D’un bout à l’autre de l’Union européenne, journalistes, militant·es, universitaires et ONG font face à des menaces ou procédures judiciaires qui n’ont qu’un seul but : réduire les critiques au silence. Souvent lancées par des multinationales ou des personnes influentes, ces procédures-bâillons sont un danger pour la liberté d’expression. Greenpeace et plus d’une centaine d’ONG demandent à l’Union européenne de réagir.

Procès-bâillons : l’UE doit réagir

D’un bout à l’autre de l’Union européenne, journalistes, militant·es, universitaires et ONG font face à des menaces ou procédures judiciaires qui n’ont qu’un seul but : réduire les critiques au silence. Souvent lancées par des multinationales ou des personnes influentes, ces procédures-bâillons sont un danger pour la liberté d’expression. Greenpeace et plus d’une centaine d’ONG demandent à l’Union européenne de réagir.

Les procédures-bâillons, qu’est-ce que c’est ?

Les procédures-bâillons sont nées aux États-Unis mais se sont vite répandues en Europe, comme le montre ce rapport publié en juillet dernier par l’unité européenne de Greenpeace.

Ces poursuites sont intentées par de puissantes multinationales contre des lanceurs d’alerte qui défendent l’intérêt public et dénoncent les atteintes aux droits humains ou les crimes environnementaux commis par des filiales de ces multinationales. Elles se caractérisent par le fait que, contrairement aux actions en justice “classiques”, elles ne visent pas forcément à obtenir une victoire devant les tribunaux mais à intimider les lanceurs d’alerte et à épuiser leurs ressources humaines et financières.

'Two Months Of Injustice' Global Day of Solidarity in Paris. © Nicolas Chauveau

Des militantes de Greenpeace manifestent pacifiquement pour demander la libération d’activistes détenus en Russie.
novembre 2013, © Nicolas Chauveau / Greenpeace

Quelques exemples

En Allemagne, le géant du charbon RWE poursuit en justice un jeune militant de 24 ans pour avoir encouragé des actes de désobéissance civile dans le cadre d’une mobilisation contre l’exploitation du charbon. Toujours outre-Rhin, l’ONG internationale SumOfUs est attaquée par Paypal pour avoir manifesté devant le siège de l’entreprise. Lorsque la journaliste d’investigation maltaise Daphne Caruana Galizia a été assassinée en 2017, elle faisait l’objet de pas moins de 47 poursuites en diffamation intentées par des personnes influentes sur lesquelles elle avait fait des révélations. En Pologne, le professeur de droit Wojciech Sadurski est poursuivi par la chaîne de télévision TVP pour l’avoir critiquée sur Twitter.

En France, l’ONG Sherpa est traînée devant les tribunaux par VINCI pour avoir dénoncé le recours d’une de ses filiales à du travail forcé sur des chantiers de la Coupe du monde Qatar. Le groupe Bolloré avait lui lancé une vingtaine de procédures contre les ONG Sherpa et ReAct et les journalistes de Mediapart pour les empêcher d’enquêter sur les violations de droits humains commises par ses filiales au Cameroun.

Trop souvent, celles et ceux qui dénoncent l’exploitation d’êtres humains, la destruction de l’environnement, la corruption et les conflits d’intérêts le paient au prix cher. Trop souvent, celles et ceux qui disent la vérité s’exposent à de lourdes amendes ou sont poursuivis en justice par des multinationales qui veulent les réduire au silence. Ces intimidations judiciaires doivent cesser. L’Union européenne doit mettre fin à ces pratiques inadmissibles et défendre notre droit à la liberté d’expression.
Ariadna Rodrigo, Unité européenne de Greenpeace

Quelles sont nos demandes à l’Union européenne pour en finir avec ces intimidations judiciaires ?

Dans le sillage de la directive sur les lanceurs d’alerte, l’UE doit désormais s’attacher à protéger aussi celles et ceux qui font l’objet de procédures-bâillons.

  • L’UE doit adopter une directive pour lutter contre ces procédures-bâillons visant à établir des normes de protection communes à tous les pays membres, des sanctions exemplaires contre les entités à l’origine de poursuites abusives, des garanties procédurales pour les victimes notamment la possibilité de contester les charges pesant contre elles.
  • L’UE doit revoir certaines réglementations qui permettent aux demandeurs de choisir le pays dans lequel ils engagent les poursuites, et donc des tribunaux plus susceptibles de leur donner raison. Ces pratiques sont contraires au droit à un procès équitable et au principe d’égalité des armes.
  • L’UE doit soutenir financièrement et moralement les victimes de procédures-bâillons, notamment dans le cadre de leur défense juridique, sensibiliser les juges et les praticiens du droit et créer un registre répertoriant toutes les entreprises à l’origine de procédures-bâillons.

Aller plus loin : 

On ne se taira pas

Rapport de l’unité européenne de Greenpeace (en anglais)

Demande détaillée des ONG à l’UE (en anglais)