C’est une information qui pourrait paraître anodine, mais qui est pourtant extrêmement préoccupante. Et révélatrice des dysfonctionnements techniques et des dénis politiques qui entourent le nucléaire depuis tant d’années. Les certificats de contrôle de plusieurs composants auraient en effet été falsifiés.

Nucléaire

Sûreté nucléaire : rien ne va plus

C’est une information qui pourrait paraître anodine, mais qui est pourtant extrêmement préoccupante. Et révélatrice des dysfonctionnements techniques et des dénis politiques qui entourent le nucléaire depuis tant d’années. Les certificats de contrôle de plusieurs composants auraient en effet été falsifiés.

 

Site AREVA de la Hague © Nicolas Chauveau / Greenpeace

Soupçons de falsification autour des composants nucléaires

L’Autorité de sûreté nucléaire française (ASN) vient en effet d’annoncer qu’il y avait des soupçons de falsification de documents relatifs à des nombreuses pièces destinées aux centrales nucléaires. Ce qu’AREVA, qui fabrique ces pièces depuis des dizaines d’années dans son usine du Creusot, en France, a elle-même admis.

De quoi s’agit-il exactement ? Au moins 400 des 10 000 documents de contrôle (des bordereaux de conformité technique) épluchés par AREVA à la demande de l’ASN comportent des défauts. Plus exactement, certains taux de concentration de carbone, qui définissent la résistance des composants usinés, soit ne sont pas renseignés, soit sont mal renseignés. Pourquoi ? Parce que les pièces en question ne répondaient vraisemblablement pas aux normes édictées par l’ASN.

Les anomalies détectées par l’ASN en 2015 sur la cuve de l’EPR de Flamanville (dans laquelle se produit la réaction nucléaire) ont poussé le gendarme du nucléaire à réclamer un audit à AREVA sur l’ensemble des pièces fabriquées depuis 2004. C’est lors de cet audit que les « falsifications » ont été détectées, sur toutes sortes de pièces : éléments de cuve, couvercle, viroles de générateurs, rotors de turbines, etc.

Il faut savoir que les tests réalisés par AREVA avant 2005 étaient effectués sur les résidus des pièces usinées – et on en concluait à l’homogénéité de la pièce en matière de concentration carbonique. Mais un arrêté de l’ASN de 2005 stipule que les tests doivent être réalisés sur l’ensemble de la pièce usinée et des étapes de fabrication. Et c’est là que les choses se sont compliquées : il est vraisemblable qu’en réalité AREVA n’arrivait plus, déjà depuis longtemps, à garantir la qualité exigée par l’ASN et que pour continuer d’honorer les contrats en cours, elle ait versé dans quelques petits arrangements.

Quel scénario ? Des valeurs non renseignées pour masquer les défaillances ? Une moyenne de valeurs pour masquer la distribution éparse de ces valeurs prises séparément à différents endroits de la pièce ? Modification de ces valeurs par AREVA pour rester dans les clous dès usinage de la pièce ? Fraude de Veritas, l’agence de certification internationale ? Fraude d’AREVA suite aux retours de Veritas ? On ne le sait pas encore.

Fermer en urgence les installations nucléaires concernées

Quoiqu’il en soit, cela signifie très simplement qu’AREVA n’est plus en mesure de garantir la sécurité d’un grand nombre de composants éparpillés dans une centaine de centrales nucléaires dans le monde (Etats-Unis, Royaume-Uni, Finlande, Chine, Corée du Sud, Afrique du Sud, Espagne, Belgique, Suisse, Suède, Brésil, Slovénie). Et les déclarations de Ségolène Royal sur des “premiers contrôles positifs” au Creusot relèvent d’une très mauvaise blague : a-t-elle eu le temps d’aller vérifier dans la nuit la teneur en carbone des composants incriminés dans chacune des centrales en fonctionnement concernées ? Ou s’est-elle contentée de vérifier la qualité du papier utilisé dans l’usine du Creusot pour ses documents de contrôle ? Tests de déchirures ?

Ces anomalies signifient que des dizaines d’exploitants de par le monde (aux Etats-Unis par exemple, la production nucléaire est privatisée et répartie entre plusieurs entreprises différentes) sont fondés aujourd’hui à poursuivre AREVA – déjà sauvée de la faillite par un rachat forcé d’EDF – en justice. Mais surtout que des dizaines de centrales nucléaires dans le monde ne sont aujourd’hui pas sûres : on ne sait pas réellement quelle est la qualité des pièces qui les composent. C’est pourquoi nous demandons que les installations concernées soient immédiatement arrêtées, le temps d’approfondir et d’achever l’audit en cours.

Alors que nous venons de commémorer la catastrophe de Tchernobyl, qui a fait environ 900 000 morts, autant de légèreté laisse sans voix. Cette défaillance de traçabilité et ces soupçons de fraude, s’ils devaient être avérés, sont proprement criminels : on « joue » là avec la vie de millions de gens.