L’enquête publique sur le projet routier du LIEN se termine aujourd’hui à 17h.
Retrouvez ci-dessous notre contribution afin de dire non à ce projet dépassé, destructeur de la biodiversité et polluant.
Si vous souhaitez participer ça se passe ici : https://www.enquetes-publiques.com/Enquetes_WEB/FR/EP21526/Deposer.awp
Madame, Monsieur,
Vous trouverez ci-dessous notre avis concernant l’avis de la MRAE Occitanie et les réponses apportées par le Département de l’Hérault, sur le projet de la RD 68- LIEN – Section entre l’A750 à Bel Air et la RD 986 au Nord de St Gély du Fesc.
1/ La MRAE note bien l’absence de la prise en compte du trafic induit dans l’étude d’impact. Le Département n’apporte pas de nouveaux éléments dans sa réponse, confondant le trafic induit avec le report de trafic existant sur d’autres voies de circulation. Ce sont pourtant deux éléments distincts, qu’il faut ajouter et non pas confondre.
Le trafic induit désigne le volume de trafic supplémentaire généré par la création ou l’amélioration d’une infrastructure de transport. Il ne s’agit pas du report de véhicules existants sur d’autres itinéraires vers la nouvelle route, mais bien de l’apparition de nouveaux déplacements en voiture ou de leur allongement.
Cela est dû à l’amélioration de l’offre routière qui peut entraîner :
– Un report modal vers la voiture : « la nouvelle route rend l’usage de la voiture plus pratique, je vais donc la privilégier aux transports en commun »
– Un allongement des déplacements : « je gagne 10 minutes sur mon temps de trajet, je vais pouvoir déménager un peu plus loin de mon travail, là où les prix de l’immobilier sont moins chers »
– L’apparition de nouveaux déplacements : « je peux maintenant aller en voiture au centre commercial pendant ma pause déjeuner, alors qu’avant je restais sur mon lieu de travail »
Frédéric Héran, urbaniste et économiste, définit le trafic induit de la sorte : « Quand la capacité de la voirie est accrue (par une nouvelle voie ou l’élargissement d’une voie existante) pour répondre à une demande (c’est-à-dire pour « fluidifier le trafic »), on constate que l’infrastructure finit par attirer un trafic supérieur à ce qu’avait prévu le modèle. Les scientifiques parlent de « trafic induit ». Ce n’est pas une théorie mais un simple constat abondamment documenté. » Source : http://heran.univ-lille1.fr/wp-content/uploads/Trafic-induit-A480.pdf
Il est documenté depuis les années 1960, et vérifié empiriquement depuis les années 1990. L’existence du trafic induit fait consensus depuis cette époque (voir la revue bibliographique du Sétra (Service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements – rattaché au Ministère de l’Ecologie) à ce sujet : http://www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/1122171.pdf
En 1996, il a été le sujet d’une conférence des ministres européens des transports qui concluait notamment : « Dans le cas d’une nouvelle infrastructure routière, on peut compter, selon des estimations concordantes, sur une augmentation moyenne de mobilité de 10 pour cent à court terme et de 20 pour cent à plus long terme. ». Source : https://www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/98rt105f_0.pdf
Son impact est donc particulièrement dimensionnant (entre 10% et 20% de trafic supplémentaire) et doit être pris en compte dans les études des nouveaux projets routiers.
La « Synthèse des bilans des projets routiers structurants » réalisée par le CEREMA en 2018 rappelle d’ailleurs qu’« une attention particulière doit être portée aux hypothèses de reports et de trafic induit ainsi qu’au réseau de référence qui sont les plus grandes causes potentielles d’écart. » – Source : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/1809w-rapport2018-Analyse_bilans_loti.pdf
Pourtant, le trafic induit est ignoré dans l’étude du projet du LIEN. Il en résulte une sous-estimation du trafic futur et de toutes les externalités qui en découlent. L’impact du projet doit donc être revu en tenant compte de ce trafic induit.
