Ce chiffre de 100% n'est pas une surprise pour les experts, qui s'accordent à dire que les réacteurs 1 et 2 sont, selon toute probabilité, dans le même état. Mais dès lors, que penser du choix de TEPCO de faire acte de transparence maintenant ?

Nucléaire

À Fukushima, le pire reste à venir

Ce chiffre de 100% n'est pas une surprise pour les experts, qui s'accordent à dire que les réacteurs 1 et 2 sont, selon toute probabilité, dans le même état. Mais dès lors, que penser du choix de TEPCO de faire acte de transparence maintenant ?

Ces dernières semaines, l’opérateur de la centrale de Fukushima, TEPCO, a multiplié les déclarations, les rapports et les aveux. Des informations cruciales sur l’état des réacteurs nous parviennent donc éparses, au gré des déclarations contrites et souvent contraintes de TEPCO. Des informations qui, analysées ensemble, nous laissent entrevoir d’une part l’état dramatique de la centrale et l’ampleur de la catastrophe nucléaire en cours, et d’autre part la stratégie mise en œuvre par TEPCO.

TEPCO avoue – TEPCO communique

Ainsi apprenait-on le 23 juillet 2014 que TEPCO avait reconnu devant les membres de l’Autorité de régulation nucléaire japonaise (NRA) que le 19 août 2013, 280 milliards de becquerels de césium 134/137 avaient été rejetés du site par heure, contre 10 millions de becquerels/h habituellement, et ce durant quatre heures.
Cela porte l’impact total à environ 1.120 milliards de becquerels. Une information que TEPCO s’est donné beaucoup de mal pour cacher, jusqu’à ce qu’une nouvelle pollution radioactive ait été constatée par le ministère de l’Agriculture dans les rizières dans la région de Minamisoma, où le riz présentait un niveau de contamination en césium de plus de 100 becquerels par kilogramme, à un peu plus de 20 kilomètres au nord de la centrale.

En revanche, dans son rapport publié le 31 juillet, l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) estime « probable » que « l’essentiel de la contamination observée en 2013 » dans la région de Minamisoma provienne en réalité des « dépôts radioactifs de mars 2011« .
Comment, dès lors, être sûr de l’origine de la contamination, des causes, des possibilités de la limiter ? Une fédération d’agriculteurs a demandé à TEPCO de reporter le démantèlement de la partie haute du réacteur n°1 suite aux forts rejets qui avaient accompagné des travaux similaires au niveau du réacteur n°3. La compagnie a refusé.

Lors de cette même audition devant la NRA, les responsables de TEPCO ont également reconnu que plusieurs réservoirs utilisés pour récupérer de l’eau radioactive sur le site étaient des modèles d’occasion, qui plus est du même modèle que le réservoir qui avait laissé fuir 300 mètres cubes de liquide contaminé auparavant. Des réservoirs dont la principale faiblesse, le défaut d’étanchéité des joints, est connue, identifiée …
Mais dans l’urgence, le fournisseur de TEPCO a livré au plus tôt et pas au plus sûr.

Préparer l’opinion publique japonaise au pire

Le 6 août dernier, une information fait la Une du Japan Times : « Fukushima reactor 3 meltdown was worse than estimated: Tepco » – « l’état de fusion du réacteur n°3 pire que prévu ».

Depuis le début de la catastrophe, le 11 mars 2013, TEPCO persistait à communiquer sur une fusion partielle du réacteur n°3 de Fukushima Daiichi, l’évaluant à 60%. Mais hier, l’aveu est finalement arrivé : c’est 100% du réacteur, qui, rappelons-le, fonctionne avec 30% de combustible MOX depuis septembre 2010, qui serait en fusion.

 

Pour Greenpeace, au regard des informations rassemblées, c’est une façon de préparer l’opinion publique à l’impossible retrait des combustibles des réacteurs de Fukushima. Aujourd’hui, retirer le corium d’un réacteur est une tâche inédite, non prévue, non envisagée à la conception des réacteurs, et surtout impossible dans l’état actuel des connaissances techniques.

C’est ce que les citoyens japonais vont devoir affronter. Cette communication de TEPCO est une façon d’introduire le fait que la construction de bunkers pour couvrir les réacteurs accidentés sera très probablement nécessaire, et de préparer progressivement l’opinion publique japonaise et mondiale pour la construction d’une série de « sarcophages de Tchernobyl version 2014 ».

Redémarrer à tout prix ?

Au même moment, et alors que l’ensemble du parc de 48 réacteurs du pays est arrêté, le gouvernement japonais semble vouloir à tout prix relancer des réacteurs.

Des dossiers techniques ont ainsi été soumis à l’autorité de sûreté nucléaire, notamment pour les réacteurs de Sendai. Compte tenu des délais d’examen qui se montent à un ou deux mois, la validation technique définitive ne devrait pas intervenir avant fin novembre. L’autorité se borne toutefois à dire que les installations sont sûres. C’est aux dirigeants politiques qu’il revient de décider du redémarrage.
Or, ces réacteurs de Sendai sont vieux, ils sont respectivement âgés de 29 et 30 ans…
Le vieillissement des réacteurs réduit considérablement les marges de sûreté prévues par la conception et augmentent fortement le risque d’accidents. Voir notre enquête complète sur le vieillissement des réacteurs nucléaire sur out-of-age.eu

vieillissement

L’opinion publique japonaise est majoritairement opposée au redémarrage des réacteurs.

Une majorité de l’opinion japonaise est pourtant hostile à la relance de l’énergie nucléaire. Une dizaine de milliers de manifestants se sont rassemblés fin juin pour s’opposer au redémarrage des réacteurs, et une pétition pour abandonner l’énergie atomique a recueilli 7,5 millions de signatures.
La hâte du gouvernement japonais ne tient pas compte, ni de l’opposition de la population japonaise, ni de l’avis des experts en matière de sécurité . Le gouvernement menace inutilement l’environnement japonais, son peuple et son économie.

Voir la vidéo du Monde publiée en septembre 2013 : Comprendre la situation à Fukushima