La PAC ne doit pas être la vache à lait des fermes-usines

Agriculture

Le 2 avril prochain, la commission Agriculture du Parlement européen s’exprimera sur le sort réservé à la Politique agricole commune (PAC) pour les sept prochaines années. Va-t-elle suivre l’exemple de la commission Environnement et mettre au cœur de la PAC les fermes familiales, plutôt que les fermes industrielles ?

Les fermes industrielles défigurent les campagnes européennes. Elles alimentent les changements climatiques, aussi bien à cause des émissions directes des animaux que de la production des aliments destinés à les nourrir, qui entraîne déforestation et pression sur les terres partout sur la planète. L’élevage industriel pollue l’air et les eaux à l’échelle locale : les émissions d’ammoniaque engendrent une pollution de l’air considérable dans les zones rurales, et la pollution des eaux par l’azote occasionne près de 320 milliards d’euros de dommages chaque année dans l’Union européenne. Les conditions d’élevage exiguës sont synonymes de souffrance pour les animaux et augmentent les risques de propagation et d’apparition de maladies transmissibles à l’être humain. À cela s’ajoute les effets délétères sur la santé liés à notre surconsommation actuelle de viande et de produits laitiers.

D’après les travaux scientifiques du GIEC sur l’agriculture et le climat ou encore ceux de la commission EAT-Lancet sur l’alimentation durable, il faut impérativement réduire la production et la consommation de viande et de produits laitiers. La réforme de la PAC est l’occasion unique d’abandonner l’agriculture industrielle destructrice au profit de méthodes écologiques.

Le 2 avril prochain, la commission Agriculture du Parlement européen va voter sur la proposition de réforme de la PAC, élaborée par la Commission. Les eurodéputé.e.s devront se saisir de cette opportunité pour montrer qu’ils tiennent compte des avis scientifiques et défendent l’agriculture écologique, et non les fermes-usines.

Disparition des petites fermes

Depuis ces dernières années, les fermes industrielles ne cessent de s’agrandir, tandis que les petites exploitations familiales disparaissent progressivement. La production animale a augmenté… alors que le nombre d’exploitations a diminué de 2,9 millions (soit près d’un tiers) entre 2005 et 2013, dans l’ensemble de l’Europe. Une révolution qui s’est déroulée en quelques années à peine ! Aujourd’hui, pas moins de 72 % de l’ensemble des produits animaux européens proviennent des plus grandes fermes.

La PAC a accompagné, voire favorisé, l’intensification de l’élevage sur le continent européen. Les gouvernements peuvent financer directement certaines productions animales ou le développement rural pour construire ou agrandir des bâtiments d’élevage. Mais l’élevage industriel est surtout largement soutenu à travers l’alimentation animale : la majorité des fonds de la PAC sont attribués aux agriculteurs qui produisent du fourrage ou des aliments pour nourrir le bétail.

Les membres de la commission Agriculture doivent saisir cette occasion d’inverser la tendance pour que l’argent du contribuable européen cesse de bénéficier à une industrialisation croissant de l’élevage et au développement de fermes-usines. Leurs collègues de la commission Environnement leur ont montré le chemin à suivre.

Des animaux entassés

En février, la commission Environnement a voté pour la restriction des fonds alloués aux fermes-usines, pour l’adoption d’objectifs qui permettraient d’interdire progressivement les conditions d’élevage déplorables et pour l’introduction de références déterminant l’espace minimum dont chaque animal a besoin pour se mouvoir et se coucher. Les eurodéputé.e.s se sont également prononcés pour augmenter la partie du budget attribuée aux dispositifs climatiques et environnementaux, pour soutenir les pratiques agricoles durables et pour aider davantage d’agriculteurs à se convertir à l’agriculture écologique.

Nos eurodéputé.e.s devraient également demander que les aides de la PAC soient conditionnées à un nombre maximum d’animaux qu’une ferme peut accueillir selon sa surface. La commission Environnement a voté pour l’adoption d’un nombre maximum basé sur la surface nécessaire pour traiter les déjections animales en toute sécurité, conformément à la directive sur les nitrates : pour prétendre bénéficier de la PAC, chaque ferme devrait ainsi disposer de 0,14 hectare par brebis, 0,71 hectare par truie et 1,43 hectare par vache laitière.

La baisse de la densité des élevages permettrait que les aides de la PAC soient versées aux agriculteurs qui appliquent des méthodes durables, font paître leurs animaux sur leurs champs, préservent les prairies et protègent les communautés rurales. En revanche, autoriser une densité plus élevée conduirait à ce que l’argent de la PAC finance les fermes-usines qui entassent le plus grand nombre d’animaux possible, mettent hors-jeu les petits éleveurs et dépendent de la production massive de céréales ou d’oléagineux pour nourrir leurs bêtes. Nous devons choisir entre une PAC qui soutient les fermes familiales qui travaillent avec la nature, ou les fermes-usines qui détruisent l’environnement et les communautés rurales.

Il est temps pour nos eurodéputé.e.s de la commission Agriculture de nous montrer qu’ils veulent soutenir les agriculteurs écologiques, la protection de l’environnement, le mode de vie des communautés rurales et une agriculture qui nous aide à lutter contre les changements climatiques. Il faut absolument garantir que l’argent public ne soutiendra plus l’agriculture industrielle et ses ravages. Il est temps de voter NON aux fermes-usines.