En considérant une part de 15% de véhicules supplémentaires, conformes aux valeurs moyennes des documents cités précédemment, l’impact est à majorer pour les éléments suivants :
– Volume de trafic : 25 000 x 15% = 3750 véhicules quotidiens supplémentaires Soit 3750 x 8 = 30 000 km supplémentaires parcourus quotidiennement
– Emission de gaz à effet de serre :
En considérant les émissions moyennes d’un véhicule à 120 grammes de CO2 par km 120* 30 000 = 3 600 000 kg CO2 = 3 600 tonnes rejetés chaque jour
Soit 1 314 000 tonnes équivalent CO2 rejetés chaque année
– Coût pour les usagers : En considérant le coût d’utilisation moyen d’un véhicule à 0,30€ par km 30 000 x 0,30 = 9 000 € quotidiens Soit une dépense supplémentaire de 3,28 M€ annuels pour les usagers du LIEN
– Il convient également de reprendre les études d’impact sur la pollution de l’air et la pollution sonore qui sont basées sur les éléments de l’étude de trafic, ainsi que le nombre d’accidents et d’animaux sauvages tués sur les routes qui augmentent avec le nombre de kilomètres parcourus
– Selon le même principe, la création d’axes routiers de ce type engendre une urbanisation induite, et l’artificialisation de nouvelles terres dont l’accès est rendu plus pratique ou plus rapide. L’avis de la MRAE souligne bien l’incertitude des conséquences du projet sur l’extension de la périurbanisation. A nouveau la réponse du Département n’est pas pertinente et ne donne pas d’éléments de réponse à cette problématique qui n’a manifestement pas été évaluée ni même prise en considération. Le Département se défausse en assurant que l’urbanisation n’est pas de sa compétence, et néglige par conséquent ce phénomène pourtant essentiel et particulièrement dimensionnant.
2/ L’avis de la MRAE recommande de reprendre l’étude d’impact, notamment l’étude socio-économique, qui ne permet pas, en l’état, d’évaluer les impacts positifs ou négatifs de la réalisation du projet. A nouveau la réponse du Département n’est pas convaincante, il se contente de refuser de reprendre l’étude d’impact sans donner d’éléments de réponse. L’étude socio-économique est pourtant un des éléments essentiels à prendre en considération. En effet, les spécialistes en aménagement du territoire ont maintenant clairement remis en cause la métropolisation, dénonçant ses impacts négatifs et les limites de son développement. Ce principe qui consiste à centraliser toute l’activité économique, culturelle et tertiaire sur un espace géographique restreint (la ville-centre de Montpellier dans notre cas), engendre plusieurs effets négatifs, tels que l’augmentation des loyers dans le centre-ville, le déplacement des salariés vers des zones résidentielles plus éloignées, l’augmentation chaque année du nombre de kilomètres parcourus pour la réalisation des déplacements domicile-travail, la désertification de certaines villes qui ne disposent plus des services essentiels au quotidien, etc … De nouveaux modèles d’urbanisation et d’aménagement du territoire émergent, plus résilients et durables, permettant de continuer à réaliser notre programme d’activité, en retrouvant une proximité géographique et en diminuant mécaniquement le nombre de kilomètres et les externalités négatives associées. Ces modèles sont promus par les plans d’action gouvernementaux, par les spécialistes du domaine, et plébiscités par les citoyens qui en font l’expérimentation. A l’heure où nous prônons tous la construction d’une société durable, il n’est donc pas envisageable d’investir plusieurs dizaines de millions d’euros d’argent publique, dans un projet d’infrastructure classique de l’ancien modèle de métropolisation. Il ne faut pas construire cette route par dogmatisme, mais réfléchir à son usage et son impact sur notre société. Une étude socio-économique sérieuse doit être faite, basée sur les connaissances d’aujourd’hui, elle montrera que ce projet ne répond pas aux enjeux sociétaux actuels et va même à l’encontre des modèles d’urbanisation qui sont aujourd’hui encouragés.
