Finistère : la santé des baigneurs mise en danger par des pollutions alarmantes, l’élevage industriel dans le viseur

Le collectif « Stoppons l’extension » tire la sonnette d’alarme face aux résultats accablants d’analyses d’eau indépendantes menées sur la plage de Penfoul à Landunvez (Finistère) [1]. Les analyses bactériologiques révèlent une contamination préoccupante de l’eau de baignade par des bactéries pathogènes — notamment les Escherichia coli, les salmonelles et les staphylocoques — qui, compte tenu de la proximité d’élevages industriels pratiquant l’épandage, seraient très probablement liées à la pollution fécale issue de ces élevages industriels environnants. Le collectif exige des mesures immédiates de la part des autorités sanitaires.
Les résultats de ces analyses révèlent la présence massive de bactéries indicatrices de pollution fécale. À l’exutoire Foul, des concentrations très élevées en Escherichia coli (7 300 npp/100 ml) ont été relevées, accompagnées de la présence confirmée de salmonelles et d’un taux de staphylocoques (10 UFC/100 ml) bien supérieur aux seuils de référence fixés par la norme française NF T90-412 [2]. Ces agents pathogènes peuvent entraîner des infections graves, en particulier chez les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées et immunodéprimées. Des résultats similaires ont été observés au point de contrôle qui existait avant 2018 (avant que l’agence régionale de santé ne le déplace), au fond de la plage, conformément aux prescriptions de la directive 2006/7/CE qui impose de placer le contrôle là où les risques sont les plus élevés. En revanche, un troisième point de contrôle, mis en place discrètement par l’agence régionale de santé (ARS) après 2018, plus éloigné de la source de pollution, ne détecte plus aucune trace de contamination de ces bactéries pathogènes.
Un déplacement du point de contrôle sanitaire pour masquer la réalité
Les prélèvements, réalisés en trois points stratégiques de la plage de Penfoul, confirment donc une pollution aiguë dans les zones les plus fréquentées par les baigneurs [3]. Pourtant, depuis 2018, l’ARS a discrètement déplacé le point officiel de surveillance vers le large, à plusieurs centaines de mètres du point initial — un endroit où les résultats apparaissent artificiellement bons mais qui se trouve loin de la zone de baignade des personnes les plus à risque. Cette modification du point de prélèvement masque la pollution réelle, altère le classement officiel de la plage et expose les usagers à un risque sanitaire grave. Bien que la mairie ait installé en 2024 des panneaux déconseillant la baignade dans le fond de Penfoul, cette recommandation est largement ignorée et peu contraignante. Pour le collectif, le déplacement du point de contrôle est une décision inacceptable qui met en danger les populations.

Les autorités sanitaires doivent prendre des mesures immédiates
Face à cette urgence sanitaire, le collectif « Stoppons l’extension » publie aujourd’hui une lettre ouverte à l’attention de l’ARS Bretagne, du ministère de la Transition écologique et du ministère de la Santé :
Le collectif exige des autorités publiques qu’elles rétablissent sans délai des conditions de contrôle rigoureuses et transparentes, à savoir :
- la création de deux points de mesure officiels à Penfoul, reflétant la réalité des usages ;
- la recherche systématique de bactéries pathogènes (salmonelles, staphylocoques) lors de tout épisode de pollution fécale ;
- la transparence des classements et l’information directe des usagers, via une signalétique claire sur site en cas de non-conformité ou de danger potentiel, basées sur les points de mesure explicités au point 1.
S’attaquer aux causes profondes : l’élevage industriel en question
Ces pollutions sont le symptôme d’un modèle agricole à bout de souffle. La multiplication des fermes-usines d’élevage et leur densité sur les territoires génère des pollutions massives des sols, de l’air et des eaux. En mai 2023, Greenpeace France a publié une cartographie révélant que près de 70 % de ces fermes-usines sont concentrées en Bretagne et dans les Pays de la Loire (dont 445 dans le Finistère) [4]. Eau et Rivières de Bretagne a de nouveau publié en 2025 une étude cartographique et une méthodologie de classement qui montrent une forte corrélation entre les plages les plus à risque en Bretagne et la pression des épandages [5].
Cette campagne d’analyses bactériologiques a été menée par Greenpeace France pour mesurer la pollution aux abords de l’exploitation Avel Vor, dans le cadre du recours juridique déposé en 2023 par le collectif « Stoppons l’extension », visant à faire annuler l’arrêté préfectoral autorisant l’extension illégale de cette méga-porcherie située à Landunvez (29) [6]. Bien que ces résultats d’analyses ne portent pas sur la source des pollutions fécales de la plage, la densité des élevages industriels présents sur le territoire et l’intensité de leur pratique d’épandage (qui ont eu lieu pendant la période de prélèvements, en avril) contribuent très probablement, et de manière conséquente, à la pollution bactériologique retrouvée en aval [7]. Pour le collectif, il est inadmissible que la santé publique et environnementale soit sacrifiée au profit d’intérêts agro-industriels.
