Le projet de déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’océan ne parvient pas à résoudre la crise des océans
Greenpeace International s’inquiète de l’état d’avancement du projet de déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’océan (UNOC), qui est loin de répondre aux attentes, à moins de trois semaines de son ouverture à Nice (France). Ce projet de déclaration politique devrait démontrer l’ambition affichée par les États en matière de protection des océans. Cependant, le texte actuel, qui doit être publié comme texte final de la prochaine conférence, manque de l’ambition nécessaire pour répondre à la crise à laquelle sont confrontés les océans.
Le troisième projet de déclaration, censé être le dernier, ne contient pas les mesures clés nécessaires pour garantir que l’océan se rétablisse après des décennies d’abus et puisse résister aux impacts du changement climatique mondial.
“Face au manque d’ambition de ce texte, nous appelons la France, en tant que pays hôte de la Conférence, à mener d’ici l’ouverture de l’UNOC une diplomatie très active pour que cette déclaration ne soit pas une nouvelle coquille vide” souligne François Chartier, chargé de campagne océans pour Greenpeace France. “Pour la France qui défend publiquement la ratification du traité sur la haute mer, soutien une interdiction de l’exploitation des ressources minière des grands fonds, par un moratoire à l’AIFM, ou encore soutien la signature d’un traité fort sur le plastique, conclure sur un texte sans contenu serait un véritable camouflet”.
Les omissions ou régressions flagrantes par rapport aux projets de textes antérieurs sont les suivantes :
- Un langage pitoyablement faible sur l’exploitation minière en eaux profondes, sans aucune référence à un moratoire sur cette industrie dangereuse, et la suppression de toute référence à l’application du principe de précaution, qui figurait dans les premières versions. [1]
- L’absence d’urgence dans la ratification du Traité sur la haute mer, ou de réflexion sur le fait que le délai que de nombreux gouvernements s’étaient fixés pour atteindre 60 ratifications (d’ici la Conférence) risque de ne pas être atteint. [2]
- Ne pas reconnaître que le Traité mondial sur la haute mer est fondamental pour atteindre l’objectif 30 x 30 convenu dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique, car le Traité sur la haute mer est le seul outil juridique qui peut atteindre cet objectif universellement convenu et contraignant des Nations Unies en haute mer, qui représente les ⅔ des océans au niveau mondial.[3]
- L’absence de référence claire à la nécessité de réduire la production de plastique. Bien que le texte mentionne brièvement l’élaboration d’un instrument international contraignant sur le plastique, il ne mentionne pas la nécessité de réduire la production. [4]
- Aucune mention de questions clés telles que la lutte contre les violations des droits du travail et des droits humains dans les flottes de pêche hauturière ou la garantie de la protection des écosystèmes marins vulnérables contre l’impact des pratiques de pêche destructrices – des questions cruciales qui sont fondamentales pour la conservation marine mondiale.
- L’abandon d’une approche de la protection des océans fondée sur les droits humains compromet la responsabilisation en matière de gouvernance des océans. Sans cela, rien ne garantit que les politiques protégeront les droits de ceux qui dépendent le plus de la gestion des océans et qui y sont essentiels. Cette situation fragilise les fondements d’une protection marine juste, inclusive et efficace, et doit être résolue de toute urgence. [5]
- Aucun engagement concret en matière de ressources financières supplémentaires.
“Pour le président E. Macron qui a fait de l’UNOC un moment important de sa diplomatie et qui a très récemment réaffirmé ses ambitions, rester sur un tel texte serait un échec personnel, au-delà de l’échec de la communauté internationale à prendre les mesures nécessaires pour la protection des océans”, ajoute François Chartier.
Megan Randles, cheffe de délégation de Greenpeace International à l’UNOC, ajoute : “Le texte actuel montre une fois de plus clairement que les gouvernements ne prennent pas au sérieux la protection des océans et se contentent de belles paroles sans apporter de réels changements en mer. Il ne reconnaît pas non plus les droits et le leadership des communautés côtières et des peuples autochtones, qui sont en première ligne dans la gestion des océans. Sans une amélioration drastique de cette déclaration, la Conférence des Nations Unies sur les océans deviendra un forum de discussion vide de sens”.
La Conférence des Nations Unies sur l’océan se tient quelques semaines après la première demande mondiale d’exploitation minière en eaux profondes sur les fonds marins internationaux, récemment soumise par l’entreprise The Metals Company au gouvernement américain, en opposition à l’organisme de réglementation des Nations Unies, dans un contexte de vive controverse politique.
Cette action unilatérale porte atteinte à l’ONU, constitue potentiellement une violation du droit international et devrait être condamnée par tous les États présents à la Conférence des Nations Unies sur les océans.
À ce jour, 21 pays ont ratifié le Traité mondial sur les océans et 33 pays soutiennent un moratoire sur l’exploitation minière en eaux profondes.
Notes aux rédactions :
Une délégation de Greenpeace sera présente à la conférence des Nations Unies sur l’océan à Nice avec des porte-parole en anglais, français, allemand, portugais et thaï.
[1] L’avant-projet de Déclaration politique « soulignait l’importance d’une approche de précaution » en matière d’exploitation minière des fonds marins. Cette référence a été supprimée du projet final.
[2] Le traité n’entrera en vigueur que 120 jours après sa ratification par 60 pays.
Le Secrétaire général de l’ONU est tenu de convoquer la première réunion de la Conférence des Parties à l’Accord au plus tard un an après son entrée en vigueur.
La France, co-organisatrice de l’UNOC, avait pour objectif l’entrée en vigueur du Traité mondial sur la haute mer avant la conférence. Il semble que cet objectif risque désormais d’être manqué.
[3] Le paragraphe 21 de l’avant-projet de la Déclaration politique stipulait : « Nous reconnaissons le rôle important que l’Accord jouera dans la réalisation de l’objectif 30×30 . » Cette référence a été supprimée du projet final.
[4] La version finale de la Déclaration politique supprime les mentions de l’urgence de lutter contre la pollution plastique ou ses impacts sur la santé humaine, qui étaient présentes dans les versions précédentes.
[5] Le paragraphe 2 de la deuxième version du projet de déclaration politique stipulait que « Nous devons agir de toute urgence pour relever ce défi par une action audacieuse, ambitieuse, fondée sur les droits humains, juste et transformatrice. » La référence aux actions fondées sur les droits de l’homme a été supprimée.