Fessenheim : quand l’État français se couche devant EDF

Nouveau tour de passe-passe dans la saga Fessenheim

Le vaisseau Beluga II de Greenpeace passe devant la centrale nucléaire de Fessenheim en 2014. Fessenheim est la plus vieille centrale française et une des 20 plus vieilles centrales européennes.

Les conditions négociées par EDF en échange de la fermeture de la centrale sont inacceptables. En plus d’être vieille et dangereuse, la centrale de Fessenheim est d’ores et déjà amputée de son réacteur numéro 2 depuis près d’un an, puisqu’une anomalie grave y a été détectée. L’arrêt immédiat s’impose donc.

Pourtant, un nouveau tour de passe-passe permet encore une fois à EDF de s’en tirer à (trop) bon compte. Selon la loi, EDF doit demander la fermeture de Fessenheim pour que le gouvernement publie un décret autorisant l’abrogation de l’autorisation d’exploitation de la centrale. Mais le Conseil d’administration de l’entreprise a finalement voté pour un énième report de la demande officielle de fermeture.

Si le Conseil d’administration a effectivement donné son accord pour qu’une demande d’abrogation de l’autorisation d’exploiter la centrale soit transmise à l’Etat, EDF a réussi à faire déraper le calendrier en sa faveur. En effet, cette demande ne sera faite que “dans les six mois précédant la mise en service de l’EPR de Flamanville”.

Hier encore, c’était 2018, aujourd’hui c’est 2019, mais EDF a déjà obtenu de l’État le droit de prolonger le chantier de Flamanville jusqu’en 2020.

S’il faut attendre le « lancement » de l’EPR de Flamanville pour fermer officiellement Fessenheim, jamais la transition énergétique ne sera enclenchée en France. Rappelons en effet que le chantier de cet EPR a déjà cinq ans de retard et que son coût devrait dépasser les 10,5 milliards d’euros, soit presque trois fois plus que le devis initial.

Une mise en service de cet EPR contribuerait aussi à renforcer gravement le risque d’accident nucléaire. En effet, avec les anomalies détectées sur la cuve et le couvercle de la cuve, l’EPR est l’installation nucléaire qui a le plus gros potentiel de danger au monde.

L’Etat français et EDF : l’impuissance publique

Manifestation de 60 activistes venant de 14 pays différents devant la centrale de Fessenheim pour dénoncer les risques inadmissibles liés aux centrales nucléaires vieillissantes.

Notre flamboyante ministre de l’Environnement Ségolène Royal a tenté un nouveau coup d’éclat, annonçant qu’elle considérait que ce vote du Conseil d’administration d’EDF valait demande au gouvernement, et rendrait par conséquent possible la publication du décret avant la fin du quinquennat Hollande. Et comme par magie, le décret a été publié dimanche 9 avril.

Les syndicats opposés à la fermeture de la centrale ne l’ont pas entendu de cette oreille. Réagissant à l’annonce de la Ministre et à la publication du décret, ils ont menacé de l’attaquer afin de l’annuler. Sur quel motif ? Un non respect par l’Etat de la procédure fixée.

Même sans cette annulation, EDF pourrait se contenter de l’ignorer, ce qui entérinerait la soumission de l’État à la politique énergétique d’EDF. Conclusion : la centrale de Fessenheim ne sera pas fermée d’ici la fin du quinquennat de François Hollande.

Combien de temps encore l’entreprise publique EDF criblée de dettes va-t-elle continuer à décider seule de la politique énergétique de la France, poser des conditions et risquer la sécurité et les finances des Français sans qu’aucun gouvernement ne puisse rien faire ou dire ?