Ces résultats sont publiés alors que la proposition de loi dite « PPL Duplomb », visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, est examinée cette semaine en commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale. Cette loi se donne pour objectif de faciliter l’installation et l’agrandissement des élevages industriels, sans évaluation environnementale systématique et en réduisant la consultation publique [8].
Pourtant, ces analyses prouvent que les évaluations environnementales sont indispensables pour protéger l’environnement et la santé et que les risques associés aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) d’élevage sont encore plus importants que ceux déjà connus (nitrates, pesticides, ammoniac, NO2…). Les virus et bactéries sont en effet totalement absents des autorisations et études d’impact actuels.
Le collectif appelle les député·es à rejeter l’article 3 de cette proposition de loi qui sera débattue la semaine du 26 mai à l’Assemblée nationale : l’adoption d’une telle loi serait un acte irresponsable, ignorant les risques sanitaires et environnementaux avérés et bafouant le droit à l’information et à la participation des citoyens et citoyennes.
Notes aux rédactions :
[1] Le collectif « Stoppons l’extension d’Avel Vor » est composé de riverains et de trois associations fondatrices : Eau et Rivières de Bretagne, AEPI (Avenir et Environnement en Pays d’Iroise) et APPCL (Association pour la Protection et la Promotion de la Côte des Légendes) et Greenpeace France. Voir aussi « Élevage industriel : à Landunvez, associations et riverains toujours déterminés contre la méga-porcherie Avel Vor », communiqué de presse du collectif « Stoppons l’extension », 11/06/2023.
[2] Contrairement aux contrôles sanitaires officiels, limités à la recherche d’Escherichia coli et d’entérocoques et encadrés par la directive européenne 2006/7/CE sur la qualité des eaux de baignade, il n’existe pas de seuils réglementaires européens pour les salmonelles et les staphylocoques. Les analyses d’eaux ont été élargies à d’autres agents pathogènes. Résultat : lorsque les seuils réglementaires de bactéries indicatrices sont dépassés, salmonelles et staphylocoques sont également présents.
La norme française NF T90-412 (2016) fixe cependant un seuil de 0 UFC/100 ml pour les staphylocoques pathogènes dans les eaux douces à usage récréatif ou sanitaire. Il n’existe pas de norme équivalente spécifique pour les eaux de mer en matière de staphylocoques pathogènes, ce qui souligne un vide réglementaire préoccupant, surtout lorsque ces bactéries sont détectées dans des zones de baignade fréquentées.
Pour les salmonelles, seules des recommandations existent dans d’autres contextes (eaux destinées à la consommation humaine ou usages spécifiques), mais aucune valeur limite n’est fixée pour les eaux de baignade. L’absence de normes contraignantes ne signifie toutefois pas une absence de danger : ces bactéries sont bien reconnues pour leur pouvoir pathogène, leur détection dans les eaux de baignade est un signal sanitaire très préoccupant.
[3] Les trois points de mesure ont été définis par Greenpeace France, en collaboration avec les associations locales. Les prélèvements ont ensuite été réalisés par Labocéa, un laboratoire agréé qui effectue la surveillance de la plage pour le compte de l’agence régionale de santé (ARS) durant la saison estivale. Le 16 avril 2025, le préleveur de la société Labocéa a déclenché une série de mesures car la pluviométrie dépassait les 10 mm /24h.
[4] Voir « Élevage industriel : Greenpeace exige un moratoire sur les fermes-usines », communiqué de presse de Greenpeace France, 16/05/2023
[5] Voir le site La Belle plage, classement 2025 : www.labelleplage.fr
[6] L’arrêté préfectoral a été délivré à l’exploitation Avel Vor alors que l’autorisation initiale, accordée en 2016, avait déjà fait l’objet d’une annulation par le Tribunal administratif de Rennes, confirmée en appel. Voir aussi « Greenpeace rejoint la lutte juridique contre la ferme-usine Avel Vor à Landunvez », communiqué de presse de Greenpeace France, 06/06/2023.
[7] Ces résultats révèlent a minima la coïncidence entre la période d’épandage autorisé de fertilisants agricoles (notamment en avril) et la présence de pollution fécale à l’aval. D’importantes parcelles de cultures (blé, maïs), situées le long du ruisseau du Foul et qui sont notamment incluses dans le plan d’épandage d’Avel Vor, font alors l’objet d’un épandage intensif (lisiers, fumiers, composts, engrais chimiques, etc).
[8] Avec la PPL Duplomb, les seuils pour soumettre obligatoirement un élevage à une procédure d’autorisation augmenterait considérablement et passeraient :
→ Pour les volailles : de 40 000 emplacements aujourd’hui à 85 000 emplacements – soit plus du double !
→ Pour les porcs de production : de 2 000 emplacements à 3 000 emplacements, soit 50 % de plus !
→ Tout en ouvrant la porte à l’exonération des élevages bovins de ces procédures environnementales.
Voir aussi « Ouvrir les vannes aux élevages industriels : l’autre projet de la PPL Duplomb », communiqué de presse inter-associatif, 12/05/2025