Les thoniers senneurs : quand Crésus joue les cosettes

Océans

Paris, 3 février 2010 – L’annonce du gouvernement, même faible, a provoqué une déferlante de jérémiades du côté des thoniers senneurs, qui crient à l’asphyxie de leur profession. D’abord, il ne faut pas confondre les industriels du thon et les petits pêcheurs. De plus, pour ces industriels, de nombreux subsides, français et européens, ont été généreusement accordés.

« Les thoniers industriels traquent le thon rouge en Méditerranée grâce à un matériel de pointe et à des bateaux qui ressemblent plus à des yachts qu’à des barques de pêcheurs » explique François Chartier, chargé de campagnes Océans à Greenpeace France. « Si on se penche sur les chiffres, on se rend compte que les industriels du thon sont une toute petite minorité qui ont brassé des millions d’Euros d’aides publiques ».

150 emplois sur les thoniers senneurs en 2010
La flotte des thoniers senneurs française comptait 28 bateaux en 2009, avec 10 à 15 emplois par bateau. Ces marins sont employés pendant la saison de pêche, pour un mois de l’année en mer.

Le journal le Marin du 8 janvier dernier, le Languedoc Roussillon, où se trouvent les principaux ports d’attache de ces bateaux, recensait seulement 88 marins employés en haute mer sur ces thoniers. Enfin, courant 2010, une douzaine de ces bateaux devrait profiter d’un plan de sortie de flotte de 20 millions d’Euros de fonds européens, pour aller à la casse, afin de réduire la pression sur la ressource.

La manne des subsides publics
Les armateurs de bateaux ont pu cumuler des aides européennes, françaises et régionales jusqu’à 3 millions d’Euros pour financer leurs bateaux, qui coûtent de 5 à 6 millions d’Euros au total. De plus, l’Europe et ses états membres ont consacré en 2009 80 millions d’Euros à la surveillance des bateaux de pêche au large, dans la Méditerranée, afin de vérifier qu’ils ne pêchent pas plus que leur quota. Le quota de pêche pour la France était en 2009 de 3000 tonnes environ, pour du poisson vendu autour 4 Euros le kilo, cela représenterait donc un chiffre d’affaire de 12 millions d’Euros.

« Les thoniers se plaignent de l’interdiction du commerce international, mais c’est bien l’argent des citoyens qui financent leur business ! » précise François Chartier.

Les pêcheurs artisanaux respectent la ressource, pas les thoniers
La pêche artisanale représente dans ce secteur environ 600 emplois. Ces pêcheurs vivent du thon rouge, mais aussi d’autres espèces. Ils pêchent aujourd’hui une toute petite part du quota de thon rouge (300 tonnes), et doivent pouvoir continuer à pratiquer une pêche durable, sans pillage de la ressource. L’interdiction du commerce international n’empêche pas la pêche dans les eaux territoriales, en Méditerranée jusqu’ à 20 km des côtes. Les thoniers industriels seront donc touchés, car ils vont pêcher en haute mer pour traquer les poissons restants. La création d’une zone économique exclusive (ZEE) en Méditerranée, au-delà des eaux territoriales, doit être portée par la France pour la survie des petits pêcheurs.

« Il est insupportable qu’une minorité pille un bien commun et asphyxie une pêche traditionnelle millénaire. » conclut François Chartier « Ce sont les thoniers industriels qui se sont engraissés sur le thon rouge, et c’est à eux qu’on voudrait laisser deux saisons de pêche de plus, alors que l’Italie nous appelle à un moratoire ? »