Poursuite-bâillon de TotalEnergies : Greenpeace demande la condamnation de la major pétro-gazière pour procédure abusive

Climat

Assignée en avril 2023 par TotalEnergies pour “diffusion d’informations fausses et trompeuses”, Greenpeace France a répliqué le 22 novembre 2023 en demandant la nullité de la procédure et la condamnation de TotalEnergies pour procédure abusive devant le Tribunal judiciaire de Paris.

L’assignation de TotalEnergies fait suite à la publication du rapport ‘Bilan carbone de TotalEnergies, le compte n’y est pas’, dans lequel Greenpeace France a dévoilé un calcul estimatif des émissions de gaz à effet de serre de la multinationale, selon lequel celles-ci auraient été près de quatre fois plus importantes que celles déclarées par TotalEnergies pour l’année 2019, soit près de 1,6 milliard de tonnes contre 455 millions de tonnes CO2e.

© Jean Nicholas Guillo
Les militant·es et salarié·es de Greenpeace France rassemblées le 23 novembre 2023 à la Défense devant le siège de TotalEnergies pour dénoncer la procédure-bâillon et le “marathon judiciaire” que TotalEnergies veut leur imposer.

Une procédure-bâillon

TotalEnergies demande au juge civil d’obliger Greenpeace France à supprimer le rapport et toutes publications y afférent, sous astreinte de 2000 euros par jour. Elle demande également la condamnation de Greenpeace France à lui verser 1 euro  “symbolique” de dommages et intérêts, et 50 000 euros de frais de justice. 

L’objectif de TotalEnergies est clair : restreindre la liberté d’expression de Greenpeace. Sa méthode ? La censure. Plutôt que de renforcer la transparence sur ses émissions de gaz à effet de serre, le plus gros pollueur français cherche à nous empêcher de mettre en lumière sa responsabilité dans la crise climatique. Nous sommes bien face à la toute première poursuite-bâillon de TotalEnergies. Nous ne nous laisserons pas intimider”, déclare Clara Gonzales, juriste pour Greenpeace France.

Greenpeace France demande non seulement la nullité de cette procédure, qu’elle considère comme une atteinte à sa liberté d’expression, mais également la condamnation de TotalEnergies pour procédure abusive [1].

 


Vers un marathon judiciaire ?

Cette poursuite-bâillon s’inscrit dans un contexte inquiétant d’augmentation des  tentatives d’intimidation judiciaire contre la société civile. Greenpeace fait l’objet de trois procédures simultanément de la part de trois majors pétro-gazières : en Grande-Bretagne, Shell menace de demander près de 8 millions d’euros à Greenpeace United Kingdom et Greenpeace International, tandis qu’en Italie, ENI a engagé une procédure qui pourrait aboutir à un procès en diffamation contre Greenpeace Italie et ReCommon.

Pour Greenpeace France, dans un contexte d’urgence climatique, la voix des ONG qui défendent l’intérêt général face aux intérêts privés de l’industrie fossile est pourtant vitale.

L’enjeu de la comptabilité carbone est de taille : elle détermine notre capacité à définir une stratégie climat adaptée et à la hauteur de l’urgence climatique. Cette procédure judiciaire est donc une tentative non seulement de bâillonner Greenpeace et d’intimider le mouvement climat, mais aussi d’entraver la production de recherches et de contre-analyses sur un sujet fondamental pour le climat. C’est aussi une nouvelle tactique de TotalEnergies pour dissimuler la faiblesse de sa stratégie de neutralité carbone d’ici 2050”, complète Clara Gonzales.

Après avoir analysé l’ensemble des critiques formulées par TotalEnergies dans son recours, Greenpeace France réaffirme sans crainte les ordres de grandeur annoncés selon sa méthodologie dans son rapport pour l’année 2019, et maintient que TotalEnergies sous-estime largement ses émissions de gaz à effet serre dans sa communication publique.
Le tribunal doit annoncer ce jour la date à laquelle est attendue la réponse de TotalEnergies aux conclusions de Greenpeace France.  



Note aux rédactions :
[1] La major entend censurer Greenpeace en se fondant sur un texte de droit boursier, une démarche sans précédent de la part d’une multinationale contre une ONG, a fortiori dans le cadre du débat d’intérêt général que constitue la fiabilité de la comptabilité carbone des acteurs de l’industrie pétro-gazière. Pour Greenpeace, la procédure doit être déclarée nulle dès lors que TotalEnergies, ce faisant, cherche en réalité à contourner les dispositions impératives et les contraintes procédurales de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, qui offre des garanties propres à l’usage de la liberté d’expression.