Climat

Europe : EPR cherche partenaire particulier

Lundi 3 décembre, EDF annonçait, dans un communiqué, un nouveau surcoût pour l’EPR de Flamanville qui devrait, pour l’heure, coûter 8,5 milliards d’euros. Suite à cette annonce, Enel, électricien italien a annoncé vouloir abandonner sa participation dans le projet EPR Flamanville 3, réclamant ses billes, soit 613 Millions d’Euros…

Cette actualité récente n’est en fait qu’un nouvel épisode d’une série de déconvenues pour le réacteur EPR en Europe. Depuis quelques mois, les actionnaires et partenaires des différents projets se retirent les uns après les autres, laissant la France de plus en plus seule à porter le projet : à travers ses acteurs industriels (EDF & Areva), et à travers ses finances publiques… et donc ses contribuables.

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À la recherche de l’équilibre financier

Les modes et les sources de financement dont peuvent bénéficier les projets nucléaires sont en principe les mêmes que pour d’autres grands projets de production d’électricité ou d’infrastructure. La première étape qui s’impose à tous ceux qui souhaitent promouvoir un projet nucléaire consiste à réduire autant que possible les risques financiers liés à la construction et à l’exploitation d’une centrale nucléaire dans un pays donné. Ce sont alors les risques financiers résiduels et le montage envisagé pour répartir ces risques entre les différents acteurs qui détermineront la viabilité financière du projet. (voir le rapport de l’OCDE )

Ainsi, l’enjeu de la construction des nouveaux réacteurs nucléaires réside dans l’équilibre financier des projets.
En 2009, le groupe bancaire britannique City group publiait une étude intitulée “New Nuclear – The Economics Say No” dans laquelle il détaillait les risques financiers majeurs pesant sur la construction de nouveaux réacteurs nucléaires.

Selon cette étude, seul le soutien massif des autorités publiques permettra de réduire ces risques en les transférant purement et simplement vers la collectivité, à savoir le consommateur ou le contribuable .

Les risques financiers identifiés sont de 5 ordres :

  • Les risques de retard dans la planification
  • Les risques liés à la construction : retards et surcoûts.
  • Les risques liés au prix de l’électricité. Une centrale produit de l’électricité pendant plusieurs dizaines d’années. Sur cette période les prix du marché peuvent varier et impacter la rentabilité de l’investissement, surtout dans un marché libéralisé. En Grande-Bretagne le gouvernement propose de fixer des tarifs d’achat fixes sur plusieurs décennies pour le nucléaire. En France, le prix est fixé par l’Etat et non par le marché ce qui rassure les investisseurs
  • Les risques liés au fonctionnement de la centrale : combien d’électricité va fournir la centrale. C’est un élément déterminant pour l’équilibre financier du projet. Deux éléments peuvent faire varier cette donnée : les incidents et la capacité de la machine à fonctionner correctement mais aussi la demande d’électricité. Si la demande est trop faible et que la centrale doit produire moins l’investissement mettra plus de temps à être amorti
  • Les risques liés à la fin de vie et aux charges futures : le coût de la gestion des déchets et du démantèlement est encore mal connu et sous-évalué. Tout changement réglementaire peut venir bouleverser l’équilibre financier d’un réacteur nucléaire.

Le soutien public s’est mis en place et il prend plusieurs formes : des tarifs d’achat en cours de discussion (en Grande-Bretagne notamment) ; des garanties à l’exportation (sur les projets d’EPR en Finlande, en Chine et des demandes sont cours sur l’Inde…).

Une des stratégies pour sécuriser le financement consiste aussi en une diversification des investisseurs dans le projet.

Ainsi les partenariats se sont multipliés ces dernières années mais volent en éclat depuis Fukushima (EOn et RWE ont revendu leur Joint Venture en GB ; Total est sorti du projet de Penly 3, Enel vient d’annoncer son retrait du projet de Flamanville, Constellation s’est retiré des projets d’EPR aux USA pour lequel il était en partenariat avec EDF…). Voir notre infographie.

Le contribuable, ce garant rassurant …

Malgré ce constat, Areva et EDF se positionnent en pointe pour investir des milliards d’euros dans le marché nucléaire britannique alors que leur santé financière est chancelante et que leur taux d’endettement est très élevé. Mais il est vrai que nos champions disposent d’outils rassurants pour les banques : assurance publique à l’exportation pour Areva et hausse des prix de l’électricité en France pour EDF.

Ainsi, au lieu de se concentrer sur leur mission de service public de fourniture d’une électricité bon marché en France, Areva et EDF s’engagent dans des investissements à risques grâce à l’argent des Français et avec la bénédiction de l’État, leur actionnaire principal.

Ce laisser-faire de l’État actionnaire montre son peu de considération pour la transition énergétique en France et son manque de préparation alors même qu’un débat national démarre sur le sujet. C’était dans le rapport de la Cour des comptes, l’État a depuis trop longtemps abandonné son rôle de stratège… et se laisse dicter des investissements faramineux par une poignée de lobbyistes de l’ombre qui décide pour et à la place de l’État de sa stratégie électrique.

Des investissements très lourds seront nécessaires pour remplacer les centrales françaises en fin de vie, quelles que soient les solutions de remplacement envisagées. Plus les entreprises françaises prennent des investissements risqués à l’étranger, plus elles mettent en péril les investissements à venir dans le système électrique français.

Risque financier, risque environnemental, il est grand temps que la France cesse de s’entêter dans l’illusion de la filière nucléaire et investisse massivement dans la transition énergétique.