Procès des activistes pour intrusion et blocage du chantier de l’EPR de Flamanville : VICTOIRE pour la liberté d’expression !

Un peu plus d’un mois après l’audience du 9 avril 2024, et alors que le « démarrage » du chargement du combustible à Flamanville a été annoncé la semaine dernière, le délibéré pour les activistes qui s’étaient introduits sur le chantier de l’EPR il y a deux ans vient de tomber. Le tribunal judiciaire de Cherbourg offre une belle victoire aux 15 activistes et à Greenpeace France, également poursuivie en tant que personne morale pour le blocage du chantier. Pour l’intrusion sur le site, Greenpeace France est condamnée à 20 000 euros d’amende et à verser 61 300 euros à EDF, au lieu d’un million requis par la partie civile.

Pour rappel, les activistes s’étaient introduits, le 31 mars 2022, sur le chantier de l’EPR de Flamanville. En pleine campagne présidentielle, elles et ils dénonçaient la volonté de plusieurs candidat·es, dont le président-candidat E. Macron, de relancer le nucléaire en France sans que n’ait lieu aucun débat sur l’énergie nucléaire.

Après un procès politique qui avait duré 10 heures, où les 11 prévenus présents avaient, les uns après les autres, expliqué leurs motivations à la barre, les activistes se disent aujourd’hui soulagés d’avoir été entendus par le juge.

« Fiasco industriel », « absence de débat démocratique »,  « dangerosité pour nous et les générations futures » avaient été entendus dans la salle d’audience.

Relaxe pour liberté d’expression

Les 8 activistes qui avaient bloqué le chantier, poursuivis pour opposition aux travaux publics,ont tous été relaxés pour liberté d’expression et de réunion, ainsi que la personne morale de Greenpeace France. Les activistes et Greenpeace France se disent soulagés d’avoir été entendus par la justice mais auraient aimé qu’elle aille jusqu’au bout en prononçant une décision encore plus forte, avec une relaxe totale des activistes et de Greenpeace France.

Maître Marie Dosé, qui a plaidé la relaxe des activistes et de l’ONG au nom de la liberté d’expression et de réunion :

« Cette décision est un immense progrès vers la reconnaissance de la liberté d’expression pour tous ceux qui se battent contre les ravages du nucléaire. C’est la première fois qu’une relaxe est prononcée dans ce type d’affaires par une juridiction correctionnelle. Il reste encore du chemin à faire. Je constate que les prétentions financières d’EDF ont été balayées d’un revers de la main par le juge. »

Condamnation pour intrusion 

Pour les sept activistes qui s’étaient introduits sur le chantier, les condamnations varient de 500 à 800 euros d’amende selon les antécédents judiciaires. 

Greenpeace France est condamnée à verser 20 000 euros d’amende à l’État et 61 300 euros à EDF (qui avait demandé près d’un million d’euros à l’ONG). Ce montant correspond à 50 000 euros de préjudice moral, 1 300 euros de préjudice matériel et 10 000 euros de frais d’avocat de la partie civile. 

Pour Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France et représentant de la personne morale de Greenpeace France, qui avait personnellement participé à l’action : 

« Nous avons été entendus sur les raisons de notre passage à l’action, le tribunal a d’ailleurs relaxé une partie des activistes qui avaient bloqué l’entrée du site. C’est une reconnaissance de la légitimité de la désobéissance civile et de notre droit à la liberté d’expression. Surtout, EDF n’a pas été suivie dans ses demandes extravagantes de dommages et intérêts. Aucune réparation ne lui a été accordée pour son soi-disant préjudice d’exploitation. »

L’EPR de Flamanville est l’un des plus gros fiascos industriels français. Son chantier, lancé en 2007, était censé durer cinq ans pour une mise en service en 2012 et pour un coût de 3,3 milliards d’euros. Il sera au mieux mis en service en fin d’année, soit avec 12 ans de retard et pour un coût multiplié par plus de six, dépassant les 20 milliards d’euros en incluant les frais financiers. 

Pour Pauline Boyer, chargée de campagne nucléaire à Greenpeace France, il faut rappeler l’aberration de la construction de cet EPR et revenir sur les raisons qui ont poussé les activistes à s’opposer à ce projet qui n’est toujours pas démarré, après 12 ans de retard et 17 ans de travaux :

« Nombreux sont les arguments pour s’opposer au démarrage de cet EPR, et je suis soulagée que la justice les ait compris. L’urgence climatique n’attendra pas qu’E. Macron les entende enfin. La transition énergétique vers la sobriété et l’efficacité énergétiques doit commencer dès maintenant. Le Président organise un démarrage purement politique de l’EPR de Flamanville cette semaine avec une communication maximisée pour cacher le non-sens économique et industriel. Il reste encore de nombreux paliers à franchir, chacun d’entre eux soumis à l’autorisation de l’ASN, avant que l’on puisse effectivement affirmer que l’EPR va démarrer et fonctionner. Le feuilleton de ce fiasco reste à suivre et nous continuerons de le dénoncer. »

Lors de l’audience, EDF avait demandé près de 1 000 000 d’euros à Greenpeace du fait de cette action (environ 432 000 pour préjudice matériel, 500 000 euros de préjudice moral et 30 000 euros de frais d’avocats).

L’avocat de la partie civile avait exposé les motivations d’EDF : faire cesser la mission d’intérêt générale de Greenpeace France « en touchant au portefeuille » de l’association. 

Le procureur avait demandé, pour les sept activistes qui s’étaient introduits sur le chantier de l’EPR, 800 euros d’amende (1000 euros pour une personne) et l’interdiction de pénétrer sur le territoire de Flamanville pendant deux ans. Pour les huit activistes qui étaient poursuivis pour entrave aux travaux publics, 500 euros d’amende et la même interdiction pour une durée d’un an. Quant à la personne morale de Greenpeace France, une condamnation de 30 000 euros avait été requise ainsi que l’affichage de sa condamnation pendant un mois.