Déforestation importée : l’Union européenne adopte une réglementation ambitieuse mais imparfaite

Forêts

Les négociations au sujet de la réglementation européenne relative à la déforestation importée se sont conclues cette nuit à Bruxelles sur une première mondiale : les entreprises devront prouver que leurs produits n’ont pas contribué à la déforestation si elles veulent les vendre dans l’UE. Des représentants du Parlement et des gouvernements de l’UE ont finalisé cet accord à l’ambition inédite : les entreprises sont désormais obligées de remonter la chaîne d’approvisionnement jusqu’à la parcelle de production pour prouver qu’aucune forêt n’y a été récemment déboisée, sous peine d’amende.

Cependant, si ce règlement apparaît encourageant, Greenpeace alerte sur le fait que les “autres terres boisées”, comme celles du Cerrado au Brésil [1], ne sont pas couvertes par le texte. Pour rappel, cet écosystème, trésor de biodiversité et grand comme la moitié de l’UE, est largement détruit par l’agro-industrie pour faire pousser du soja importé en Europe. Cette question sera réexaminée lors d’une révision dans un délai d’un an.

De même, les droits humains et en particulier ceux des peuples autochtones ne bénéficieront que d’une protection fragile. Malgré la volonté du Parlement de défendre les droits humains reconnus au niveau international, l’accord conclu n’exige le respect du droit au consentement préalable, libre et éclairé des populations autochtones que si le pays producteur garantit ce droit.

« Il s’agit d’une avancée majeure pour les forêts et pour les personnes qui se sont mobilisées pour les protéger : cette loi empêchera certaines entreprises de tirer profit de la déforestation, explique Eric Moranval, chargé de campagne Forêts à Greenpeace France. Mais ne soyons pas naïfs : ce règlement n’offrira qu’une protection médiocre aux peuples indigènes qui paient de leur sang pour défendre la nature, et comporte des failles bénéfiques à certaines industries forestières. Nous resterons particulièrement vigilants dans les années à venir : l’UE doit élargir son champ d’action pour aussi impliquer le secteur financier et protéger la nature dans son ensemble, et pas seulement les forêts. »

La réglementation s’appliquera aux entreprises commercialisant du soja, du bœuf, de l’huile de palme, du bois, du caoutchouc, du cacao et du café, ainsi que certains produits dérivés comme le cuir, le chocolat et les meubles. Actuellement, les citoyens et citoyennes de l’UE n’ont aucune garantie que les articles contenus dans leur panier ne sont pas le produit de la déforestation.

Une révision de ce règlement est prévue deux ans après son entrée en vigueur : celle-ci permettra potentiellement de protéger davantage d’écosystèmes comme les tourbières et les zones humides, d’inclure les institutions financières européennes et de couvrir un plus large spectre de produits, comme le maïs et les agrocarburants.

Le Parlement européen devra approuver cette nouvelle réglementation européenne sur la déforestation lors d’un vote en session plénière, et les pays membres donneront leur approbation officielle lors d’une réunion ministérielle. Ces formalités auront probablement lieu d’ici au début de l’année prochaine.

 

Note aux rédactions :
[1] Voir Élections 2022 au Brésil : zoom sur la situation en Amazonie, dans le Cerrado et le Pantanal, dossier de presse Greenpeace France, octobre 2022