Exemple de source à propos des modèles d’aménagement du territoire actuels : « Pour en finir avec la vitesse » – Tom Dubois, Christophe Gay, Vincent Kaufmann et Sylvie Landriève sont membres du Forum Vies Mobiles, institut de recherche sur la mobilité et les modes de vie du futur.
3/ La MRAE pointe les manquements de l’étude d’impact concernant les problématiques environnementales. Le Département ne répond pas aux éléments soulevés. L’aspect environnemental est pourtant primordial dans ce projet, puisqu’il affecte une zone naturelle présentant une biodiversité extrêmement riche, nécessitant des dérogations à la législation pour autoriser la destruction d’individus ou d’une partie de l’habitat de 135 espèces animales protégées répertoriées sur le tracé, ainsi qu’une espèce végétale protégée. L’historique du projet du LIEN montre que le Département a toujours négligé cet aspect : plusieurs « Dérogations Espèces Protégées » ont dues être réalisées, puisqu’elles étaient incomplètes, et que les études d’impact initiales avaient oubliées certaines espèces. Récemment des naturalistes ont certifiés la destruction de plusieurs stations de glaïeul douteux, espèce végétale protégée, qui avaient été balisées et qui devaient être replantées à un autre endroit. Elles ont été détruites par les engins de chantier, et cette entorse à la loi n’a fait l’objet d’aucune action corrective dans le fonctionnement du chantier ou son plan d’assurance qualité. Ces exemples montrent que le Département n’a pas pris la mesure du patrimoine naturel concerné, et que depuis le début du chantier, il ne parvient pas à mettre en œuvre une organisation assurant le respect de la législation environnementale.
Ce projet portant atteinte de façon considérable à la nature est d’autant plus incompréhensible à une époque ou nous déplorons tous, et où les scientifiques alertent de façon alarmiste, sur l’effondrement de la biodiversité.
En 40 ans, 60% des animaux sauvages ont disparu :
Nous sommes entrés dans la 6ème extinction de masse :
A l’heure où tout devrait être fait pour protéger ce qui reste du vivant, réaliser un projet à tel point destructeur de la biodiversité, est indigne de la responsabilité de notre civilisation à l’égard des autres espèces avec qui nous partageons cette planète.
4/ Les émissions de gaz à effet de serre liées directement au projet (émissions dues à la construction de la route, aux matériaux utilisés et à leur transport) ou indirectement (notamment l’augmentation du trafic routier due au trafic induit) ne sont pas évaluées par l’étude d’impact. Le Département ne juge donc pas nécessaire de quantifier l’impact sur le réchauffement climatique dû à ce projet. C’est pourtant un des défis majeurs qui se présente à notre société et nous ne pouvons plus l’ignorer. Le dernier rapport du GIEC, dévoilé le 28 Février dernier, alerte à nouveau sur la criticité de la situation. Wolfgang Cramer, un des coordinateur d’un des chapitres précise : « Les progrès de la science depuis le dernier rapport du Giec, il y a sept ans, nous ont permis de démontrer que ces catastrophes sont de plus en plus courantes et que cette hausse est due, dans un grand nombre de cas, à l’activité humaine. Nous montrons également que la plupart des tendances et les projections des précédents rapports du Giec se sont confirmées, ou ont été en dessous de la réalité : la situation s’est significativement aggravée. » – Source : https://lejournal.cnrs.fr/articles/nouveau-rapport-du-giec-sur-le-climat-la-situation-sest-significativement-aggravee
En l’état actuel des connaissances, il n’est plus acceptable de réaliser des projets qui vont à l’encontre des grands objectifs nationaux tels que la Neutralité Carbone en 2050, et qui mettent en péril l’avenir de notre civilisation.