COP25 : aux abonnés absents, Emmanuel Macron ne se donne pas les moyens de sauvegarder l'accord de Paris

Climat

Quelques jours avant le début de la COP, Emmanuel Macron ne compte toujours pas se déplacer à Madrid. Son absence est un signal négatif quant à l’ambition française en matière de lutte globale contre le changement climatique – et l’utilisation d’Edouard Philippe comme rustine diplomatique n’y changera rien. Pourtant, les enjeux sont importants et la France est attendue pour susciter un sursaut nécessaire au sein de la diplomatie climatique. 

La COP25 s’inscrit dans la continuité du Sommet pour le climat, organisé par le Secrétaire général de l’ONU en septembre, où les dirigeant·es ont été invités à présenter des plans plus ambitieux pour protéger le climat. Malheureusement, les résultats escomptés n’ont pas été pas au rendez-vous : les engagements actuels des pays industrialisés restent terriblement inadéquats et n’atteindront pas les objectifs de l’accord de Paris, nous entraînant vers un réchauffement planétaire dévastateur d’au moins 3°C. « Lors de cette COP25, nous attendons de la France qu’elle obtienne l’obligation pour les Etats de soumettre de nouvelles feuilles de route, fondées sur les dernières données scientifiques disponibles et compatibles avec les objectifs de l’accord de Paris, en mars 2020 au plus tard », souligne Clément Sénéchal, chargé de campagne Climat à Greenpeace France.

C’est aussi la COP d’une année riche en mobilisations sur le climat, mais qui aura vu aussi des impacts record du changement climatique : incendies en Australie, cyclones dévastant le Mozambique et les Bahamas, inondations en Inde ou en Iran, ainsi que l’augmentation du nombre de victimes des vagues de chaleur en Europe.

La diplomatie climatique actuellement parasitée

L’accord de Paris doit entrer en vigueur après la COP26, en novembre 2020, mais son avenir est en jeu lors de cette COP25, qui pâtit de l’affaiblissement de la dynamique enclenchée en 2015 lors de la COP21.

De gros pays émetteurs s’opposent aujourd’hui ouvertement à la logique et à l’esprit de l’accord de Paris : le Japon a réaffirmé ne pas vouloir relever sa contribution déterminée au niveau national (NDC), la Russie n’en a toujours pas publié, les Etats-Unis ont entamé le processus de sortie début novembre, l’Australie et le Brésil sont gouvernés par des dirigeants hostiles à la cause climatique.

Par ailleurs, l’article 6, portant sur la prise en compte des marchés carbone, suscite de nombreuses inquiétudes et menace de transformer l’accord de Paris en vaste marché carbone, déresponsabilisant du même coup les Etats dans les efforts à fournir pour baisser les émissions de gaz à effet de serre. Le Brésil, notamment, tente de faire passer un double comptage des crédits carbone (en comptabilisant les réductions dans le bilan du pays vendeur et du pays acheteur) et le recyclage des crédits carbone issus du protocole de Kyoto. Bref : mal négocié, cet article risque de miner l’accord de Paris de l’intérieur et d’annuler tous les efforts diplomatiques consentis pour obtenir une action publique franche dans la lutte contre le changement climatique.

La présence de la France au plus haut niveau indispensable

Emmanuel Macron a placé l’écologie au cœur de son discours et de ses priorités affichées. En toute logique, il doit se rendre à Madrid pour donner du poids à la voix française et contrecarrer les attaques contre l’accord de Paris, contrairement à l’année dernière où il avait brillé par son absence à la COP de Katowice. Or, il est actuellement prévu que seul Edouard Philippe se déplace pour l’ouverture de la COP25, le temps d’une courte matinée.

« Lors du G7, Emmanuel Macron n’avait pas hésité à jouer le rapport de force avec Jair Bolsonaro sur l’agenda climatique, à propos de la situation en Amazonie notamment. Nous attendons qu’il fasse de même sur la négociation de l’article 6, qui pourrait rendre l’accord de Paris nul et non avenu, explique Clément Sénéchal. Emmanuel Macron ne peut pas demander aux jeunes d’aller manifester en Pologne ou de nettoyer les plages corses et laisser les pays climato-sceptiques paralyser une des enceintes décisives de la lutte contre le changement climatique. Chacun doit faire ses devoirs : la jeunesse et les scientifiques font les leurs, tandis que les dirigeants politiques jouent aux cancres. L’urgence ne pourrait pas être plus grande : à 1°C de réchauffement, nous sommes déjà témoins des effets dramatiques du changement climatique pour de nombreuses populations ».