Huile de palme : Elisabeth Borne reconnaît les incohérences du Gouvernement
Suite à la publication, le 19 décembre 2019, d’une note des douanes permettant au groupe Total de contourner partiellement la loi excluant les produits à base d’huile de palme de la liste des biocarburants décidée par le Parlement, Élisabeth Borne a convié les ONG environnementales, des parlementaires et des représentants de Total à une réunion de consultation, ce mardi 21 janvier à 8h, au Ministère de la Transition Écologique et Solidaire.
Malgré l’urgence climatique et les engagements pris par la France pour lutter contre la déforestation, aucune décision claire n’a été prise par la Ministre, qui a pourtant reconnu les nombreuses incohérences de ce dossier explosif.
La note des douanes de décembre 2019 à l’origine de la controverse permet à Total de continuer à bénéficier d’exemptions fiscales pour l’importation de PFAD (distillats d’acide gras de palme). Les PFAD sont pourtant des produits à base d’huile de palme, ayant, au même titre que l’huile de palme brute, un impact dévastateur sur les forêts indonésiennes. D’autant plus que, comme l’a montré Greenpeace France dans un rapport d’enquête accablant, la chaîne d’approvisionnement de Total pour la bioraffinerie de La Mède est loin d’être 100 % traçable et 100 % durable [1].
Pour Jérôme Frignet de Greenpeace France :
“Ce stratagème grossier du Gouvernement permettant de protéger les intérêts de Total constitue un excès manifeste de pouvoir, et une négation de la démocratie. Les parlementaires ont été clairs, y compris ce matin face à Total et au Gouvernement : ils ont voté la fin de la niche fiscale bénéficiant aux agrocarburants à base d’huile de palme, ce qui inclut bien évidemment les PFAD.”
Lors de la réunion au Ministère de la transition écologique et solidaire, Canopée a également révélé un nouveau document des douanes datant du 17 juin 2019 [2]. En cohérence avec la loi adoptée par les députés, ce document prévoyait explicitement l’exclusion des PFAD du régime fiscal d’incitation à l’incorporation des biocarburants. Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes pour Canopée et porte-parole “forêts” des Amis de la Terre France ajoute :
“Les documents que nous avons révélés aujourd’hui montrent l’extrême collusion entre Total et le Gouvernement. Aucune justification sur le fond ne nous a été apportée pour justifier un revirement des services des douanes en quelques mois. Seule la pression de Total permet donc d’expliquer que l’administration ait fait marche arrière ce qui n’est pas acceptable dans un État de droit.”
Pour Arnaud Gauffier du WWF :
“Si l’huile de palme peut être produite sans déforester, les volumes nécessaires à son incorporation dans les agrocarburants sont tels qu’ils entraînent nécessairement de la déforestation indirecte. Les parlementaires l’ont compris en supprimant l’avantage fiscal dont cette utilisation bénéficiait, mais pas le Gouvernement et Total apparemment qui s’échinent à rendre possible l’utilisation des PFAD, et ce alors que l’année 2020 doit marquer un tournant en matière de respect des engagements de lutte contre le changement climatique, la déforestation et la protection de la biodiversité.”
Pour Agathe Bounfour du Réseau Action Climat :
“Alors qu’Elisabeth Borne a reconnu les incohérences du Gouvernement sur ce dossier, aucune réponse n’a été apportée face au constat accablant des parlementaires et des ONG. Cette position n’est pas tenable : nous attendons le plus rapidement possible un engagement de la Ministre à enfin faire respecter la loi, et à mettre la France sur la trajectoire que l’urgence climatique requiert.”
Pour Laura Buffet, de Transport & Environment : “L’Union européenne a récemment décidé d’arrêter le soutien à l‘huile de palme dans les carburants, à cause de la déforestation. ‘PFAD’ est clairement synonyme d’huile de palme et c’est pourquoi la France ne doit pas soutenir son utilisation dans les carburants.”
L’ensemble des ONG réunies ce matin au MTES continuera à mener le combat, aussi bien sur le plan politique que sur le plan juridique, pour faire appliquer la loi et l’intérêt général.
L’audience en référé au Conseil d’État prévu le 21 janvier 2020 a été décalée au 22 janvier. Le Conseil d’État se prononcera dans les quinze prochains jours sur le caractère d’urgence du recours en référé déposé par Canopée et les Amis de la Terre. Si ce caractère n’est pas retenu, le Conseil d’État devra se prononcer sur le fond du dossier d’ici plusieurs mois, en réponse aux différents recours déposés par Canopée, les Amis de la Terre et Greenpeace.
[1] Total carbure à la déforestation à La Mède, Greenpeace France, Novembre 2019