruit l’environnement et confisque aux communautés locales leurs forêts et leurs moyens de subsistance.

C’est pourquoi Greenpeace a agi ce matin : 12 activistes ont pénétré dans la zone de stockage du port de Blainville (Caen) pour intervenir sur une quinzaine de grumes (troncs) de bois tropical en provenance de République Démocratique du Congo (RDC) et appartenant au groupe allemand Danzer. Ils ont délimité une scène de crime, peint en couleur de sang sur le bois et déployé des banderoles « Danzer crime au Congo » ou « la France complice ».
L’Agence Française de Développement doit en urgence rompre ses liens avec les entreprises comme Danzer et utiliser l’argent du contribuable au profit de la protection des forêts et des communautés forestières plutôt que de soutenir ce type d’exploitation industrielle.